Hausse rapide des inégalités de revenus à Maurice

De 2001 à 2015, l’écart entre les revenus des 10% de ménages les plus pauvres et les plus riches s’est creusé de 37%

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Soodesh Callichurn : « Après le salaire minimum et le NIT, le gouvernement poursuivra ses efforts pour plus de justice sociale »

Les revenus des 10% des ménages les plus riches ont augmenté de 62% au cours de la période 2001 à 2005 alors que ceux des 10% des ménages se trouvant au bas de l’échelle n’ont enregistré qu’une progression de 22% sur la même période, provoquant ainsi un accroissement des inégalités de revenus estimé à 37%. C’est ce qu’indique un rapport de la Banque mondiale lancé officiellement ce matin à l’hôtel Labourdonnais en présence du ministre du Travail et des Relations industrielles, Soodesh Callichurn. Intitulé “Île Maurice : combattre les inégalités en créant des marchés du travail plus équitables”, le rapport de la Banque mondiale examine les causes de l’accroissement des inégalités de revenus et se penche sur les moyens d’action politiques susceptibles de réduire ou d’inverser sur le long terme les tendances à la hausse tout en consolidant les progrès récents et en permettant au pays d’accéder durablement au statut de pays à revenus élevés. Deux des auteurs du rapport, Pierella Paci et Marco Ranzani, respectivement manager et économiste de la BM, ont présenté ce matin les points saillants du rapport, soulignant d’emblée que Maurice a été un « exemple de réussite économique » avec des taux de croissance soutenus sur la période 2001-2015 mais que celle-ci a également été marquée par une faible redistribution de cette prospérité et une hausse des inégalités. Cette situation s’est vérifiée lorsque le pays a commencé à affronter ses premiers défis. L’écart entre les revenus des 10% des ménages les plus pauvres et les plus riches s’est approfondi de 37%. Le rapport de la BM relève que les revenus des 10% des ménages les plus pauvres sont passés d’une moyenne de Rs 1 201 à Rs 2 422 sur la période 2001- 2015 alors que dans le cas des 10% des ménages les plus riches, le montant a grimpé de Rs 16 939 à Rs 27 303. Il y a eu certes des efforts entrepris par le gouvernement pour redistribuer les bénéfices de la croissance à travers le système de protection sociale, ce qui a eu pour effet de compenser la forte hausse des inégalités de revenus salariaux des ménages. Mais, estime la BM, d’autres mesures sont requises. « La hausse rapide des inégalités de revenus peut s’expliquer par la pénurie de compétences découlant des changements structurels qui ont eu lieu à Maurice au cours des dix dernières années. L’économie a connu une transition progressive des secteurs traditionnels, employeurs d’une main-d’œuvre peu qualifiée, vers le secteur des services, notamment les services professionnels, immobiliers et financiers. Cette évolution a entraîné une demande beaucoup plus importante de travailleurs qualifiés que le marché de l’offre n’a pas réussi à satisfaire, malgré les progrès considérables réalisés en matière d’instruction », explique l’économiste Marco Ranzani. La hausse des inégalités de salaires, soutient la BM, est essentiellement imputable aux revenus du travail des ménages qui, précise-t-on, représentent 98% de cette augmentation.

Cela peut s’expliquer par deux facteurs principaux : 1) les facteurs démographiques, dont la composition, la diversité et les caractéristiques des ménages, ainsi que le degré auquel les individus se marient au sein d’un même groupe socioprofessionnel

2) les facteurs liés au marché du travail dont la participation de la main-d’œuvre et l’inégalité des revenus du travail. « L’expansion relative de la part des ménages monoparentaux et l’augmentation disproportionnée de la part de la main-d’œuvre féminine dans les ménages les plus nantis ont joué un rôle dans la hausse de ces inégalités. Cependant, la croissance des inégalités de revenus individuels, notamment chez les hommes, a été le facteur le plus important », indiquent les auteurs du rapport. La BM pense que la hausse rapide des inégalités de revenus peut aussi s’expliquer par la pénurie de compétences provenant des changements structurels qui ont et lieu à Maurice entre 2001 et 2015. Elle soutient qu’en sus des forces du marché, « le système complexe des décrets relatifs à la rémunération a modérément contribué à la hausse des inégalités de rémunération ». La BM observe que compte tenu de la transition économique vers le secteur des services et les emplois hautement qualifiés, les personnes moins qualifiées et travaillant dans les secteurs traditionnels régis par les “Remuneration Orders” ont obtenu des gains de revenus plus modestes que ceux hautement qualifiés. Les “Remuneration Orders” ont contribué à accentuer les inégalités mais n’ont eu qu’un léger impact négatif sur l’emploi dans les secteurs concernés. La BM recommande en conséquence qu’on élabore « de manière adéquate » des politiques de salaire minimum simples et applicables afin de pouvoir protéger les travailleurs peu rémunérés. L’étude de la BM indique également que les femmes mauriciennes continuent d’être considérablement lésées en termes d’accès au marché du travail. Bien que la part de la main-d’œuvre féminine ait augmenté pour atteindre 57% en 2015, l’écart entre les hommes et les femmes demeure toujours important, avec un taux de participation de 89% du côté des hommes. Le rapport met en outre l’accent sur le « considerable gap in wages », précisant que les femmes sont payées à l’heure 30% de moins que les hommes. La BM ajoute par ailleurs que le marché du travail à Maurice est de plus en plus caractérisé par l’inadéquation entre la formation et les besoins, en particulier chez les jeunes, où le taux de chômage est fort. Lors de son intervention, le ministre du Travail, Soodesh Callichurn, a affirmé que le gouvernement, « conscient de la nécessité d’améliorer la qualité de vie des citoyens, a démontré son engagement à réduire les inégalités au niveau des revenus ». Le ministre a cependant reconnu que l’élimination de ces inégalités n’est pas chose facile. « We may certainly advocate the need for equality of opportunity and a level playing field as sine qua non for us to succeed in our endeavour », a déclaré le ministre, qui ajoute que « pour réussir, il faudra s’assurer qu’il n’y ait pas de discrimination concernant l’accès aux services de base et à l’emploi ». Soodesh Callichurn fera comprendre par ailleurs que l’objectif final est de créer une société inclusive. Le gouvernement, a-t-il poursuivi, « a montré son engagement » en venant de l’avant avec le salaire minimum et le Negative Income Tax Scheme. « We shall not slow our pace at bringing more social justice in the country », dit le ministre.

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