Inspirations – Du côté de chez… soi

PRAVINA NALLATAMBY

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La saveur aigre-douce des réunions de famille du nouvel an ! Un vrai bonheur ! Chacun se met sur son trente-et-un, sent son cœur se gonfler de joie à l’idée d’échanger ses vœux de bonheur et de bonne santé de vive voix avec ses proches en se faisant de chaleureuses accolades. Tout me revient en mémoire alors que les fruits exotiques s’invitent à notre table pour les fêtes de fin d’année avec des bûches de Noël aux couleurs lumineuses. Les parfums ensoleillés de la mangue, de l’ananas et du fruit de la passion nous inspirent pour faire un voyage virtuel à l’île Maurice ! Par magie, nous voilà immédiatement transportés sous le soleil tropical. Les letchiers sont chargés de leurs fruits rouges et charnus. Les manguiers offrent une variété d’espèces à donner le tournis – la délicieuse Maison rouge, la belle Dauphinée, la petite Rosa et la douce Adèle. Les avocatiers plient sous le poids de leurs fruits violacés, la promesse d’un régal voluptueux. Telle la madeleine de Proust, ces images viennent titiller mes émotions : un mélange de nostalgie et de réconfort à la fois. Comme la famille, la terre se montre très généreuse en ce début d’année et nous comble avec ses jardins fleuris et remplis de fruits. De Forest Side à Quatre Bornes, mille petites histoires se racontent autour du « letchi party ». Riant de bon cœur, on savoure des plats festifs, on chante, le cœur en joie, on rend grâce pour cette abondance… un bonheur partagé entre nature et culture !

Une envie me vient de réinventer ces lieux attachants de mon enfance.

Je me souviens encore de la traditionnelle réunion de famille du 2 janvier où on échangeait des vœux et des étrennes à Forest Side, chez mon oncle maternel, le frère aîné de ma mère. Les enfants avaient en prime le droit d’aller dans le jardin. Ils jouaient à cache-cache derrière la tonnelle de grenadines. On en profitait pour voir s’il n’y en avait pas des mûres, prêtes à déguster. Quelle joie de pouvoir en cueillir une, toute pourpre, de la couper en deux et de sucer les petites graines noires dans leur jus sucré et légèrement acidulé ! On démarrait l’année ainsi avec ce délicieux gout aigre-doux en bouche.

Je me souviens aussi d’un gout analogue lorsqu’on allait faire un tour dans le jardin de mon oncle à Beau Bassin, rue Reynards, où avait grandi ma mère. La maison de son enfance n’existait plus. Il ne restait que les ruines de la fondation et quelques marches du perron arrière. Toutefois, Pomone veillait : les arbres nous offraient encore des fruits. Avec mon frère aîné, on allait repérer les vavangues sur deux arbustes situés à l’arrière et sur la partie latérale de la fondation. Dès qu’on trouvait quelques fruits brunâtres à la peau fripée, on se hâtait de les ouvrir pour engloutir goulûment la pulpe acide autour des petits noyaux. Ensuite, chacun comptait le nombre de graines recueillies qu’il brandissait comme un trophée avant de les lancer pour qu’elles germent en terre. Nous ne nous lassions pas d’écouter notre mère nous raconter comment, agile comme un félin, elle grimpait au manguier. Elle repérait la mangue de son choix et s’installait tranquillement sur une branche pour la croquer. Comme j’adore écouter aussi mon père nous faire le récit des souvenirs de son enfance à la rue La Reine à Rose Hill ! Pour le nouvel an, on allait rendre visite à son oncle qui y vivait avec sa femme. Comme toujours, les enfants se faufilaient dehors pour faire une razzia de fruits. Toute une expédition ! Guidés par le parfum enivrant de goyaves et l’arôme des feuilles aromatiques de carri poulé, on devait se frayer un chemin entre les arbustes aux senteurs extrêmement grisantes et se mettre sur la pointe des pieds et tendre le bras pour ramener vers soi les branches de goyavier. Mon père venait nous aider à saisir quelques goyaves demi-mûres, en avance sur la saison. Après avoir cueilli quelques feuilles de carri poulé, on se dirigeait au fond du jardin pour voir si le jaquier allait nous offrir un bon cari jaque ! Lors de notre balade, mon père en profitait pour nous faire rire en nous contant le fameux tour qu’il jouait aux gamins qui venaient dérober les mangues du jardin. Après avoir fait un trou minuscule dans la mangue, il suçait la pulpe. Puis, une fois le noyau enlevé, il soufflait dans le trou du fruit pour lui redonner sa forme et la posait sur le mur côté rue ! Et il guettait avec malice les enfants venant rafler les mangues ! Aujourd’hui quasi-nonagénaire, il nous fait rire en se remémorant ses espiègleries. Quel bonheur exquis de revivre ces instants avec lui !

Et comment pourrais-je oublier toute l’affection cachée dans ces petits bilimbis et ces olives cristallisées que ma tante maternelle me garde jalousement à chaque fois que je lui rends visite au Morcellement St-Jean à Quatre Bornes ? Connaissant les gamins du voisinage qui lorgnent les fruits de son jardin, elle les cueille rapidement et prépare des pots de fruits cristallisés aigre-doux et légèrement pimentés… Douces réminiscences de mon pays natal et ma famille !

L’actualité écologique oblige, chacun se met un peu au vert pour préserver l’environnement et la biodiversité. On invite les enfants à respecter la terre, à la travailler en famille ou avec des amis, à bâtir des ponts entre nature et culture. Les couleurs de l’arc-en-ciel remplissent nos vies autour de ces joyeuses animations dans les potagers et les vergers, lieux-culte d’échanges et d’apprentissage de génération en génération ! À l’instar de la terre, ces aventures partagées parviennent à nous nourrir, nous guérir, nous faire sourire et grandir !

On ne saurait nier ses origines ni délaisser la terre à laquelle on appartient ! Le gout de l’enfance me relie à la vie, à la terre nourricière que je remercie…

Janvier 2022

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