Feel « great » factor

Il est marrant, Joe Lesjongard ! Ou alors ce sont les Mauriciens, qui sont tellement pressés comme des citrons par la cherté de la vie, qui n’ont d’autre alternative que de rire… jaune. Le peuple mauricien serait donc « tellement content » du dernier exercice budgétaire qu’il en émanerait un « feel good factor » dans le pays. C’est ce que l’on comprend en tout cas en écoutant le ministre de l’Énergie et des Services publics, et porte-parole du MSM, lors de sa conférence de presse le 18 dernier.

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Est-ce que payer l’essence à Rs 74,10 le litre, avec le prix des produits alimentaires et médicaments qui ont doublé, voire triplé, ces derniers mois, et s’acquitter de tous les frais qui composent le quotidien du Mauricien lambda, serait donc une… partie de plaisir ? D’autant que nombre de salaires ont été revus à la baisse ! Si Lesjongard veut penser que les Rs 1 000 et Rs 2 000 « données » distillent l’euphorie dans le pays, il vit probablement sur une autre planète !

Les élus du MSM et du ML s’autocongratulent pour un exercice budgétaire qui, sérieusement, ne facilite la vie que dans un très, très court terme. Ils gagneraient beaucoup à descendre dans les quartiers, même pas défavorisés, du pays pour constater l’ampleur de la pauvreté galopante. Ceux qui peuvent toujours faire leurs courses dans les supermarchés ont constaté, depuis plusieurs mois déjà, que la fréquentation a conséquemment baissé.

Raison ? La grande majorité des Mauriciens ne peuvent plus s’offrir le luxe d’acheter au comptant, ne serait-ce que les produits de base (lait, riz, fromage et farine) ! De plus en plus de nos compatriotes sont (re)tournés dan les boutiques du coin où, moyennant un arrangement avec le proprio, et le « carnet de Solange » si cher à SGD aidant, ils tentent, tant bien que mal, de se nourrir et de subvenir aux besoins de leurs enfants.

Dans nombre de quartiers, déjà affectés bien avant le Covid-19, des mères de famille avouent qu’elles n’ont d’autre choix que de donner du lait en poudre destiné aux adultes à leurs bébés de 5 mois ou 1 an ! Incroyable, mais c’est pourtant la réalité de ces familles, qui ne peuvent se permettre une boîte de lait, qui coûte plus de Rs 450 l’unité ! À défaut, elles prennent le risque de mal nourrir leurs petits, les exposant aux dangers médicaux que cela représente. L’essentiel étant de remplir l’estomac de l’enfant pour qu’il ne meure pas de faim !

Ce seraient ceux-là qui ressentent le “feel good factor” du ministre Lesjongard ? Ou sont-ce ces mères et pères de famille qui sont battus par leurs gosses adolescents, accros aux drogues ? Ou ces parents d’écoliers victimes de violences, qui perdurent toujours ? Et ces enfants handicapés qui ont été victimes d’abus sexuels dans des abris contrôlés par l’État ? À moins que ce soient ceux qui aient été interpellés dans le sillage de l’opération « Tank Vid » à Mahébourg ?

Qui, hormis les proches, petits copains et copines, qui gravitent autour du pouvoir, ressentent ce fameux “feel good factor” ? Combien de familles mauriciennes sont aujourd’hui au bord du gouffre ? À travailler le matin pour manger le soir ? La formule est déjà caduque ! La pauvreté extrême, assortie de la précarité, a gagné du terrain à pas de géant. Comment, dans de telles circonstances, où l’on sent le sol se dérober sous ses pieds et qu’on suffoque en pensant comment terminer le mois, se sentir « bien » ? Vivement que Joe Lesjongard vienne expliquer cela au grand public !

Ce 26 juin marque la 35e Journée mondiale de la lutte contre la drogue et le trafic illicite. Le ministre de la Santé, Kailesh Jagutpal, sera présent sur plusieurs scènes publiques pour un message national, qui gravite, on le devine, autour du « Say no to drugs ! ». À l’image de la campagne nationale qui se décline en spots TV et billboards sur des autobus, avec les messages du style « Ladrog detrwir, protez Beby » ou « Ladrog zame »…

Avec cette approche répressive, c’est le fiasco total annoncé. Interdire à un jeune de toucher aux drogues ne déclenche pas le réflexe souhaité, c’est-à-dire le décourager dans cette voie. Ça peut être, hélas, au contraire, le meilleur moyen de le pousser dans les bras de la mort ! L’approche appropriée, c’est l’éducation et l’information.

Husna Ramjanally

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