Haniff Peerun (président du Mauritius Labour Congress) : « La peine capitale pour les gros trafiquants de drogue »

« Je suis en faveur de l’introduction de la peine capitale par pendaison pour les gros trafiquants de drogues. » C’est ce qu’affirme Haniff Peerun, président du Mauritius Labour Congress (MLC). Dans l’interview qui suit, le syndicaliste soutient toutefois que les drogués méritent une attention particulière « car sont des gens malades qui ont besoin d’aide médicale ». Il faut les encadrer au lieu de les punir, insiste-il. Il se dit choqué par la dernière grosse saisie de drogue par les éléments de l’Anti Drug and Smuggling Unit (ADSU). Il se demande combien de vies humaines allaient être anéanties avec une telle quantité de drogue inondant le marché.

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Il revient aussi sur ses propositions budgétaires et parle de la nécessité d’introduire un mécanisme de contrôle des prix national, d’abolir les postes de vice-président de la République, de vice-Premier ministre et d’interdire les missions ministérielles à l’étranger afin de réduire le gaspillage des fonds publics.

Que représente le Mauritius Labour Congress sur l’échiquier syndical ?
Le Mauritius Labour Congress (MLC) est une confédération syndicale qui milite non seulement pour les droits des travailleurs, mais aussi pour toute la nation mauricienne car nous élevons nos voix sur tous les sujets qui touchent à l’amélioration de la vie de nos compatriotes. Nous militons aussi pour combattre l’injustice, le favoritisme, l’inégalité des chances et sur d’autres aspects qui concernent la société mauricienne.
Le MLC est une organisation reconnue pour sa compétitivité et nous défendons les travailleurs des secteurs public et privé. Nous occupons une place importante sur l’échiquier syndical de par notre sincérité et dévouement à défendre les travailleurs.

Cette confédération a vécu une série de guerres intestines dans le passé. Est-ce qu’elle a retrouvé sa sérénité maintenant ?
Il ne faut pas oublier que le MLC est la première confédération syndicale à Maurice disposant des dirigeants qui ont su le faire briller non seulement sur le plan national mais aussi au niveau international. Cela dit, de nombreux dirigeants syndicaux issus de cette confédération sont à la tête d’autres organisations syndicales après avoir milité au sein du MLC. Certes, le MLC a connu beaucoup de secousses, le seul but de certains étant de pouvoir contrôler l’organisation. Certains ont préféré abandonner le MLC après avoir connu des défaites aux élections et ont créé de nouvelles organisations syndicales pour en être le président ou le dirigeant.

Durant ma présidence, il y avait aussi l’ingérence d’un conseiller de ministre pour me faire perdre le contrôle du MLC, et finalement avec l’aide de certaines personnes, il a aidé à la création d’une nouvelle centrale syndicale à travers un exercice de Poaching. Il a aussi fait grossir le nombre d’affiliés à cette centrale et en même temps certains de nos affiliés ne savaient pas qu’ils y avaient été intégrés.
Nous disposons actuellement d’une équipe au sein du MLC qui travaille sincèrement et bénévolement pour faire avancer la cause des travailleurs et nos affiliés nous font confiance parce que nous travaillons honnêtement pour sauvegarder leurs intérêts et faire honneur au mouvement syndical.

La COVID-19 a été fatale pour un certain nombre de travailleurs. Quelle a été la contribution du MLC dans le combat pour la préservation de l’emploi ?
La COVID-19 nous a donné des opportunités pour voir les choses autrement, non seulement au niveau du travail mais aussi pour notre survie quotidienne. Elle a, non seulement, affecté les travailleurs mais aussi diminué leur pouvoir d’achat énormément pendant cette période. Nous avons fait des propositions au gouvernement pour soulager le fardeau des travailleurs. Pour eux, nos propositions pour aider financièrement les travailleurs ont été entendues. Le gouvernement a mis en place le Wage Assistance Scheme afin de leur venir en aide.

Nous avons aussi demandé que les travailleurs qui ont perdu leur emploi durant cette période aient l’opportunité de se faire recycler dans d’autres secteurs économiques, tels que l’élevage et la plantation de légumes pour atteinte l’autosuffisance alimentaire. Il faut aussi souligner que c’est le MLC qui a fait la proposition de travailler à domicile, c’est-à-dire le Work From Home. Le MLC parle de ce concept depuis des années dans les consultations prébudgétaires.

Justement quelles sont les propositions faites par les dirigeants du MLC lors de leur dernière rencontre avec le ministre des Finances Padayachy, dans le cadre la préparation du prochain budget ?
Lors de la dernière rencontre avec le Grand Argentier, nous avons fait plusieurs propositions pour soulager les travailleurs. Parmi, on compte la mise en place d’un système de contrôle des prix de plusieurs commodités utilisées couramment par les Mauriciens en général. Comme nous vivons dans un monde digital, nous avons proposé que l’accès à Internet soit gratuit pour les élèves issus des milieux démunis.

Nous avons aussi demandé au gouvernement de réduire le taux de la TVA sur les tarifs de téléphone. Nous avons réclamé que la pension de vieillesse ne soit plus taxable et que les personnes qui sont imposables paient une taxe de 5 à 10% au lieu de 15%. Aussi, les grosses compagnies qui gèrent des profits de plusieurs milliards doivent payer la TVA à 15% comme c’est le cas pour les contribuables individuels.

Quel est votre regard sur la situation au niveau des prix actuellement ?
Il faut savoir qu’il y a actuellement une escalade des prix dans le pays. Cette situation est en train d’appauvrir la classe moyenne et le petit peuple. Il faut faire ressortir que nous venons tout juste d’enregistrer une hausse du prix du carburant et cela joue sur le coût du transport des marchandises. Maintenant le prix de la cigarette a pris l’ascenseur. Il n’y a pas que cela, les prix de plusieurs produits ont augmenté. Je cite l’exemple de l’huile comestible, du lait en poudre ainsi que de plusieurs produits alimentaires dont la viande. Le seul salut qu’on a actuellement est que le gouvernement a instauré un contrôle de prix sur l’oignon et la pomme de terre.

Pour moi, il y a définitivement un genre de cartel qui s’est installé parmi les importateurs et distributeurs pour contrôler les prix et ils font de gros profits sur la tête des consommateurs. Le gouvernement a tort de penser que la libéralisation des prix va favoriser la concurrence. Les consommateurs continuent à être plumés. Un Pricing Fixing Mechanism est plus que nécessaire actuellement car de nombreux commerçants continuent à pratiquer des prix exorbitants sur les légumes, la nourriture et le médicament. Un contrôle des prix sur ces trois catégories de produits soulagera la bourse des consommateurs.

Il ne pas faut oublier que les consommateurs qui habitent dans les zones rouges font face généralement à un véritable problème de hausse de prix des produits courants dans les boutiques du coin. Il faut que les inspecteurs du ministère du Commerce et de la Protection des consommateurs sévissent dans ces zones.

Quelles sont les autres propositions faites par le MLC au ministre des Finances ?
Au chapitre du gaspillage des fonds publics, le MLC a proposé l’abolition des postes de vice-président de la République, de vice-Premier ministre et d’Advisers. J’ai aussi attiré l’attention du Grand Argentier sur le fait que chaque année le bureau de l’Audit fait état du gaspillage des fonds publics mais qu’aucune sanction n’est prise à l’encontre de ceux qui sont fautifs. J’ai proposé que le gouvernement vienne de l’avant avec une formule pour rendre redevable ceux qui s’adonnent au gaspillage des fonds publics. J’ai aussi demandé au gouvernement d’abolir l’Entertainement Allowance des ministres et députés. Ces allocations sont largement supérieures au salaire minimum. J’ai demandé l’abolition des missions ministérielles à l’étranger.

Afin améliorer le quotidien de la population, le MLC a demandé que les dispensaires soient opérationnels sept jours sur sept et que les banques commerciales soient ouvertes le samedi pour permettre aux autrement capables et aux personnes âgées d’avoir accès à leur compte bancaire dans les meilleures conditions possibles.

En ce qui concerne le combat contre la fraude et la corruption, j’ai demandé qu’un Sitting Judge soit nommé comme directeur général de l’Independent Commission Against Corruption afin de redonner à cette institution ses lettres de noblesses. À ce jour, cette institution est « perçue comme un outil pour persécuter les opposants du régime ». Cette perception sera chose du passé avec la nomination d’un Sitting Judge à la tête de cette institution.

Pour ce qui est du recrutement dans la fonction publique, j’ai demandé que les résultats des examens de ceux qui ont postulé pour un poste soient remis aux candidats afin d’éclaircir les zones d’ombre entourant les critères de recrutement. En ce qui concerne les jours fériés, j’ai fait ressortir qu’un certain nombre tombe durant le week-end. J’ai ainsi demandé à l’Etat de compenser les travailleurs pour un jour de congé additionnel durant la semaine.

En ce qui concerne la santé publique, j’ai demandé à l’Etat d’encourager la télémédecine dans les services publics et d’introduire un carnet de santé pour toute la population mauricienne. Aussi pour combattre des cas de négligence médicale, le MLC a demandé que ceux qui sont fautifs soient redevables de leurs actes personnellement. Cela est nécessaire pour que le personnel médical fasse bien son travail pour ne pas être poursuivi directement pour cause de négligence médicale.

La célébration de la fête du travail a une fois de plus montré que l’unité syndicale n’est toujours pas d’actualité. Pourquoi il est si difficile de s’unifier ?
Il faut souligner que la célébration de cette fête le 1er mai dernier a, une fois de plus, coïncidé avec la période de confinement national. C’était également le cas l’année dernière. Durant cette période, il était impossible pour les syndicats de s’organiser. Je pense sincèrement que l’unité syndicale est là et qu’il y a une bonne entente entre la majorité des dirigeants syndicaux.

Au fait, la majorité des dirigeants syndicaux veulent sauvegarder cette unité qui est si fragile. À ce propos, nous avons mis sur pied le Conseil des syndicats pour favoriser les échanges. Malheureusement, ce conseil ne fonctionne pas comme il se doit à cause de la COVID-19 qui frappe notre pays et le monde entier. Il faut savoir que j’ai aussi assumé la présidence de ce conseil pendant un certain temps et que nous avons organisé pas mal d’activités ensemble.

On a été témoin d’une grosse de saisie de drogue d’une valeur marchande d’environ Rs 3 milliards. Que pensez-vous de cette saisie ?
Le combat contre la drogue ne peut être mené au petit bonheur. Tout le monde doit y participer afin d’éradiquer ce mal de la société qui fait des victimes et fait souffrir beaucoup de familles. Il faut avoir des gens honnêtes à la tête des organisations pour combattre ce fléau. Je parle là des policiers, des politiciens et des gens responsables de la société civile car les Mauriciens ne font pas trop confiance à certaines institutions.

Il faut aussi mettre beaucoup d’accent sur l’éducation au lieu de la répression. Les drogués sont des gens malades qui ont besoin d’aide médicale. Il faut les encadrer au lieu de les punir. Moi, je suis en tout cas en faveur de la peine capitale par pendaison pour les gros trafiquants de drogue. Il ne faut pas oublier que ces derniers bénéficient toujours de l’aide d’avocats chevronnés lorsqu’ils sont épinglés.

Quelle est votre opinion sur les amendements proposés à l’ICT Act ?
Je pense sincèrement que ces amendements ont pour objectif de contrôler et de surveiller les gens. La liberté d’expression et la liberté de pensée font partie de la dignité des gens. En les enlevant, c’est comme si on érigeait un mur entre un internaute et le reste du monde. Je pense qu’il y a d’autres moyens pour contrôler les abus de certains internautes. Les lois sont déjà là pour punir les hors-la-loi. Des amendements de la sorte sont susceptibles de jouer contre le pays sur le plan international en ce qui concerne la liberté d’expression.

Les examens pour les enfants du primaire et du secondaire se sont tenus dans des conditions exceptionnelles en raison de la COVID-19. Pensez-vous qu’il fallait renvoyer ces examens ?
Il y a deux écoles de pensée chez les parents. Certains sont pour alors que d’autres pensent qu’il fallait renvoyer ces examens car il y a trop de risques. Je pense dans ce contexte qu’il faut penser à l’intérêt des enfants. Je pense que renvoyer les examens pour quelques jours n’aurait pas fait de mal pour que l’enfant soit mieux préparé psychologiquement et affronte les examens dans de meilleures conditions.

Beaucoup de critiques ont été émises sur la façon dont le gouvernement gère les affaires du pays. Qu’en pensez-vous ?
D’abord, je pense qu’un gouvernement est là pour gouverner et l’opposition est là aussi pour acculer le gouvernement si jamais il fait mal son travail. Nous voyons de plus en plus que nous avons en face de nous un gouvernement sur la défensive et une opposition moyenne. Le gouvernement a, certes, tenu certaines promesses tels que l’introduction de la Negative Income Tax, le salaire minimum, etc. Mais en même temps, il faut reconnaître que tous les ministres et députés n’ont pas les mêmes expériences et compétences pour faire avancer des projets de société.

D’autre part, L’Alliance de l’espoir nous dira à l’avenir ce qu’elle compte proposer comme projet de société moderne, juste et équitable. Pour l’heure, on ne sait pas si cette alliance va tenir avec les mêmes composantes ou s’il y aura d’autres arrivées ou départs.

Qu’attend le MLC du prochain rapport du Pay Research Bureau ?
Il faut que ce rapport soit publié dès cette année car les fonctionnaires méritent amplement un ajustement salarial et une révision de leurs conditions de service. Plus important encore : l’application de ce rapport doit être faite avec effet rétroactif à partir de janvier 2020.

J’insiste sur ce point car le gouvernement a déjà reconnu que ce rapport devait être appliqué à compter de janvier 2020 car il a accordé une allocation de Rs 1 000 aux fonctionnaires à compter de cette date alors que le rapport n’a pu être publié pour diverses raisons. Il faut que le gouvernement publie ce rapport afin de motiver les fonctionnaires à donner le meilleur d’eux-mêmes. Cela fait longtemps que les fonctionnaires attendent la publication de ce rapport.

Cette année, les bénéficiaires du Basic Retirement Pension n’ont pas eu droit à la compensation salariale de Rs 375. Quelle votre lecture de cette situation ?
Le non-paiement de la compensation salariale aux bénéficiaires de la Basic Retirement Pension (BRP) est considéré comme un non-respect envers nos aînés qui ont tant contribué pour l’avancement et le développement économique du pays. C’est la première fois en tout cas que les pensionnés ne perçoivent pas la compensation salariale annuelle. Je pense que c’est un faux pas de la part du gouvernement car avec la cherté de la vie, c’est en particulier les pensionnés qui sont le plus touchés. Ils sont vulnérables économiquement.
Le MLC continuera à le répéter haut et fort : la compensation salariale n’est pas une hausse dans les revenus, mais une compensation en raison de la perte du pouvoir d’achat. Les pensionnés méritent beaucoup cet ajustement car le prix des médicaments a augmenté énormément sur le marché.

Depuis quelque temps, les débats parlementaires sont diffusés en direct à la télévision. Quelle est votre appréciation du niveau des débats ?
Le Parlement est devenu tout simplement un endroit où les parlementaires cherchent à marquer des points au lieu de faire avancer les idées pour le progrès du pays. Il y a, certes, certains parlementaires qui font leur home work très bien et ils méritent d’être entendus. Mais il y a aussi d’autres qui n’ont pas l’expérience nécessaire et avec la retransmission en directe des débats parlementaires, la population peut tirer ses propres conclusions.

Nous analysons aussi le rôle du Speaker, Sooroojdev Phokeer. Ce que le peuple souhaite en fait, c’est que les parlementaires éprouvent un peu de respect envers leurs collègues et les laissent travailler pour que l’argent des contribuables ne soit pas jeté à la poubelle.

Il y a eu récemment un débat sur le mariage à l’âge de 18 ans. Quel est votre point de vue sur la question ?
Aujourd’hui, la plupart des gens se marient à un âge bien avancé après avoir terminé leurs études secondaires, et parfois supérieures. Nous ne sommes plus à l’époque où nos grands-parents se mariaient très jeune. Les choses ont changé. Il faut éviter maintenant que les jeunes en dessous de 18 ans se marient. Le mariage n’est pas une mince affaire. Il faut que les jeunes qui veulent se marier aient des conseils pour les aider à faire face aux multiples défis qui vont s’ériger sur leur chemin. Ce sont précisément ces défis qui font augmenter le nombre de divorces dans le pays.

Le mariage est certes un consentement entre deux adultes. Moi je pense personnellement que ce n’est pas le rôle des autorités de fixer l’âge du mariage. Il faut plutôt faire l’éducation des futurs mariés et les mettre devant les responsabilités qui les attendent.

Les factures d’électricité et d’eau accusent du retard ces temps-ci. Quel est votre avis à ce sujet ?
Le gouvernement est venu de l’avant avec une mesure positive pour soulager les abonnés car ils ont été affectés par la période de confinement sanitaire. Je pense, toutefois, que le gouvernement doit revoir les tarifs d’eau de la Central Water Authority car nous n’achetons pas cette eau, non plus ne l’importons-nous. C’est un cadeau de la nature.

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