Et si on arrêtait nos conneries !

Depuis quelques années, à travers cette rubrique, nous parlons régulièrement d’effondrement, sans en expliquer totalement les tenants et aboutissants, mais aussi sans en expliciter réellement la nature. Car le mot est à l’origine d’un néologisme encore plus obscur pour le commun des mortels : la collapsologie. Mot construit du pendant anglais de l’effondrement (« collapse ») et du suffixe « logie », qui désigne l’étude scientifique d’un sujet, et donc littéralement ici « l’étude de l’effondrement ». Ou plutôt, pour être plus précis encore, « des » effondrements. Car oui, et c’est bien là ce qui rend le sujet complexe, il existe plusieurs effondrements qui, de manière conjoncturelle, s’imbriquent les uns dans les autres, un peu à la manière d’un gigantesque puzzle.
Mais que signifie concrètement l’effondrement ? Eh bien, tout d’abord, pas l’effondrement du monde, d’un point de vue littéral en tout cas. Mais plutôt de l’effondrement (ou la fin si vous préférez) de notre civilisation industrielle, du moins comme on la conçoit encore aujourd’hui. En d’autres termes, pour reprendre l’analogie du puzzle, d’un ensemble de pièces à qui l’on pourrait attribuer à chacune l’intitulé des défis auxquels l’humanité doit faire face, et non des moindres. Et portant les noms de « changement climatique », « érosion sociale », « énergie », « économie », « croissance », « biodiversité », « crise politique », « guerres », « hausse démographique », etc., etc.
Ainsi l’effondrement caractérise-t-il la chute inévitable de tout ce qui façonne le monde d’aujourd’hui, avec les conséquences que l’on devine. Pour faire simple, nous citerons l’ancien ministre français de l’Environnement Yves Cochet, fervent collapsologue s’il en est, qui en résumait parfaitement les caractéristiques en disant de l’effondrement qu’il est « le processus irréversible à l’issue duquel les besoins élémentaires (eau, alimentation, logement, habillement, énergie, etc.) sont rendus indisponibles du fait de leur coût déraisonnable à une majorité de la population par des services encadrés par la loi ». Difficile en effet de faire plus clair.
Sachant cela, plusieurs questions émergent immédiatement. À commencer par savoir si l’effondrement est inévitable. Et, sinon, comment faire pour l’éviter. Aussi, soyons aussi clairs qu’Yves Cochet : non, l’effondrement n’est pas inévitable (ce qui signifie donc que l’on peut encore l’éviter), mais l’on s’en rapproche irrémédiablement chaque jour un peu plus. Autrement dit, le « processus irréversible » dont parle Cochet n’est pas encore enclenché. Mais il est là. Près. Très près. Et si nous ne changeons pas immédiatement de trajectoire, alors arrivera le moment où nous ne pourrons tout simplement plus rien faire. Le premier domino tombera, et rien n’empêchera plus les autres de lui emboîter le pas.
Le plus consternant, c’est que l’origine de ce, disons, « très probable » effondrement étant connue, nous avons dès lors la capacité de modifier la suite de notre histoire, celle de l’Humanité, qui au cas contraire promet d’être funeste. Cette origine dont nous parlons est la « croissance », terme dont se gargarise régulièrement la classe politique du monde entier, et qui, après avoir perdu un peu (et un peu seulement) de sa superbe, le temps de la crise sanitaire (et aujourd’hui de la guerre en Ukraine), revient en force. Avec pour résultat de voir repartir à plein régime la machine industrielle, avec là encore les conséquences que l’on connaît, que ce soit sur le climat, l’environnement, la biodiversité, etc. Sans compter évidemment la question énergétique, cruciale pour faire tourner notre machine économique, et sur laquelle nous peinons à apporter une réponse rapide en respect avec nos impératifs climatiques. Et ce, alors même que nous savons nos réserves en énergie fossile sur la pente descendante.
Alors oui, le temps où ce magnifique château de cartes s’écroulera n’est pas loin ; il est même tout près. Et les inégalités sociales se faisant plus pressantes, en sus de la présence de multiples fléaux, elles précipiteront alors l’effondrement. Sommes-nous stupides pour autant ? Certes non, l’histoire culturelle et scientifique nous le prouve. Ce n’est donc pas d’intelligences individuelles dont nous manquons, mais d’intelligence collective. Et cela, c’est beaucoup plus difficile à générer !

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Michel Jourdan

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