Et un petit tour de plus…

2022 s’en va, 2023 s’en vient. Ce passage symbolique entre une année et une autre caractérise souvent, chez l’humain, l’instant précis où l’on pense pouvoir repartir de zéro. Un peu comme si d’arracher l’ultime page d’un calendrier faisait soudainement rejaillir l’espoir d’une vie meilleure, ou à minima moins austère. Et ce, quand bien même tous les indicateurs afficheraient clairement des signes contraires. Ce besoin de croire, typiquement humain soit dit en passant, est certes une bonne chose dans de nombreux cas, car sans cet optimisme caractérisé, nul doute que nous éprouverions grand mal à affronter nos démons. Mais ce faisant, nous avons tendance aussi à reléguer à des places inférieures les priorités du jour, préférant remettre au lendemain les défis d’aujourd’hui, que, croyons-nous, nous aurons toujours le temps de relever… le moment venu.
Bien entendu (vous nous avez vus venir), l’on pense forcément en premier lieu au changement climatique, lequel, chaque jour qui passe, nous approche un peu plus de cet instant fatidique où aucune de nos actions ne pourra inverser ou stabiliser le processus. Mais pas seulement. Car dans notre ère anthropocène, chaque avancée porte la marque de Sapiens, avec quasiment à chaque fois, au final, ce douloureux constat qu’il nous faudra un jour ou l’autre payer le prix fort de nos choix. Nous pourrions ainsi citer l’érosion sociale, la perte de la biodiversité, voire la problématique cornélienne d’une démographie galopante dans un monde de plus en plus consumériste, et donc gourmand en ressources. Et la liste est évidemment encore très longue…
La vérité, c’est que quelle que soit la hauteur du plafond de nos illusions, cette nouvelle année ne changera rien, ou si peu. Pas plus que ne le feront 2024, 2025 et les années suivantes d’ailleurs. Jusqu’à ce que la réalité physique ne vienne rattraper notre réalité sociale. Autrement dit cet instant X où la civilisation fera contact avec le mur que l’on nous promet. Ou encore lorsque cette civilisation, que l’on aime encore – malgré les récents chocs mondiaux – penser aussi solide que la maison du troisième petit cochon (celui aux murs de briques), s’écroulera comme un fétu de paille. C’est ce que clament sur tous les tons depuis des années maintenant les collapsologues, ou encore depuis 50 ans les auteurs du fameux rapport Meadows.
C’est que nous n’avons aucunement envie de modifier fondamentalement nos habitudes. Preuve en est qu’à chaque changement d’année, lorsque vient le moment de remettre nos vœux, nous nous pensons obligés de souhaiter à nos proches la « prospérité ». Terme qui renvoie inconsciemment à la croissance économique, alors que cette dernière est justement à la base même (inconsciemment aussi) de tous nos malheurs. De fait, penser que 2023 marquera un tournant dans l’histoire de l’humanité n’est plus un doux rêve, mais une utopie.
Quelles sont en effet nos ambitions du jour ? En fait, elles sont simples, car toujours les mêmes, quelle que soit la sphère sociale où l’on évolue. Ainsi, tandis que les plus pauvres espèrent naturellement voir leur bien-être s’améliorer, ce qui ne peut se traduire que par de meilleurs revenus, les nantis en font de même, capitalisant sur une augmentation de leur chiffre d’affaires, et par ricochet de leurs bénéfices. Riche ou pauvre, tout semble donc lié aux seuls profits. Nous faisant au passage oublier une chose essentielle : l’argent n’est rien. À peine une notion inventée par l’homme pour faciliter ses échanges, car toute autre formule lui semble hors de portée. Mais en réalité, il ne s’agit que de papier, voire d’un banal code binaire (celui de nos transactions) circulant dans un fil.
Or, cette fausse réalité instaure une distanciation avec notre écosystème, nous poussant à demander toujours plus et toujours plus vite. Ainsi avons-nous quitté depuis quelques décennies déjà l’ère industrielle pour sa résultante immédiate : « l’excesscène », ou encore l’ère de la démesure. Ce qui ne semble pas prêt de changer. Pourtant, plus que jamais, le moment est venu de prendre exemple sur la réalité physique de notre changement d’année. Puisque ce qui caractérise cette notion du temps est la durée que prend notre planète pour faire un tour complet autour de son astre, que l’on appelle « révolution », alors peut-être devrions-nous nous en inspirer. Et ainsi entamer nous aussi, à notre échelle, notre révolution… civilisationnelle cette fois !

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