Îles éparses : Le chantier d’Agalega démarre

  • – Le Premier ministre, Pravind Jugnauth, pourrait se rendre dans l’archipel pour la pose de la première pierre dès la semaine prochaine
  • 80 travailleurs indiens déjà sur place et plusieurs centaines d’étrangers attendus dans l’archipel d’ici fin mars

En ce début d’année, le chantier d’Agalega pour la construction de la piste d’atterrissage et de la jetée démarre. Et cela, même si à ce jour, aucune indication n’a transpiré quant à la teneur de l’accord G to G, signé entre Port-Louis et New-Delhi. Les recoupements d’informations effectués par Le Mauricien de sources concordantes à Maurice et dans l’archipel confirment que les travaux préliminaires en vue de démarrer ces travaux d’infrastructure d’envergure dans l’Île du Nord dans l’archipel en sont à un stade avancé. Dans le jargon des projets d’infrastructure, les contracteurs indiens d’Afcons Infrastructure ont déjà procédé à la mobilisation sur le chantier. En ce début d’année, les premiers coups de pioche, au-delà des travaux préliminaires, seront donnés sous peu. A Maurice, tout semble indiquer que le Premier ministre, Pravind Jugnauth, s’apprête à se rendre à Agalega dans les prochains jours en vue de procéder à la cérémonie de la pose de première pierre de ce chantier.

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A hier après-midi, les préparatifs autour de ce déplacement du Premier ministre dans cette partie du territoire de la République de Maurice laissaient voir que le voyage aller se fera en bateau. Le CGS Barracuda de la National Coast Guard pourrait quitter Port-Louis mardi en vue de rallier Agalega dans deux jours et demi. De ce fait, la pose de la première pierre devrait se dérouler le jeudi 10 avec Pravind Jugnauth et des membres de sa délégation revenant à Maurice à bord du Dornier en fin de semaine prochaine.

Au Prime Minister’s Office, les sources approchées par Le Mauricien n’ont ni confirmé ni infirmé les détails de ce déplacement en avançant qu’« en principe il y a une visite du Premier ministre dans l’archipel, prévue en ce début d’année. Mais pour ce qui est du Timing, nous ne pouvons en dire plus dans l’immédiat ». Toutefois, à Agalega, les habitants se préparent déjà à accueillir le chef du gouvernement au cours de la semaine prochaine avec le CGS Barracuda se préparant à « setting sail » en début de semaine.

D’autre part, dans l’archipel, de panneaux indicateurs fixés sur des arbres annoncent déjà la couleur : “administration building”, “guest house”, “senior technical residence”, hôpital, deux “storage building”… Les signes d’un changement imminent conséquent du paysage d’Agalega sont désormais visibles. Quant aux 350 résidents des deux îles, ils sont pour l’heure habités par un mélange d’incertitude et d’espoir quant à leur avenir sur leur terre natale et se posent beaucoup de questions. Ils se demandent ainsi s’ils bénéficieront de travail pour la réalisation des projets, comme l’avait promis d’ailleurs l’ancien haut-commissaire indien à Maurice, Abhay Thakur, lors d’une rencontre avec les dirigeants de l’association Les Amis d’Agalega.

Durant ces deux dernières années, l’archipel d’Agalega a été régulièrement sous les projecteurs avec des débats dans la presse écrite et parlée ainsi qu’au Parlement à la suite de l’annonce par le gouvernement de l’aide financière et technique indienne pour la réalisation d’importants projets de développement. Malgré les demandes insistantes des partis de l’opposition, des Agaléens, des associations militant pour la cause agaléenne et de nombreux individus, réclamant des détails sur le contenu du contrat octroyé à la compagnie indienne qui entreprendra les travaux, le gouvernement mauricien s’y est toujours opposé, évoquant des clauses de confidentialité.

Les choses sont allées très vite durant le mois de décembre lorsque les habitants ont vu débarquer les premiers travailleurs indiens. Pour l’heure, ils sont environ 80. Logés sous des tentes, certains comprennent et parlent l’anglais tandis que d’autres ne s’expriment qu’en hindi. Les habitants sont à présent habitués à leur présence. « Nou pena nanryen kont zot. Kouma bann morisien ki finn al aletranze, sa bann travayer indien-la finn vini pou travay pou ed zot fami », confient au Mauricien quelques habitants. En ce début d’année, en l’absence de toute communication officielle, le bruit court dans les deux îles qu’il y aurait d’ici fin mars plusieurs centaines de travailleurs étrangers seront dans l’archipel dans le cadre des travaux. Certains avancent le chiffre de 500, d’autres parlent d’un millier, nombre qui serait supérieur à celui des locaux… Selon nos informations, plusieurs Agaléens vivant à Maurice ainsi que des Mauriciens ont fait une demande d’emploi et attendent toujours une réponse. Soulignons que c’est la firme indienne Afcons Infrastructure qui a décroché le contrat.

Durant la seconde quinzaine de décembre, les Agaléens ont découvert, grâce à de petits panneaux fixés sur des arbres tout le long d’un trajet partant du Village La Fourche jusqu’au Village 25, que d’autres constructions sont prévues hormis celles de la piste d’atterrissage et de la jetée. Selon les estimations des habitants, la nouvelle piste d’atterrissage, la jetée ainsi que les autres bâtiments couvriront près de la moitié de la superficie de l’Île du Nord, provoquant dès lors chez eux beaucoup d’inquiétudes. « Eski nou pou ena sifizaman lespas pou sirkile ant Village La Fourche ek Village 25 ? » demandent quelques-uns d’entre eux. En outre, ils ne savent pas s’il s’agira de constructions temporaires dans le cadre des travaux de la piste d’atterrissage et de la jetée ou de bâtiments permanents.

Les habitants affirment au Mauricien ne pas être contre le développement à Agalega et apprécier que le gouvernement ait fait avancer le dossier de construction d’une nouvelle piste d’atterrissage moderne et d’une nouvelle jetée. Pour autant, ils veulent avoir des informations sur l’ensemble des projets contenus dans le contrat octroyé à la firme Afcon. « Ouadir nou dan enn puzzle. Et au fur et à mesure, nous découvrons les différentes pièces du puzzle. Comment est-ce que les habitants pourront participer au développement si les autorités bloquent les informations et les gardent dans l’ignorance ? » réagit, sur un ton agacé, un des habitants. « Nou bien kontan pe amenn devlopman, me nou anvi konpran ki gouvernman pe rod fer e ki devlopman pe amene… Ki sanla pou fer tou sa bann proze-la. Depi desam sak zour nou dekouver enn kitzoz… Nou espere pa pou gayn bann move sirpriz », ajoute pour sa part Arnaud Poulay, un des animateurs de l’association La Voix des Agaléens.

De leur côté, les dirigeants de l’Association Les Amis d’Agalega (principale organisation militant en faveur des droits des Agaléens, y compris ceux résidant à Maurice), informés des dernières données, suivent avec intérêt l’évolution de la situation. Ils déplorent eux aussi la rétention d’informations pratiquée par les autorités. « Les Agaléens sont prêts à participer au développement et c’est un manque de respect des autorités envers les habitants que de les priver d’informations essentielles sur des projets qui les concernent directement. Nou pa pe konpran ki pe arive », dit Laval Soopramanien, président de cette association. Selon ce dernier, qui était présent à la rencontre il y a quelques mois à la haute commission indienne, l’ancien haut-commissaire indien à Maurice avait parlé de « possibilités d’emplois » pour les Agaléens pendant les travaux de construction, ce qui permettrait alors aux habitants de participer directement au développement de leur terre natale. Les dirigeants des Amis d’Agalega comptent tenir une conférence de presse ce mois-ci pour commenter les travaux dans l’archipel.

Par ailleurs, les résidents dans l’archipel reviennent à la charge en ce début d’année sur une question qui les préoccupe sérieusement depuis plusieurs années et sur laquelle les autorités mauriciennes ne se sont pas encore prononcées, malgré leurs demandes insistantes pour régler le problème : le contrat de propriété de logement. Soulignons que les maisonnettes sont construites par l’Outer Islands Development Corporation (OIDC) et que, pour l’heure, aucun résident n’est propriétaire de son logement. Tous les ministres ayant visité l’archipel ces 15 dernières années (la dernière étant Fazila Daureeawoo, la vice-Première ministre et ministre des Collectivités locales et des Îles éparses) ont été informés de cette situation et ont promis aux habitants de « trouver une solution au plus vite à cette question », qui les aura même offusqués.
En ce début d’année, le front d’Agalega est ouvert…

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