GUERRE EN UKRAINE : Les sanctions sont-elles  vraiment efficaces ?

DR DIPLAL MAROAM

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Avant sa désintégration en 15 États souverains, l’URSS était non seulement un pays autosuffisant tant sur le plan agricole qu’industriel mais alimentait également le marché de nombreux pays de tous les continents. Cependant, la Russie – qui prenait le relais de l’Union Soviétique en décembre 1991 – commit l’erreur monumentale de réduire drastiquement sa machinerie de production pour accroître, de manière substantielle, sa dépendance sur les produits importés, dont certains furent, il est vrai, de qualité relativement supérieure. Or, la décision la plus rationnelle aurait été de maintenir en l’état le secteur industriel et d’élever la valeur ajoutée comparative des produits, ce qui aurait permis d’atténuer toutes les conséquences socio-économiques désastreuses en temps de crise, comme tel est le cas actuellement, et simultanément, de prévenir le chômage, fléau totalement inexistant sous l’URSS et représentant la racine de tous les maux sociaux partout actuellement dans le monde. Mais la Russie choisit de se concentrer sur l’exportation des matières premières, principalement les combustibles fossiles, constituant aujourd’hui l’épine dorsale de son économie avec plus de 60% des exportations. Tant et si bien que Moscou était devenu un des principaux partenaires commerciaux de l’UE, exportant en 2021 pour 158 milliards d’euros, plus même que le Royaume-Uni avec 146 milliards d’euros.

  Mais les sanctions contre la Russie existent déjà depuis 2014 suite à l’annexion de la presqu’île de l’Ukraine de la Mer Noire, la Crimée, ce qui avait manifestement contraint le pays à revoir sa stratégie commerciale en stimulant sa production et réduisant, dans une certaine mesure, sa dépendance sur l’importation avec pour résultat, entre autres, que la Russie finit par devenir le 1er exportateur de blé au monde, exportation lui rapportant d’ailleurs plus que la vente d’armes. Cependant, force est de constater que les sanctions et embargos actuels risquent de produire un effet boomerang car ne faisant que pousser la Russie dans les bras des géants économiques asiatiques, notamment la Chine et l’Inde. New Delhi achète déjà le pétrole russe aux prix cassés et le « chota Bharat » qu’est Maurice pourrait également en tirer profit ; d’ailleurs, Pravind Jugnauth avait lui-même déclaré à une question de la presse quelques jours avant sa visite dans la Grande Péninsule, que la guerre en Ukraine serait effectivement au menu des discussions avec son homologue indien, Narendra Modi.

La Chine, pour sa part, est déjà le 1er partenaire commercial de la Russie depuis 12 ans ; en 2020, les importations chinoises de gaz russe ayant même augmenté de 75% en valeur et 31% pour le pétrole. Et, réciproquement, les exportations des produits chinois en Russie cette dernière décennie ont progressé de 22%. Les deux pays s’apprêtent maintenant à inaugurer un pont autoroutier pour faciliter les échanges de marchandises et se proposent même de construire un gazoduc pour, manifestement, compenser le blocage éventuel du Nord Stream 2 vers l’Europe. À propos, la société russe, Gazprom, a déjà pris les devants, le 27 avril 2022, en coupant l’approvisionnement de la Pologne et la Bulgarie en gaz pour non-paiement en roubles uniquement. 

Mais ce que redoutent tant Européens et Américains, hormis l’aspect purement commercial, c’est le rapprochement géopolitique entre la Russie et la Chine, deux États nucléaires et membres permanents du Conseil de Sécurité avec droit de véto – un partenariat qui risque, somme toute, de devenir le plus sérieux rival de l’occident et même de l’OTAN depuis la dissolution du Pacte de Varsovie en 1991.

Ainsi, mises à part les conséquences économiques comme l’inflation et les pénuries qui seraient ressenties dans un premier temps, des sanctions et embargos pourraient ne pas produire des impacts politiques réels. L’échec de l’embargo américain contre Cuba depuis les années 60 et l’Iran depuis les années 90 en témoigne. Tout comme les sanctions économiques qui n’ont pu ébranler la dictature en Corée du Nord. En revanche, les deux pays phares de l’UE, l’Allemagne et la France, première et deuxième économie de l’Union, risquent de subir gravement les effets de leurs propres sanctions car plus de 500 filiales d’entreprises françaises dont 35 du CAC-40 sont implantées en Russie – ce qui fait de la France le premier employeur étranger avec plus de 160,000 salariés – alors que l’Allemagne, elle, dépend de plus de 50% des produits énergétiques russes.

                                                                                                                                               

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