Fête de Saint-Louis – En la cathédrale ce matin : Mise en garde contre « le repli identitaire » en temps de crise

Le Père Goupille: « Il est nécessaire de trouver un chemin pour gérer les conflits, dépasser les préjugés, les divisions et éviter les paroles blessantes »

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La traditionnelle messe, pour marquer la Fête de Saint-Louis en la Cathédrale Saint-Louis et présidée par le cardinal Maurice Piat, s’est déroulée aujourd’hui en présence des dirigeants du pays et des représentants de la société civile et de nombreux fidèles catholiques. Dans son homélie, le Père Philippe Goupille s’est appesanti sur les sujets d’actualité et a ainsi fait référence notamment au contexte socio-économique difficile dû à la COVID-19, à la catastrophe écologique sur la côte Sud-Est de même qu’à l’atmosphère tendue ambiante et palpable dans le pays. Toutefois, le principal message du père Goupille concernait les risques et dérapages latents. Il a ainsi mis en garde contre le « repli identitaire en temps de crise ».
Le père Goupille a précisé « qu’aucun peuple au monde ne peut échapper à des moments de zizanie ». Il ajoute : « Dans l’histoire de notre pays, nous pouvons observer que, dans les moments de crise, nous avons toujours une résurgence du repli identitaire. Nous prenons conscience que les crises sont des moments qui suscitent des élans de fraternité mais aussi parfois des divisions et des bagarres. »
Le prêtre a de même repris le terme « identités meurtrières » utilisé par le célèbre écrivain libanais Amin Maalouf pour qualifier ce « repli identitaire », qui refait surface à chaque période difficile de la société mauricienne. « Rappelons-nous les bagarres raciales de 1968, les événements Kaya de 1999. Ce sont des moments où, comme dit le grand écrivain libanais Amin Maalouf, nous retrouvons les identités meurtrières», dit-il.
Le Père Goupille a ensuite encouragé tout un chacun à une réflexion « sur les moyens de favoriser la fraternité et la créativité de notre peuple » afin d’éviter les « identités meurtrières ». Il est important, selon lui, de « trouver un chemin pour gérer les conflits, dépasser les préjugés, les divisions et éviter les paroles blessantes ». Il poursuit : « Nous savons bien qu’on ne construit rien avec la négativité ni avec la violence. »
Le Père Goupille, qui est aussi le président du Conseil des Religions, est convaincu que le dialogue interreligieux fait partie de ces chemins à prendre pour contrer ce « repli identitaire ». « Que nous prenions au sérieux le dialogue interreligieux dans notre pays ! », a-t-il lancé ce matin à l’assistance, en rappelant par là même les initiatives prises par le Conseil des Religions. « Seule la connaissance de l’autre permet d’exorciser la peur. Seule la connaissance de l’autre nous permettra de sortir des identités meurtrières », dit-il.
Le Père Goupille a rappelé que le Conseil des Religions « milite » depuis plusieurs années pour l’introduction d’un module sur l’interreligieux dans le cursus du primaire et du secondaire et a salué l’effort du Service diocésain de l’Éducation catholique pour l’introduction des programmes interreligieux et interculturels dans son projet éducatif. Il a aussi fait mention de l’inclusion d’un cours sur l’interreligieux proposé depuis quelque temps par l’Université de Maurice.
C’est parce que le peuple mauricien est capable et a fait preuve plusieurs fois de « grands élans de fraternité », que le père Goupille appelle à agir contre les réactions tendant vers des « identités meurtrières » lors des conflits. C’est ainsi que le prêtre, dans la première partie de son homélie, est revenu sur les grands moments nationaux qui ont fait vibrer la nation mauricienne durant la même période l’année dernière, en citant les Jeux des Iles de l’océan Indien et la visite du pape François.
Et de faire ressortir que le pape a été particulièrement touché par la « fraternité spontanée » des citoyens mauriciens de toutes religions et de toutes cultures durant sa visite. « C’est dans ces moments-là que nous pouvons vraiment comparer notre pays à un arc-en-ciel où chaque couleur, chaque culture, chaque religion gardent sa saveur particulière dans une unité citoyenne », dit-il.
Et selon le Père Goupille, c’est précisément « ce même grand élan de fraternité » qui s’est manifesté il y a quelques jours lors du drame écologique provoqué par le naufrage du navire Wakashio. « Là encore, les citoyens mauriciens de toutes religions et cultures se sont mobilisés dans la fraternité pour sauver le pays », dira encore le père Goupille.
Par rapport à la COVID-19, qui a engendré des bouleversements au plan mondial, le Père Goupille qualifie cette pandémie d’« ennemie invisible » qui affecte toute l’humanité et qui a gravement affecté l’économie du pays en raison de ses conséquences sur le secteur du tourisme et sur l’industrie du textile. Devant cette pandémie, comme devant le naufrage du MV Wakashio, certaines personnes, dit-il, se posent des questions relatives à l’existence ou non du mal et vont jusqu’à demander si les catastrophes seraient « une punition de Dieu ». À ce sujet, il dira que, de tout temps, les philosophes et les religions ont cherché une réponse au problème du mal mais que, pour sa part, il apportera une réponse chrétienne. « Jésus nous dit que Dieu sème la bonne semence dans le champ du monde. Mais il y a un ennemi qui sème en même temps la graine de division, la mauvaise herbe. Il nous dit clairement que le mal ne vient pas de Dieu, il vient de la liberté de l’homme qui peut choisir de faire le bien en accueillant la semence ou de faire le mal en laissant germer dans son cœur la graine de la division, en grec Zizanion, signifiant la zizanie », a ainsi conclu le Père Goupille.
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En introtuction — Cardinal Maurice E. PIat : «Un beau sursaut patriotique»
En cette fête de la Saint-Louis, nous prierons spécialement pour notre pays qui est très éprouvé par la double crise sanitaire et écologique qui conduisent toutes les deux-là, une crise économique majeure. Je pense surtout au peuple de Mahébourg et des villages de la côte sud-est pour qui la marée noire n’est pas seulement un désastre écologie mais un désastre humain: la mer pour eux, c’est leur gagne-pain mais plus encore c’est leur lieu de vie, leur passion. Avec le lagon dévasté, c’est toute une vie, toute une culture qui s’effondrent.

Je salue les initiatives du Gouvernement pour gérer la crise sanitaire, pallier la crise économique et faire de son mieux devant la catastrophe qu’a constitué pour nous le naufrage du Wakashio.

Cette épreuve a aussi déclenché un beau sursaut patriotique de la part de la société civile qui a su déployer une grande générosité, une capacité de mobilisation et d’organisation, une belle solidarité. Un tel sursaut nous rappelle combien le rôle de la société civile est vital dans un pays et comment il doit être tenu en ligne de compte par les décideurs économiques et politiques. Ce n’est qu’en nous écoutant mutuellement que nous pourrons surmonter ces crises et construire ensemble le bien commun de notre pays.
Je vous invite à prier aujourd’hui pour que le Seigneur nous donne de vivre ensemble une fraternité soucieuse du bien commun.
Cardinal Maurice E. PIat
Evêque de Port-Louis

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