Epatants, ces artistes mauriciens à Paris !

Quel immense bonheur de voir une pièce de théâtre mauricienne sur une scène parisienne ! En effet, après un franc succès sur les planches à Maurice en 2017, Cette brûlante envie de servir, pièce politico-satirique, a été jouée avec brio en plein cœur de Paris au Théâtre des Mathurins le 29 et 30 avril derniers.

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Pièce écrite par Jean Lindsay Dhookit et récompensée par le Prix Jean Fanchette 2015, Cette brûlante envie de servir a été brillamment adaptée et mise en scène par Gaston Valayden. L’auteur a mis le doigt sur un certain « art de la politique » qui ferait rimer « pouvoir » avec « cupidité » et « corruption ». Ce n’est pas uniquement une caricature de la situation locale. Ce thème d’actualité, est un thème universel, nous dit Rama Poonoosamy ; on pourrait transposer le même scénario dans d’autres pays. À la suite d’une catastrophe naturelle, un ministre abandonne son île adorée, « le pays de son enfance » et prend la fuite pour l’Australie avec sa famille, son conseiller et d’autres « idiots » du gouvernement ; ils embarquent à bord d’un paquebot avant de se rendre compte qu’ils doivent rebrousser chemin, inspirés par une « brûlante envie de servir » le pays. Robert Furlong et Jean Claude Catheya, les principaux personnages, jouent le rôle du Senior Minister et celui du conseiller ministériel respectivement. Géraldine Boulle incarne le rôle de l’épouse du ministre et Gaston Valayden, le Junior Minister, ministre de la culture.

Jean Claude Catheya, Robert Furlong et Gaston Valayden

Leur remarquable talent a poussé Rama Poonoosamy à porter la pièce en France. Directeur de l’agence Immedia et très engagé dans la promotion culturelle, il valorise depuis une trentaine d’années des créations d’auteurs très variés. Il a voulu que cette représentation théâtrale, la 68ème production théâtrale d’Immedia, soit inscrite au cœur des célébrations du 50ème anniversaire de l’indépendance de l’île Maurice. Grâce au soutien de ses partenaires à Maurice et en France, Rama Poonoosamy a mis le théâtre mauricien à l’honneur à Paris. Chapeau bas à toute l’équipe ! Quel chemin parcouru pour notre petite île ! Quelle belle commémoration pour les 50 ans ! Quelle fierté pour nos artistes !

Robert Furlong et Géraldine Boulle

À la soirée de gala à Paris le dimanche 29 avril, au Théâtre des Mathurins, à proximité de l’Opéra, les comédiens bien campés dans leurs rôles ont évolué avec aisance sur scène sous les applaudissements d’un public très chaleureux. Les comédiens ont réussi à plaire en faisant rire sur un sujet assez sérieux. Dès la première scène dans un décor marin, sur le pont d’un bateau, ils entraînent le public dans leur aventure et suscitent même sa sympathie. En exploitant l’« accent » du pays et en le mêlant aux métaphores colorées, ils ont également fait des clins d’œil linguistiques pleins d’humour à un public digne de la ville cosmopolite. Parant leurs répliques d’interjections ou d’expressions propres au français mauricien métissé comme « foutre va ! », « foutour ! » et « ne fais pas le tchu-tchunder », ils ont déclenché des fous rires dans la salle. Le tour est joué, le pari est gagné. En un mot : « Bluffant ! »

Engagés et sincères, dans un décor sobre, ils ont su émouvoir et faire rire les spectateurs en toute simplicité. Pas de fioritures ni de déclamations prétentieuses. Robert Furlong, dans le rôle du politicien corrompu, capte toute notre attention lorsqu’il débite avec un naturel renversant ses coups bas et ses méthodes de manipulation. Son conseiller, interprété par Jean Claude Catheya, très touchant au début, va dévoiler sa vraie nature au fil de la pièce ; il se perd entre l’étalage de son érudition et une conscience teintée d’hypocrisie… Piégé par son poste, il s’avère être le plus infâme des deux ; l’ignominie est à son comble lorsqu’il propose au Senior Minister d’utiliser sa femme pour gagner les faveurs du leader de l’opposition qui est sur le point de prendre le pouvoir du pays. L’épouse, femme révoltée est loin d’être dupe ; toutefois, dominée par son mari, elle n’aura visiblement pas son mot à dire. Le plus attachant des personnages est le Junior Minister. Victime de dérision, il gagne notre estime avec son air bon enfant. Lorsqu’il est question de faire demi-tour pour rentrer au pays et d’envisager l’administration d’un ministère des industries minières, il se défend avec une telle naïveté qu’il devient sympathique.

Jean Claude Catheya, Tatiana Rivet, Cassam Uteem, Rama Poonoosamy et Jean Lindsay Dookhit à la soirée de gala à Paris, au Théâtre des Mathurins, dimanche 29 avril

Notre chère île ne possède ni cobalt ni uranium, mais dotée d’un patrimoine multiculturel, elle recèle une mine de talents qui ne demandent qu’à s’exprimer pour éveiller les consciences…

Souhaitons bon vent à la petite troupe de Cette brûlante envie de servir ! Qu’elle ouvre la voie aux jeunes artistes en herbe ! Qu’ils nous fassent rire et… réfléchir sur d’amères réalités !

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