HISTOIRE D’UNE COLONIE—EVENOR HITIÉ (1806-1901): « Ce qui est intéressant, c’est les rapports des populations entr’elles »

Pour la première fois depuis sa publication en 1897, « Histoire de Maurice, Ancienne Ile de France – 1897 (Tome I) » d’Evenor Hitié a été réédité, par Pamplemousses éditions. Depuis un mois, les passionnés de sciences humaines et particulièrement ceux d’histoire ont certainement découvert dans les bacs des supermarchés et des librairies, les écrits de cet homme qui a traversé tout le XIXe siècle et qui s’est intéressé de près à l’évolution des rapports entre les populations notamment les blancs, les noirs – esclaves, les sang-mêlés (esclaves ou libres) – et les mulâtres.
Plaçant brièvement le pays dans le contexte international depuis la découverte des colonies comme la nôtre au commencement du XVIe siècle, Evenor Hitié estime que « ce qui est intéressant dans l’histoire d’une colonie, ce n’est pas sa politique extérieure » puisqu’« elle n’en a pas », dit-il mais « c’est seulement les rapports des populations entr’elles ». Ainsi, au fil des pages, le lecteur suit la politique intérieure du pays durant une bonne partie du XIXe siècle, avec de nombreuses décisions prises et qui feront des mécontents parmi les habitants de la colonie.
Et l’on peut imaginer la révolte en lisant par exemple la huitième partie du code Delaleu élaboré pour la gestion des îles Maurice et Bourbon intitulé De la Police. Extrait du livre cité par Evenor Hitié : « Sa majesté ordonne que les enfants qui seront baptisés comme libres, quoique leurs mères soient esclaves, soient toujours réputés esclaves, que leurs maîtres en soient privés, que lesdits esclaves soient vendus au profit de sa majesté, et que les maîtres soient en outre condamnés à une amende qui ne pourra être moindre de la valeur desdits esclaves. Défendons très expressément aux nègres et à tous gens de couleur, libres ou esclaves, d’exercer la médecine ou la chirurgie, ni de faire aucun traitement de maladie sous quelque prétexte que ce soit, sous peine de cinq cents livres d’amende pour chaque contravention au présent article, et de punition corporelle suivant l’exigence des cas… ».
L’on apprend aussi que deux navires chargés de filles qu’on appelait « des horizontales » avaient été expédiés par la compagnie des Indes de Bordeaux et de Marseille entre 1728 et 1730, pour être mariées à des soldats ou à des ouvriers pour former des familles et créer des habitations, ce qui a causé une augmentation de la population blanche de la colonie ou encore qu’à l’annonce de l’abolition de l’esclavage dans les colonies, la perplexité était telle que « chacun crût pouvoir donner son opinion. Des insensés allèrent jusqu’à demander que la colonie se rendît indépendante et ne reconnut plus la République française pour sa métropole ».
Dans « Histoire de Maurice, Ancienne Ile de France – 1897 (Tome I) », le lecteur a l’occasion de voir une dimension de l’histoire de Maurice être écrite sous ses yeux. Elle est certes subjective mais part de l’observation d’un homme qui, sans être un technicien de l’histoire, raconte des faits et ses observations et tente de restituer les éléments les plus marquants de cette période.
C’est dans le but de le partager avec les Mauriciens et les passionnés d’histoire, que les Éditions Pamplemousses et la famille Hitié, jusqu’ici détenteur des droits de cet ouvrage, ont décidé de le faire rééditer. La maison d’édition a travaillé dessus pendant six mois après une période de gestation du projet d’environ un an. Si l’ouvrage a été revu dans sa forme, soit en relevant une première partie qui se détache du reste du livre divisé, quant à lui, en chapitres, le fond reste le même, fait ressortir Rachel de Spéville, responsable de projets aux Éditions Pamplemousses.
Fils de Jean Baptiste Hitié et de Babet Gertrude, Evenor Hitié est né le 19 juin 1806 à Port-Louis. Il reçoit une instruction primaire qu’il complète par une pratique assidue de la lecture durant toute sa vie. Tour à tour industriel, directeur de boulangerie, homme d’affaires, directeur de théâtre, propriétaire sucrier, guildivier (fabricant d’alcool de canne à sucre), il fonda en décembre 1863 le journal Le Progrès colonial et se fait porte-voix de la cause des gens de couleur, « population métisse dont il est issu et qui souffre alors de la discrimination et de mépris de la part de l’oligarchie blanche ». En 1897, l’homme publia le premier tome de son histoire de Maurice. Le second tome ne sera pas publié puisque le manuscrit n’a jamais été retrouvé, fait ressortir Pamplemousses éditions dans un communiqué diffusé à la presse. Evenor Hitié meurt le 26 novembre 1901.
L’ouvrage est disponible en librairie et dans les grandes surfaces.

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