Attirer les IDE : un défi à multiples facettes

Roberto Echandi de la Banque mondiale:« C’est comme dans un mariage, c’est après que cela devient “rock & roll”. On vous a promis des choses, de la transparence, des accords mais le manque de coordination peut générer des divorces »

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L’Investissement direct étranger (IDE) est une denrée rare ces dernières années et tous les pays du monde – plus particulièrement les pays en développement – se battent pour attirer un maximum d’investisseurs étrangers pour financer leur développement. Dans cette lutte acharnée, il y a des gagnants mais aussi des perdants. À Maurice, les “gross direct investment flows” ont passé de Rs 21,2 milliards en 2017 à Rs 17,4 milliards en 2018. Qu’est-ce qui cloche ?
Les IDE sont en baisse dans le monde entier. En 2017, les flux d’IDE mondiaux ont diminué de 23% par rapport à 2016. Et dans un tel contexte de recul, couplé à un environnement économique extrêmement volatil, le défi pour les Investment Promotion Agencies (IPA) du monde entier est d’autant plus grand, surtout si elles veulent attirer des investissements qui ont un impact maximal sur l’économie locale de leur pays.

« Lorsque nous recherchons des investisseurs, ce qui compte vraiment, c’est que les investissements se traduisent par des emplois et créent un écosystème de développement, il faut savoir si ces investissements sont assez “meaningful” pour le pays », argue Ken Poonoosamy, Regional Director des World Association of Investment Promotion Agencies (WAIPA). Bostjan Skalar, CEO des WAIPA, lui estime qu’« au lieu d’être en compétition, les agences de promotion de l’investissement devraient plutôt mettre leurs efforts en commun ».
Et d’ajouter qu’il faut pour cela tenir compte du fait que l’investissement est directement connecté aux échanges commerciaux, “trade boosts investment and investment boosts trade”. « Every development is about trade », dit-il. Partant de ce postulat, il estime que les gouvernements n’accordent « pas suffisamment » d’importance aux IPA. Il déplore également que celles-ci « n’ont parfois pas de “clear mandate” ».

De son côté, Roberto Echandi, Lead Private Sector Specialist de la Banque mondiale, qui a livré récemment une présentation fleuve et fort instructive sur le sujet, lors de la réunion ACP-UE à l’hôtel Hilton, soulève d’autres points pertinents. Pour lui, attirer des IDE « n’est pas qu’une simple transaction ». C’est une relation, un cycle, et cela passe par plusieurs étapes, à commencer par la visibilité.
« Combien de pays veulent attirer Hitachi, Samsung, Uber ou Boeing ? Ce sont des acteurs très célèbres que tous les pays veulent attirer mais, pour cela, ils doivent d’abord se rendre visibles. Combien de fois dans Financial Times vous voyez Djibouti ? Et la Chine ? Il faut que les investisseurs connaissent votre existence… », explique-t-il.

Par ailleurs, il insiste sur le fait que d’attirer des investisseurs n’est « pas une fin en soi ». Il poursuit : « C’est comme dans un mariage, c’est après que cela devient “rock & roll”. On vous a promis des choses, de la transparence, des accords mais le manque de coordination peut générer des divorces, en raison notamment de la conduite des agences de réglementation », prévient-il.
Par ailleurs, Roberto Echandi a soulevé un point intéressant, en arguant que beaucoup de pays ont reçu plusieurs IDE ces dernières années mais ne se sont pas développés. Pourquoi ? « Pour plusieurs raisons », avance-t-il. Il explique : « Pour optimiser l’investissement étranger, il faut de la stabilité économique et sociale, des infrastructures et de la connectivité, et du capital humain surtout. Par ailleurs, il faut réaliser que différents types d’IDE génèrent des impacts économiques, sociaux et environnementaux différents. »

Il y a quatre principaux types d’IDE : (i) Natural Ressource Seeking, (ii) Domestic Market Seeking, (iii) Efficiency seeking et (iv) Strategic Asset Seeking. Pour ce qui est du premier type d’IDE – la plus vieille formule – Roberto Echandi prévient que « if an investor from outside is using your natural resources you have to manage it very well ». Et de citer les cas de pays, comme la Norvège et l’Australie, par exemple, qui ont su gérer « correctement » ce type d’IDE. « This type of investment can be managed but it generates thorny issues », précise-t-il. Et de questionner : « Is this type of investment good ? » Oui, dit-il, d’autant que ce type d’investissement tend à être “export oriented” et permet au pays d’accueil de mieux s’intégrer aux marchés internationaux.

Pour ce qui est du Domestic Market Seeking du FDI, il est né dans les années 60, avec l’industrialisation des pays et la décision de fabriquer localement pour substituer l’importation. « Ce type d’investissement encourage l’industrialisation. Par contre, dans des économies plus petites, il tend à générer la nécessité d’importer des intrants. En outre, ce type d’investissement ne génère pas vraiment d’exportation », dit l’expert de la BM, « contrairement au Efficiencey Seeking du FDI, qui justement tend à générer des exportations ».
Roberto Echandi explique : « Ce type d’investissement est le rêve de tous les pays car il n’utilise pas vraiment vos ressources naturelles.

Ce type d’investisseur viendra chez vous si vous lui offrez les moyens d’être plus compétitif à l’échelle mondiale. La clé pour ce type d’investisseurs, c’est de leur offrir la compétitivité. Investors will go to countries where they have an advantage to compete. They go to the World cup and you cannot make them walk with cement shoes. Competitiveness is very important. This type of investment generates high value jobs and more trade of goods and services. »
Toutefois, prévient-il, « this type of investment is more sensitive to key policies and needs predictability and certainty ». De plus, il ajoute que ce type d’investisseur, qui joue dans la cour des grands, « risque aussi de fuir s’il voit qu’il y a un manque de transparence dans le pays hôte, une lenteur pour obtenir des autorisations administratives ou un changement soudain sur le plan de la législation et des restrictions sur la facilité à transférer et/ou convertir des devises ou un “breach of contract by the government” ».

L’Efficiency Seeking FDI sera attiré par les “prerential trade agreements”. Ainsi, l’African Continental Free Trade Area (AfCFTA) représente, selon Roberto Echandi, « une opportunité réelle » pour l’Afrique d’attirer les investisseurs étrangers tout en renforçant l’intégration régionale. À ce jour, l’AfCFTA, signé par 49 pays, est un accord qui couvre le commerce, l’investissement et la propriété intellectuelle, entre autres.
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Les facteurs décisifs
Selon un sondage de la BM, les facteurs décisifs dans le choix de pays hôtes pour les investisseurs étrangers sont, en ordre d’importance :
1. Stabilité politique et sécurité
2. Environnement légal et réglementaire
3. Grande taille du marché intérieur
4. Stabilité macroéconomique et taux de change favorable
5. Disponibilité et compétence de la main-d’œuvre
6. Bonne infrastructure physique
7. Taux d’imposition bas
8. Faible coût de la main-d’œuvre et des intrants
9. Accès à la terre ou à l’immobilier
10. Financement sur le marché intérieur
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KEN POONOOSAMY : « Nous sommes dans une phase de transition »
Pourquoi l’investissement étranger est en baisse et pourquoi le secteur manufacturier n’attire plus d’investissement ? « Le textile mauricien produit maintenant à Madagascar et au Bangladesh mais tout le design et tout le savoir-faire des Regional Headquarters sont basés à Maurice. Quand on dit qu’il y a un problème pour attirer des investissements dans le secteur manufacturier, ce n’est pas vraiment un problème; c’est que Maurice est parvenue à une période de transition vers le secteur des services. Donc, les investisseurs viendront mais pour des activités à plus haute valeur ajoutée. Ils entreront dans des segments niches comme le design. Ils viendront dans des secteurs “environment friendly” comme le “sustainable manufacturing” », a expliqué Ken Poonoosamy. Par ailleurs, il tient à faire ressortir que la “capacity building” est « extrêmement importante » pour les IPAs, afin qu’elles comprennent mieux les défis à relever et les facteurs qui attirent les investisseurs. « Par exemple, la signature prochaine d’un accord de libre-échange avec la Chine représentera un atout certain pour Maurice dans ce domaine », dit-il.

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