Inondations : les comprendre pour mieux les appréhender

La communauté scientifique constate de façon alarmante une accélération des phénomènes de forte intensité, dont les conséquences sont de plus en plus imprévisibles. Si bien que nous devrions davantage parler de dérèglement plutôt que de changement, le premier se traduisant par l’imprévisibilité alors que le second par une transition progressive en théorie.
Sommes-nous donc suffisamment préparés à faire face aux conséquences des pluies d’été comme d’hiver, dont les débits seront de plus en plus imprévisibles tant sur le court terme que sur le long terme? La réponse est négative à ce jour, et ce pour plusieurs raisons.

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Bien que les autorités semblent avoir à cœur de résoudre le problème des inondations par l’installation massive de drains, cette solution m’apparaît comme largement insuffisante et surtout incohérente, notamment, mais sans nous y limiter, face à une urbanisation sauvage autorisée à outrance, ayant pour conséquence certaine la désertification de nos sols, ou encore face à l’octroi de permis de développement sur ou à une trop grande proximité des zones humides naturelles, jouant un rôle prépondérant dans l’absorption des eaux de pluie dès que les nappes phréatiques arrivent à saturation. Cela revient donc à faire un pas en avant et dix pas en arrière dans cette lutte.

Atténuer les inondations nécessite tout d’abord de comprendre comment celles-ci surviennent, quelles en sont les principales causes, pour ensuite réfléchir aux possibles solutions.

Où que vous soyez sur la planète, le schéma reste le même. Lors d’épisodes de forte pluie, l’eau ruissèle depuis les points hauts des reliefs, appelés zone de production, et transite soit via des cours d’eau naturels, soit par ruissellement, vers les points les plus bas appelés zone de dépôt. Entre ces deux zones se trouve une zone intermédiaire que nous appelons la zone de transfert. Les zones de transfert et de dépôt sont généralement celles où sont installées les communautés humaines. Les inondations sont à la fois le résultat du cycle hydrologique que celui des aménagements de l’Homme.

Sur le plan du cycle hydrologique, deux causes principales sont identifiées: les pluies abondantes, d’une part, et les sécheresses, d’autre part. Lors des épisodes de fortes pluies, l’eau dévalant le relief par des voies naturelles ou par des voies aménagées par l’Homme termine normalement sa course dans la zone de dépôt, où se concentrent les nappes phréatiques, zones humides, bassins fertiles et forêts côtières. Cette zone dispose d’une capacité d’absorption importante mais pour autant limitée. Une fois sa capacité atteinte, le surplus d’eau s’accumule jusqu’à créer un gonflement hydrologique, ayant pour conséquence les inondations. Le beau temps prolongé et les fortes températures peuvent parallèlement être une cause d’inondation. En effet, des sécheresses prolongées ont généralement pour conséquence d’assécher les sols, parfois en profondeur, créant ainsi une imperméabilité de ces derniers et ayant pour conséquence de réduire drastiquement leur capacité d’absorption lors des épisodes de grosses pluies.

À côté de cette cause naturelle se trouvent celles directement liées à intervention de l’Homme sur son environnement. Bien qu’elles soient nombreuses, nous ne retiendrons ici que celle de l’assèchement des sols en conséquence de la destruction massive des zones humides et des espaces verts naturels, constituant les principales surfaces d’absorption des eaux de pluie, cela au bénéfice d’un sur-développement et d’un étalement urbain, mais aussi des activités agricoles. Nous pouvons aussi souligner la destruction ou l’obstruction des cours d’eau et drain naturel, qui constituent avec les rivières des réseaux interconnectés permettant l’évacuation des eaux de pluies vers les zones humides quand les nappes phréatiques arrivent à saturation.

Afin d’éviter les inondations, il est d’abord primordial de tout faire pour favoriser l’absorption de l’eau dans la zone de production afin de limiter son arrivée vers la zone de transfert. La capacité naturelle d’absorption des sols étant très faible dans la zone de production, nous pourrions, à titre d’exemple, planter des haies ou encore créer des fascines à des distances déterminées. L’eau non-absorbée serait ainsi contenue et le débit réduit vers la zone de transfert. Puis, une fois arrivée dans la zone de transfert (e.g. une ville), il est nécessaire de créer des passages (drains) permettant d’éviter les habitations. Il faut aussi tenter de ralentir les flots, de casser la puissance des débits en aménageant des petits obstacles sur leur passage. Pourquoi pas en créant des grands espaces boisés, des chutes etc. Enfin, il faut nous assurer que le versement des eaux de pluies canalisées par nos passages artificiels soit accéléré pour se déverser dans la zone de dépôt afin d’y être rapidement absorbées.

Il demeure toutefois fondamental de penser en amont à préserver les zones de dépôt existantes (zones humides, forêts, etc.), et de rétablir les capacités d’absorptions des sols en créant d’importantes surfaces boisées. Je parle ici de forêts et non de jardins. Car à quoi cela servirait-il d’investir dans des infrastructures de canalisation si, en bout de chaîne, la capacité d’absorption des eaux par la zone de dépôt était inférieure à la quantité d’eau redirigée vers elle? S’ensuivraient des inondations.
À côté de ces mesures, une mesure importante mais délicate à mettre en œuvre s’imposera à nous dans le temps. Il s’agit de celle visant à faire évacuer des populations à risque vers des zones non-inondables. Cela nécessitera de repenser la politique d’aménagement du territoire en établissant notamment des cartes de zones habitables, et de réfléchir au moyen de les aménager. Il faudra ainsi remettre en cause la politique actuelle d’artificialisation des sols et la question de l’étalement urbain. La promotion croissante des projets de « smart cities », « smart villages », ou encore le sur-développement des terres de Côte d’Or sont les parfaits exemples d’une politique d’urbanisme irresponsable face aux phénomènes climatiques extrêmes.

S’agissant de la responsabilité des citoyens, nous faisons face à un manque de discipline pathologique des Mauriciens au regard du droit applicable et des interdictions faites en matière de développement. Sans parler de la passivité totale de notre population concernant les questions liées au dérèglement climatique. Tant qu’un individu n’est pas touché personnellement, il n’agira pas. Or, l’effort doit être individuel pour un résultat collectif.

J’estime toutefois que la plus grande part de responsabilité revient aux autorités qui ne semblent avoir aucune considération, pour ne pas lui faire l’insulte de dire aucune maîtrise, des questions liées à l’urbanisation responsable face au dérèglement climatique. Ce défaut de prévoyance politique est inquiétant en ce que rien n’est fait pour que notre société soit correctement informée et préparée.

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