Dr Khalil ELAHEE
À quelques jours de la fin du confinement, nous ne savons pas si les lieux de culte seront ‘COVID-compliant’ ? Devra-t-on y porter un masque ? Y aura-t-il des gels hydroalcooliques à l’entrée ? Faudra-t-il y apporter son tapis, par exemple ? Les rangées seront-elles serrées, épaule contre épaule ? Si normalement les lieux de prière sont relativement peu encombrés la plupart du temps, qu’en sera-t-il des grandes prières en congrégation comme les messes de fête ou la jummah ? Dans le même sens, nous pouvons nous interroger sur les consignes à respecter lors des funérailles et des mariages dans les lieux de culte. Savons-nous comment cela se passera après le confinement ?
Certains de ces lieux ont accueilli clandestinement des prières en congrégation pendant le lockdown. La distanciation sociale ne se faisait pas toujours dans ces cas. Les autorités auraient-elles fermé les yeux sur de telles pratiques ? Pourquoi ?
C’est possible qu’une telle indulgence serait liée au fait que la pandémie serait sous contrôle et il ne fallait pas jouer avec le feu en bousculant davantage les pratiques religieuses déjà largement affectées. D’ailleurs, de tous les pays, c’est en France et aux USA que le droit à la liberté religieuse a été évoqué au plus haut niveau judiciaire et politique, respectivement, tout récemment. Ainsi, l’accès aux lieux de culte y a été permis, comme c’était d’ailleurs la situation dès le début du déconfinement en Allemagne et ailleurs. Le président Trump ne finit pas de surprendre en affirmant que les lieux de prière offrent des services essentiels. Et d’ajouter qu’on ne peut les fermer alors que les points de vente de marijuana ou d’alcool sont ouverts !
L’ère post-COVID-19
Après le confinement, il n’est pas clair si le nombre de personnes lors d’un rassemblement sera limité à 10, 20 ou 200. Sinon, n’y aura-t-il aucune limitation ? Rien n’a été annoncé. Les gens n’ont pas le temps voulu pour s’y préparer. Ce qui est encore plus incertain, c’est notre capacité de mettre en œuvre d’éventuelles mesures de contrôle…
Autant de questions que nous devrions nous poser au moment d’entrer dans l’ère post-COVID-19. Ce n’est pas en évitant ces sujets si délicats que nous surmonterons de possibles difficultés. Jusqu’ici nous ne pouvons que regretter le manque de communication et de dialogue de part et d’autre.
Dieu merci, un atout majeur qui nous sauve tant de fois est notre tolérance et notre vivre-ensemble. Nous l’avons témoigné à la veille de la Eid quand tout un pays a été tenu en suspens jusqu’à assez tard pour recueillir des témoignages confirmant la visibilité de la lune. Mais notre entente sociale sera mise à rude épreuve si une deuxième vague résulte de la non-coopération de certains, la conséquence surtout de la léthargie et de la passivité, voire de la démission des responsables politiques et religieux.
Les pyromanes ne sont jamais très loin comme nous l’avons vu en Inde avec la stigmatisation des musulmans autour du COVID-jihad. Et plus tôt, nous avons déploré un certain racisme lors du début de la pandémie vis-à-vis des Chinois, particulièrement sur les réseaux sociaux. En Chine même, plus tard, l’agression d’étrangers africains a fait la une de l’actualité.
Zéro cas = danger aux frontières
Après tant de jours sans de cas de COVID-19 dépisté localement, il est fort probable que le virus n’est pas au sein de la population à cet instant précis. On devrait donner une récompense à toute personne qui viendrait de l’avant pour se soigner au cas il serait porteur du nouveau coronavirus. En laissant les services de santé le prendre en charge, il ferait acte d’amour et de compassion envers sa famille, ses proches et tout le pays. Ainsi nous éviterons toute propagation si nous lançons une telle chasse au coronavirus…
Mais que se passera-t-il si et lorsque nous ouvrirons les frontières ? Notre humanisme et le droit universel nous interdisent d’abandonner nos compatriotes qui font tout pour rentrer au pays, quitte à devoir rester en quarantaine suite à leur arrivée. Toutefois, si nous permettons le retour de touristes et la libre circulation d’autres voyageurs dans les deux sens nous nous exposerons à une énorme vague de la pandémie. C’est le cas parce qu’un vaccin n’est pas pour demain et il peut y avoir d’autres pandémies.
C’est à partir de ce moment que le non-respect de gestes barrières, dans les lieux de culte comme partout ailleurs, sera absolument inacceptable et impardonnable. Tout écart sera lourd en conséquence et nous ne pourrons éviter la catastrophe, qui sera sanitaire, économique et sociale.
C’est pourquoi il faut rendre nos lieux de culte ‘COVID-compliant’ même si aujourd’hui il n’y a probablement pas de cas actif, dépisté ou non, dans le pays. Ce sera une éducation pratique majeure dans la lutte contre la pandémie, et contre tout autre vague qui peut apparaître. Elle dépassera les murs des lieux de prière pour gagner nos demeures comme tous les aspects de notre vie. Faire de la lutte contre la pandémie un acte d’adoration divine nous aidera à ramener les récalcitrants sur le droit chemin, comme ceux qui refusent de porter des masques. Ailleurs, nous avons vu la distanciation physique appliquée dans des mosquées, quelques-unes même converties en supermarchés gratuits pour des pauvres de toutes les confessions.
Ainsi, nous donnerons un socle spirituel, moral et éthique à la fondation du monde post-COVID-19. Le fait religieux dans notre République est puissant et il faut s’en servir positivement aussi dans la consolidation, ensemble, de notre nation mauricienne plurielle.
To fail to prepare is to prepare to fail…