« Élément Terre », mon cher Watson

Il y a environ 4,5 milliards d’années, alors que se formait notre système solaire, une petite planète façonnée par la matière interstellaire commençait timidement à tourner autour de notre Soleil. Contrairement à ses sœurs Vénus et Mars, entre lesquelles elle tournait, elle était à idéale distance pour que puisse y éclore un jour la vie, ni faisant ni trop chaud, ni trop froid. Une conjoncture relativement rarissime dans l’univers. Un gros coup de bol, en somme. Et la chance ne s’est pas arrêtée là. Car pour que cette vie éclose, de l’eau liquide aura été nécessaire, celle-ci permettant une concentration suffisante de molécules pour que ces dernières puissent s’organiser et former des structures complexes. Et devinez quoi ? La Terre en avait en quantité suffisante dans ses entrailles, l’eau finissant même par émerger sous l’effet de l’intense activité volcanique.

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Et ce n’est pas tout, car pour qu’une vie complexe puisse émerger, il aura aussi fallu de l’oxygène et, pour y arriver, que le dioxyde de carbone soit « fixé », ce qui aura été rendu possible grâce aux premières bactéries. Processus qui aura pris un bon milliard d’années supplémentaires. Après quoi, la Terre étant dotée d’une atmosphère viable, le vivant pouvait apparaître, dans les océans, d’abord, puis sur la terre ferme et, plus tard encore, dans les airs. Avec, au fil de l’évolution et de la diversification des espèces, l’apparition d’un certain Sapiens. Soit environ 60 millions d’années après… la pomme.

Saisissez-vous maintenant la chance que nous avons ? Pas encore ? Alors poursuivons ! Pour que nous ayons pu exister, en tant qu’individu, pas moins de 7 000 générations d’hommes et de femmes auront foulé le sol de notre planète depuis l’apparition des premiers Homo Sapiens. 7 000 générations qui se seront donc croisées et auront enfanté. Sachant que si vous êtes « vous », c’est grâce à la fécondation d’un ovule par un des 200 millions de spermatozoïdes que votre père pouvait produire par jour, et prenant en compte le nombre de jours dans une existence et le nombre de générations précédentes, l’on vous laisse calculer la probabilité que vous soyez aujourd’hui là à lire ces lignes.

Tout cela démontre à quel point nous sommes vernis de simplement exister, quels que soient notre condition sociale ou l’endroit où nous vivons. Cette chance, fruit d’une corrélation d’événements pour le moins hasardeux, nous aura amenés à grandir sur une planète aux conditions climatiques plutôt agréables dans l’ensemble, et qui plus est offrant aux 8 millions d’espèces qu’elle abrite toutes les conditions nécessaires pour assouvir leur faim et leur soif. Que demander de plus ? Pourtant, cela ne nous aura pas suffi. Près de 200 000 ans après être apparu, Sapiens a en effet décidé que ce n’était pas assez. Alors il aura détruit, déboisé, colonisé, transformé son environnement… Avec pour seul leitmotiv son propre confort. Qu’importent les conséquences.

En quelques décennies à peine, nous aurons façonné une Terre à notre image. Déstructurant notre planète en la pillant de ses ressources, celles du moins qui nous semblent les plus précieuses pour l’épanouissement de notre société industrialisée, à commencer par les énergies fossiles, mais aussi en déforestant afin de faire paître notre bétail et ériger nos usines. Notre propension à constamment améliorer notre zone de confort nous aura fait perdre tout sens du discernement. Avec pour conséquence aujourd’hui d’assister au pourrissement de notre environnement, celui-là même dont nous dépendons. Contre toute logique, donc.

Pourtant, malgré les avertissements, nous poursuivons notre route sans voir qu’elle est sans issue. Au nom du développement et du profit immédiat, nous acceptons sans broncher d’hypothéquer l’avenir de nos enfants et de compromettre toute forme de vie sur Terre. Jusqu’au jour où le point de bascule sera atteint. La croissance aura alors eu raison de la raison. Et la chance, elle, passée une bonne fois pour toutes. La Terre, alors, ne sera plus si différente de Mars et Vénus. Et poursuivra sa course… Et tant pis si c’est sans nous !

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