Hommage à mes professeurs du collège Bhujoharry (1963-1967)

ADAM JUMEER

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On oublie beaucoup de choses… mais jamais notre vie scolaire ! En ce moment difficile, très difficile même de notre existence, l’homme se souvient de son passé… et quel passé ! Surtout de ses jours passés à l’école et surtout au collège – période déterminante de notre vie, voire l’adolescence. C’est bien à ce moment même de notre formation intellectuelle et académique qu’on va se frayer le cheminement de notre vie. Je remercie Dieu parce que j’ai eu les meilleurs enseignants des années soixante au collège Bhujoharry (1963-1967).

Je commence à remercier les uns après les autres parce qu’aujourd’hui quand je fais une incursion dans le passé je ne vois que vos efforts pour me pousser à apprendre et à devenir quelqu’un. Vous, mes profs, je conviens, vous n’avez pas hérité de la crème estudiantine de notre époque, ni de celle de la haute société, mais vous avez fait de nous des hommes d’honneur. Si aujourd’hui par la grâce de Dieu et de vos concours, je me retrouve avec une vie plus ou moins aisée, c’est parce que j’ai pu atteindre un emploi rémunérateur.

À la fin de ma carrière professionnelle, j’ai été fait ‘inspecteur des écoles, cycle primaire’. Si aujourd’hui, je peux lire le Coran, que ce soit en anglais ou en français, avec compréhension, c’est parce que vous avez fait un effort immense pour faire entrer dans notre cerveau les connaissances, les structures linguistiques, les niveaux des langues et bien entendu pour nous faire réussir aux examens académiques. Que Dieu vous bénisse ! Que Dieu vous guide ! Je commence par un prof qui m’a toujours aimé. Quand il entre en classe pour la littérature française, il me choisit toujours pour commencer la lecture du texte. C’est bien vous, M. Finlay Salesse, jeune prof qui vient de réussir son HSC, tout en portant costume et cravate. Qui ne se souvient pas de votre prestation en classe, pendant ces quarante minutes. Vous vous mettiez à nous expliquer de fond en comble les chapitres en prose, les vers sans perdre une seule minute allouée à vous – tout cela avec des mouvements de vos mains aux buts paralinguistiques.

Le collège Bhujoharry autrefois situé à la Rue St Georges

Je n’oublierai jamais la classe de M. Gérard Nadal, autre prof modèle qui nous enseigne l’anglais d’une façon extraordinaire. Comment oublier les encouragements de M. Nadal, qui nous demande de nous rendre à la bibliothèque municipale chaque samedi pour aller puiser dans les encyclopédies d’alors nos connaissances du monde et les développements technologiques comme par exemple le ‘laser’ ou ‘automation’. Il nous livre tout son savoir. Son entrée en classe en première période nous enchante toujours d’autant plus qu’il arrive avec les actualités locales et étrangères qu’il vient de lire à la station radio de la MBC pour les nouvelles en anglais sur les ondes à 8 heures précises. Merci, chef ! Quelle part accorder à ce ténor qui fut James Burty David. Il connait tout ou presque des auteurs au programme pour la littérature anglaise. Je me souviens encore de quitter une de mes classes pour lui demander la permission de suivre ses explications, souvent du même poème de John Keats ‘The eve of St Agnes’ ou du texte d’Ernest Hemingway ‘The old man and the sea’. Jamais il ne m’a refusé d’être présent dans ses différentes classes ; S1 ou S2, C1 ou C2. Cher prof, vous pouvez ne pas être de ce monde aujourd’hui mais on entend toujours votre voix de stentor résonner dans notre tête. Je vous serre la main, prof. Venons en maintenant au chef de l’établissement M. Alex Bhujoharry. Lui qui, d’un âge avancé, nous demande d’être au collège avant huit heures du matin pour commencer des leçons supplémentaires gratuites en littérature anglaise. Tout en marchant d’un pas ferme et combien lourd, d’une voix très rauque, il commence sa classe de littérature d’une façon tellement intéressante qu’on arrive à tout oublier d’autre dans une surprenante admiration. La concentration totale est requise. Le silence absolu. Et les idées en surface et cachées sont transmises d’une manière exceptionnelle.

Une invitation à la cérémonie de remise des prix aux élèves en 1966 témoignant de la quête de l’excellence au collège Bhujoharry

Encore une fois ‘merci grand chef’. Cependant, je n’ai pas oublié les autres profs qui ont contribué à notre éducation, à notre bien-être. Cette liste commence évidemment par M. Ismael et M. Lam Ping Wing, deux génies en mathématiques qui connaissent les pages et les opérations des manuels par cœur. On a pu et on a su aimer les mathématiques. Il y avait aussi M. Sayed, notre prof de latin qui nous demande à apprendre des citations par cœur. N’oublions pas M. Fabien, qui vient nous aider en mathématiques quand il est libre. Notons aussi la contribution de M. Taukoordass pour l’histoire anglaise, M. Ramanah pour la littérature supplémentaire, et M. Alain David pour les textes prescrits au programme du latin. Autre fait marquant, c’est que tous ces profs ne s’absentent jamais ; ni de local ou de sick leaves. Résultat : pas de période libre comme cela existe dans tous les collèges de nos jours. Ce que, vous les profs, vous avez inculqué en nous une motivation, une ardeur, avec un sens immuable de la discipline – ce qui explique notre volonté de pousser nos études à fond même après notre vie scolaire.

À noter aussi que chez vous, il n’y a jamais eu une quelconque distinction sur le plan identitaire; pour vous nous étions un seul bloc. Quelle joie indescriptible si on aurait pu tous se rencontrer ! Mais on sait pertinemment bien que cela n’est pas possible car beaucoup d’entre vous ont déjà quitté ce monde. Néanmoins, on adresse nos vifs remerciements à toutes ces familles des profs – un fils, un député, un cadre, petit-fils, un neveu ou une nièce qui les ont côtoyés. Et si un jour on se rencontre dans les rues de la capitale, rue St-Georges ou rue Desforges, on se saluera si on arrive à se reconnaître – ce qui se révèle difficile parce que tous vos élèves sont des septuagénaires, mais vos élèves vous reconnaîtront sûrement. Voici quelques noms des élèves qui ont pu vous échapper : Peerbaye, Bakarally, Owarish, Achion, Vencatasamy, Ramsamy, Dooky, Michel, Joypaul, Garden, Chung Ki Chan, Alain Barbé. Grande est notre admiration pour vous – en dépit du fait que vous n’étiez pas bien rémunérés comme vos collègues des autres établissements secondaires – vous ne vous battez pas pour avoir plus d’élèves pour les leçons particulières car les élèves de chez nous ne pouvaient pas se payer ce luxe, vous restez un soutien et un encouragement pour nous. Vous nous avez donné tout ce qu’il y a de meilleur en vous comme de vrais pédagogues. Vos méthodes d’enseignement demeurent les meilleures. Si les angles d’attaque diffèrent, la finalité demeure toujours la même. Je vous serre la main, PROFESSEURS.

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