Fraude et corruption : Le déphasage de la POCA à la conjoncture mis en relief

Le DG de l’ICAC, Navin Beekarry: « There are now new challenges associated with the new financial crime landscape which the existing legislative and institutional setup, over fifteen years old, can no longer cope with effectively »

- Publicité -

Des 2 501 plaintes consignées à l’Independent Commission Against Corruption (ICAC) entre janvier 2016 à juin 2017, 1 083 ont fait l’objet d’enquêtes préliminaires. C’est ce qu’indique le rapport de l’ICAC au 30 juin 2017. De son côté, le directeur général, Navin Beekarry, déplore en des terlmes des plus catégotiques le déphasage de la Prevention of Corruption Act par rapport aux nouvelles réalités des crimes financiers.
Dans le rapport bilan de la commission anti-corruption, déposé à l’Assemblée nationale, Navin Beekarry note que la Prevention of Corruption Act ne tient pas compte de toutes les nouvelles donnes. Il s’attarde aussi sur ses pouvoirs qui doivent être « à la hauteur des organismes de lutte contre la corruption dans d’autres juridictions en matière d’arrestation ». Il déplore le manque de logistiques appropriées pour pouvoir abriter les actifs ainsi que les biens saisis lors des enquêtes de l’ICAC. Et réclame un cadre légal approprié pour protéger les “whisteblowers”.

Selon Navin Beekarry, avec le temps, de nouveaux crimes financiers se profilent à l’horizon. Ainsi, poursuit-il, « there are now new challenges associated with the new financial crime landscape which the existing legislative and institutional setup, over fifteen years old, can no longer cope with effectively ». Il avance que les lois et les institutions existantes doivent être améliorées pour pouvoirs palier les divers manquements dans la stratégie moderne de combattre la criminalité financière dans le pays. Il est d’avis que les défis de la corruption sont multiples.

Dans la foulée, il affirme que les pouvoirs qui lui ont été conférés doivent être revus. Il déplore que l’ICAC doive recourir à l’assistance du commissaire de police pour procéder à l’arrestation et à l’inculpation provisoire d’un suspect. « Cette pratique nécessaire signifie que la commission doit dépasser les limites de la confidentialité pour pouvoir faire appel à la police. Il y a des cas où les demandes de la Commission ont été rejetées » avance le numéro 1 de l’ICAC. Par conséquent, pour affirmer son indépendance totale en matière d’enquête, la commission anti-corruption préconise qu’elle soit à la hauteur des organismes dans d’autres juridictions en matière d’arrestation, sous réserve d’un mécanisme de surveillance approprié.

L’ICAC déplore aussi un manque d’espace à sa disposition; suivant le nombre d’opérations et de saisies qui augmente, notamment divers biens mobiliers comme des véhicules à moteur, des yachts, des meubles coûteux et d’autres appareils numériques. La commission souligne qu’elle ne dispose pas d’un espace dédié pour abriter ces types de pièces à conviction. Un Attachment Order ne prive pas le suspect en question de jouir de ce bien soupçonné de provenir d’un acte criminel. En attendant les conclusions de l’enquête à ce sujet, l’ICAC risque de se retrouver avec un bien largement déprécié. On déplore également les procédures d’avoir recours à l’Asset Recovery Unit au cours d’une enquête pour une demande de saisie. Cette ligne de conduite, selon l’ICAC, a de sérieuses implications, en termes de contrôle et de temps pour compléter l’enquête en question.

Par ailleurs, l’ICAC réclame plus de protection pour les “whistleblowers”. Contrairement au blanchiment d’argent, la corruption est connue, selon la commission anti-corruption, pour être un crime secret. Cependant, en l’absence d’un cadre légal approprié pour protéger les dénonciateurs, ceux-ci sont souvent réticents à faire des dénonciations. Afin de redoubler d’efforts pour détecter, enquêter et poursuivre les affaires de corruption complexes et de grande envergure, un système adéquat de protection des témoins et de traitement des informations confidentielles est nécessaire et c’est dans cette logique que l’ICAC plaide pour une réforme législative à ce propos.

Aussi, l’ICAC préconise d’avoir des tribunaux anti-corruption spécialisés à Maurice afin d’être sur un pied d’égalité avec des pays comme l’Indonésie, le Kenya, l’Ouganda, les Philippines et la Slovaquie. L’article 36 de la Convention des Nations Unies contre la corruption (UNCAC) appelle les pays signataires à créer des institutions spécialisées dans la lutte contre la corruption afin d’enquêter sur les actes de corruption dans leur juridiction. Selon la commission, conformément à cet article, de nombreux pays, y compris Maurice, ont mis en place des agences de lutte contre la corruption pour lutter efficacement contre la corruption. Mais alors que les agences ayant des pouvoirs d’enquête et de poursuite ont attiré plus d’attention, l’ICAC est d’avis qu’une question a constamment été soulevée concernant les défis que le système judiciaire actuel fait face pour engager des poursuites efficaces contre la corruption et les délits de blanchiment d’argent. Ces défis pourraient aller du manque d’expertise judiciaire adéquate et de compétences pour statuer sur ces crimes ainsi que des retards excessifs pour en disposer. L’argument le plus courant, selon l’ICAC, est en faveur de la création de tribunaux spéciaux de lutte contre la corruption et contre le blanchiment d’argent.

Le rapport bilan de l’ICAC note que pour la période du 1er janvier 2016 au 30 juin 2017, la Complaint and Advice Processing Unit (CAPU) a enregistré 2 501 plaintes. Le “board” de la commission anti-corruption a examiné ces plaintes et a décidé que l’Investigation Division devrait initier des enquêtes préliminaires dans 1 083 cas. Au cours de la même période, l’Investigation Division de l’ICAC a obtenu des “Attachment Orders” portant sur des biens meubles et immeubles, y compris des comptes bancaires, de quelque 125 personnes soupçonnées d’être impliquées dans le blanchiment d’argent. La valeur nette sécurisée des biens immobiliers ainsi comprenant également des devises étrangères ainsi que des bijoux s’élève à environ Rs 80 millions.

Le bilan de l’ICAC comprend aussi l’arrestation de 75 suspects ; la saisie de biens mobiliers et immobiliers d’une valeur de Rs70 millions, excluant 17 véhicules automobiles d’une valeur de Rs 8 millions qui ont été temporairement saisis ; 29 nouvelles affaires logées devant la Cour ; et la condamnation de 49 accusés.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -