ENQUÊTE JUDICIAIRE SUR LE MEURTRE PRÉSUMÉ DE TELFAIR : Le deal du 14/X compromet le ministre Sawmynaden

Dans un message à Koomadha Sawmynaden à 18 h15 ce 14 octobre, Soopramanien Kistnen fait état d’un arrangement attribué au ministre du Commerce pour des paiements variant de Rs 50 000 et Rs 200 000 chaque semaine

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Le lendemain, Enter le dénommé Ravi, qui aurait agi au nom du tandem Appanah/Bonomally, fixant le rendez-vous du vendredi 16 pour un premier paiement

L’Appointment au PMO du 1er octobre à 14 h 30 accordé à Kistnen Soopramanien se révèle un détail critique quant aux menaces de dénonciations de fraude et corruption dans des contrats

La chronologie des événements entre le mercredi 14 octobre et le vendredi 16 octobre – dont l’ultime message de la victime Soopramanien Kistnen au témoin Koomadha Sawmynaden – a été détaillée au tribunal de Moka dans le cadre de l’enquête judiciaire sur le meurtre allégué à Telfair de ce vendredi fatidique. Un élément critique, qui semble être le détonateur de la séquence des événements subséquents, notamment un message téléphonique transmis par Soopramanien Kistnen à Koomadha Sawmynaden ce 14 octobre à 18 h 15, place en posture des plus compromettantes Yogida Sawmynaden, ministre du Commerce et colistier du Premier ministre, Pravind Jugnauth, à Quartier-Militaire/Moka (No 8). Dans ce message, Soopramanien Kistnen, qui n’avait cessé de répéter qu’il allait dénoncer à l’Independent Commission Against Corruption (ICAC) des magouilles lors de l’allocation de contrats, notamment à la State Trading Corporation (STC), avait fait état d’un « deal » attribué à Yogida Sawmynaden en vue de régler le litige avec des versements hebdomadaires de Rs 50 000 à Rs 200 000.
Dans sa déposition, hier, Koomadha Sawmynaden a expliqué que les termes de cet accord auraient été arrêtés après « ki inn zwen Yogida » et que dorénavant ce serait au tandem Appanah/Bonomally d’assurer la suite. Le lendemain, soit le 15 octobre, le dénommé Ravi, qui aurait agi au nom de ces derniers, devait prendre contact avec l’agent du MSM du No 8 pour lui fixer le rendez-vous du vendredi 16 en vue d’un versement initial. Une autre situation qui fragilise dans une certaine mesure le ministre du Commerce tourne autour de l’Appointment obtenu par Soopramanien Kistnen le 1er octobre dernier vers les 14 h 30 au Prime Minister’s Office en vue de dénoncer les dessous des pratiques « frauduleuses » lors de l’octroi de contrats.
Avant sa mort suspecte, Soopramanien Kistnen aurait confié à Koomadha Sawmynaden que quand le ministre du Commerce avait appris la démarche auprès du PMO, il l’aurait déconseillé d’y aller avec pour prétexte des problèmes de santé. La coïncidence avait voulu qu’à cette même période, la victime avait pu rembourser une partie de sa dette jusqu’à hauteur de Rs 200 000. Si pour la confirmation du rendez-vous du 1er octobre, des documents au secrétariat du Treasury Building pourraient aider, par contre les Sources of Funds quant à ces Rs 200 000 constituent un suspense de classe.
En attendant le décryptage des mémoires de téléphones cellulaires en question sur la base de Judge’s Orders, les huit avocats, agissant comme Watching Brief pour les parties concernées, dont Mes Rama Valayden et Roshi Bhadain, réclament que les téléphones du ministre Sawmynaden soient placés sous séquestre. A la fin de la séance d’hier, ces conseils légaux réclament la démission du ministre pour que les enquêtes sur le meurtre présumé de Telfair et sur les dessous des contrats alloués puissent poursuivre en toute transparence.
Interrogé sur ses conversations avec Soopramanien Kistnen avant sa disparition le 16 octobre 2020, Koomadha Sawmynaden est revenu sur la date fatidique du 14 octobre où la victime l’avait informé qu’il allait rencontrer Yogida Sawmynaden. Selon les dires du témoin reprenant les propos de Soopramanien Kistnen, le ministre du Commerce aurait alors informé le défunt que Deepak Bonomally et Vinay Appanah allaient entrer en contact avec lui pour faire le nécessaire en vue d’éponger les dettes en question. Ils s’étaient ainsi mis d’accord pour qu’un dénommé Ravi fasse l’intermédiaire pour le paiement. Et Koomadha Sawmynaden de rappeler que Soopramanien Kistnen lui avait indiqué en début de soirée, le 14 octobre, qu’il avait obtenu la garantie d’obtenir chaque semaine des paiements variant entre Rs 50 000 et Rs 200 000 pour rembourser ses dettes. Selon le deal allégué, Ravi allait aussi lui faire signer une fausse facture pour faire accroire qu’il avait travaillé pour eux. Ainsi, aux dires de la victime auprès de Koomadha Sawmynaden, il allait empocher jusqu’à Rs 3 millions pour s’acquitter de ses dettes et Rs 2 M de plus pour être en mesure de relancer son business.
Le 15 octobre, Koomadha Sawmynaden est revenu à la charge pour lui demander s’il aura son argent sous peu. Selon le témoin, le défunt lui aurait dit « inn fini koze, konplike me pa move ». La victime lui aurait alors donné l’assurance qu’il allait rencontrer Appanah et Bonomally avant midi ce jour-là. Toutefois, le défunt devait lui avancer qu’il n’avait pu les rencontrer ce 15 octobre. Pour revenir par la suite au 16 octobre, date à laquelle Soopramanien Kistnen devait obtenir une première somme d’argent avec le dénommé Kavi mais aussi le jour où il avait été porté disparu. Un message à 10h24 de Soopramanien Kistnen à Koomadha Sawmynaden lui avançant « mo pe ale la ein », ce que le témoin avait compris comme soit il partait pour rejoindre Ravi soit il se rendait à l’ICAC.
Car Koomadha devait expliquer que l’agent du MSM du No 8 était remonté contre la manière dont le ministre et ses proches collaborateurs procédaient : « Kistnen ti pe dir mwa si zot tret mwa kouma mandian swa zot donn mwa bout bout, swa mo pou denons zot l’ICAC ». Koomadha avait alors compris que la victime ne pensait pas se rendre à l’ICAC car il souhaitait obtenir l’argent qu’il lui avait promis vu qu’il était endetté. Toutefois, la victime ne devait plus donner signe de vie ce jour-là et Koomadha avance qu’il avait tenté d’entrer en contact avec la victime de 14h30 à 17h30, par voie de messages et d’appels, ce vendredi fatidique, mais en vain.
Interrogé par la suite sur ses relations avec son frère Yogida Sawmynaden, Koomadha Sawmynaden a répondu : « Nou pa koz avec nou kamwad me nou pa a kouto tire ». Il poursuit : « Nou mama ti pe gagn traka kot sa inn arive me kouma enn sitoyen responsab mo ti oblize dir seki Kistnen inn rakont mwa malgre ki ena nom Yogida ladan ». Par ailleurs, le témoin avance que Yogida « ti fer enn fot anver bann paran et li pa ti pe frekant noumem » mais tient à souligner que « mo pena laenn anver Yogida, li mo frer ek res mo frer ».
Face aux questions de Me Rama Valayden, Koomadha Sawmynaden devait étaler son itinéraire dans l’après-midi du 16 octobre. Il devait ainsi expliquer que depuis 10 heures ce jour-là il était à Pointe-aux-Sables à rénover un appartement avec ses travailleurs. Il y avait passé la journée mais devait aussi aller chercher ses enfants à l’école entre 14h10 et 15h30. Il est resté sur le site de travail jusqu’à 19h15 et est rentré chez lui avant 20 h.

CONSTABLE ABEERAM : « Aucun enregistrement vidéo de caméras CCTV à La Louise le 16 octobre »

Le constable Abeeram, de la Control Room de la Safe City, a été appelé une nouvelle fois à donner plus de détails sur les enregistrements vidéo des caméras CCTV dans la région de Quatre-Bornes, où le défunt avait été vu pour la dernière fois sur les images de surveillance intelligentes, alors qu’il avait pris l’autobus de Rose-Hill pour se diriger vers Palma.
Dans l’enquête judiciaire, le constable devait affirmer avoir vérifié toutes les caméras à Palma, Quatre-Bornes, Sodnac et La Louise. Il devait par ailleurs soutenir que les caméras CCTV principales à La Louise étaient opérationnelles, mais qu’il n’y a aucun enregistrement vidéo ni image de toute la journée du 16 octobre, soit le jour où Soopramanien Kistnen a été vu pour la dernière fois. Le constable soutient aussi que les caméras aux alentours de l’hôpital Wellkin ne sont pas opérationnelles.
À une question de Me Roshi Bhadain portant sur le point si les données des enregistrements vidéo des caméras Safe City sont stockées dans un disque dur sur les serveurs de Mauritius Telecom ou du Government Online Centre, le constable n’a pas été en mesure de répondre. Suite à ses réponses, qui n’ont pas convaincu la magistrate et le représentant du DPP, un ordre a été émis pour que celui en charge de contrôler ces données soit appelé lors de la prochaine audience, lundi prochain.

LE SERGENT ROSTOM : « Pas au courant de la présence d’un bouton bleu »

Aucune entrée dans le Diary Book de Moka au sujet du passage de trois heures de Koomadha Sawmynaden le 26 octobre dernier

Le sergent Rostom, de la CID de Moka, a été longuement interrogé par Me Rama Valayden sur le déroulement de l’enquête menée avant qu’elle ne soit transférée à la Major Crime Investigation Team (MCIT) le 12 novembre.
Le sergent, dans un premier temps, devait faire part de la déclaration de Simla Kistnen, la femme de la victime, selon laquelle un certain Nagen avait menacé son mari quelques mois auparavant. Si Me Valayden a demandé au policier s’il connaissait le garde du corps du ministre Yogida Sawmynaden, il a répondu par la négative. Me Valayden devait aussi lui faire part du fait que son supérieur en charge de l’enquête avait été transféré à l’ICAC et que depuis un certain temps, il n’y avait pas de supérieur hiérarchique responsable de l’enquête. Le sergent devait avancer qu’il répondait aux ordres d’un Assistant surintendant de police.
De plus, Rostom met en exergue que personne n’avait été traité comme un suspect lors de l’enquête, soit aucun interrogatoire « under caution ». Par ailleurs, l’affaire du bouton bleu retrouvé près du lieu où le corps avait été mis au jour a été relancée par Me Valayden, qui a demandé au sergent s’il était au courant qu’un bouton bleu provenant d’un blouson de cette même couleur avait été retrouvé sur les lieux du drame le 18 octobre. Le sergent a répondu par la négative.

Rama Valayden (RV) : La femme du défunt a-t-elle été interrogée pour savoir si son mari portait un blouson bleu ?
Sergent Rostom (SR) : Je ne suis pas au courant.
RV : Quand vous êtes allé sur les lieux du crime et avez vu le corps de la victime, vous saviez que c’était un meurtre, n’est-ce pas ?
SR : J’ai personnellement traité cette affaire comme un meurtre.
RV : Après l’autopsie, vous vous êtes rendu compte que le corps de la victime avait été transporté dans ces champs de cannes ?
SR : Je ne peux confirmer cela.
RV : Avez-vous été informé d’une voiture rouge?
SR : Oui, mais pas de la marque ou autres informations.
RV : Vous n’avez pas aperçu de peinture rouge ou encore des débris sur les lieux ?
SR : Non.
RV : Aviez-vous cherché plus d’informations sur la voiture rouge?
SR : Non. On avait eu des informations sur un 4×4 blanc puis une voiture rouge.
RV : Donc, ni le 4×4 blanc ni la voiture rouge n’ont été retrouvés ?
SR : Non, mais l’enquête se poursuit.

Le sergent Rostom devait aussi être confronté au fait qu’il n’a pas respecté les Standing Orders de la police en appelant Koomadha Sawmynaden à la CID de Moka le 26 octobre pour être interrogé mais sans prendre de déposition signée de lui et ce, dans un mess room au poste de police. Le sergent indique qu’il avait informé ses supérieurs de ce qu’il faisait et qu’il n’avait pas souhaité insérer une entrée dans le Diary Book « pour éviter quelconque fuite d’informations car c’était une affaire hautement sensible ». Le sergent a affirmé toutefois que Koomadha Sawmynaden avait dénoncé son frère ministre, Yogida Sawmynaden, pour une affaire de fraude et de corruption.

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