Jack (Jeewan) Bismohun : « Ces cas de brutalité policière sont inhumains et dégoûtants »

« Anou reset nou pei ! ». Tel est le slogan choisi par l’Union Sociale Mauriciens (USM) dans le cadre de sa campagne en faveur d’un gouvernement alternatif. Dans cet entretien, Jack (Jeewan) Bismohun, Acting Leader du parti, affirme que « les jeunes en ont marre des partis traditionnels, car ces derniers sont à court d’idées ». Il s’en prend aussi à leurs leaders. « Leur priorité, c’est d’être au pouvoir. Les alliances électorales passées, qui se sont concrétisées sur une pure base communale, ont causé beaucoup de tort à notre pays. Ils sont responsables de l’appauvrissement du peuple et coupables de l’endettement du pays, qui a aujourd’hui dépassé notre PIB », dit-il. Quant aux actes de brutalité policière, qui rejaillissent aujourd’hui à la surface, il les qualifie « d’inhumains, dégoûtants et choquants ».

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Pourquoi l’USM a-t-elle vu le jour ?
Ce parti politique a été fondé par de vrais patriotes, ayant à cœur l’intérêt du pays et voulant s’engager pour changer le destin de Maurice. Le parti se présentera devant l’électorat comme un gouvernement d’alternance pour redresser le pays. L’USM a vu le jour après deux ans de consultations parmi un groupe de Mauriciens dévoués et misant sur le bien-être de la prochaine génération, avec comme priorité nos enfants, dont l’avenir a été remis en question par plusieurs gouvernements successifs.
Le parti veut avant tout éradiquer cette gangrène généralisée qui a affecté toutes les institutions de notre pays, à savoir la corruption, qui ne cesse de prendre de l’ampleur jour après jour. Notre slogan, « Anou reset nou pei », montre notre engagement à éliminer le népotisme, à adopter un système où la méritocratie prime, à relancer notre démocratie et à assurer que nos institutions clés soient libres de toutes interférences politiques et fonctionnent en totale indépendance. Les membres de notre parti sont des professionnels ayant réalisé une carrière réussie, avec une expérience prouvée, ainsi qu’une crédibilité et une intégrité indiscutables.

Quel regard portez-vous sur les partis traditionnels ?
Pour moi, les partis traditionnels sont en manque d’idées et de compétences. Ils sont dépassés et les Mauriciens, surtout les jeunes, ne leur font plus confiance. Leur seule priorité est d’être au pouvoir. Leur passé et leurs alliances électorales, qui se concrétisent sur une pure base communale, ont causé beaucoup de tort à notre pays. Ces partis sont responsables de l’appauvrissement de notre peuple et coupables de l’endettement de notre pays, qui a dépassé notre PIB aujourd’hui.

Pensez-vous que les Mauriciens sont à la recherche de partis alternatifs ?
Oui. La réponse se trouve dans le taux d’abstention des élections précédentes, et qui tourne autour de 23%. Ce sont principalement des jeunes. Si l’on analyse le pourcentage de votants pour chaque parti traditionnel, par exemple aux législatives de 2019, l’on se rend compte qu’un grand nombre de personnes les boudent.

Ajouté à cela, il y a un nombre exponentiel d’indécis dans toutes les circonscriptions. Cela indique clairement que la population recherche des alternatives. Ils veulent un parti ayant un programme prenant compte de leurs attentes, basé sur une politique de développement et de réformes dans l’intérêt national.

Les Mauriciens constatent que l’ensemble de nos institutions clés ne fonctionnent pas correctement, et ce, parce que le système de recrutement est politisé. À la tête de nos institutions se trouvent des nominés politiques et des incompétents, ce qui est vrai pour le gouvernement présent, mais qui l’étaient aussi pour les gouvernements passés.
À l’USM, nous présentons notre programme et notre agenda politique sur notre site Web (www.usmauriciens.com), et nous constatons déjà une grande demande d’adhésions à travers le pays. Cela prouve bien que l’électorat en a marre et cherche aujourd’hui une alternative capable de changer leur destin, d’améliorer leur quotidien et de préparer l’avenir de la nouvelle génération.

Que propose l’USM pour réduire le gaspillage des fonds publics ?
Notre parti est conscient que pour régler la question du gaspillage des fonds publics, cela requiert la volonté politique de créer des institutions régulatrices solides qui promeuvent l’intégrité et la responsabilité dans l’ensemble du secteur public. Nous nous engageons donc à bâtir des institutions capables de réduire leur vulnérabilité au gaspillage et à la corruption.

Parmi les cas flagrants où, depuis des années, des milliards sont gaspillés, l’on trouve les services de santé et le transport public. Entre autres solutions, nous nous proposons d’implémenter des systèmes informatiques, à l’instar d’une plateforme digitale pour la santé, afin que tous les services médicaux, dispensaires, ambulances, ainsi que les achats de médicaments et d’équipements médicaux, soient traités électroniquement, et ce, afin d’éliminer le gaspillage tout en assurant la transparence avec une surveillance externe et indépendante.

L’USD compte aussi de mettre en place un système RFID (radio-identification, NdlR) pour le transport public par le biais d’une carte magnétique pour les passagers, et dont les déplacements seront enregistrés sur un système central. Ainsi, les compagnies d’autobus seront rémunérées en fonction du nombre de passagers et de trajets, et non plus suivant le système de 2005, date à laquelle un parti traditionnel avait décidé de débourser un montant fixe par bus, même en l’absence de passagers.

Il est par ailleurs grand temps d’accorder des pouvoirs de contrôle au bureau de l’Audit et de laisser ce dernier agir en toute indépendance. En outre, nous mettrons en place une plateforme en ligne, où n’importe quel citoyen pourra suivre en direct l’évolution physique et financière des projets d’investissements, et donc en toute transparence.
Nous entreprendrons aussi des réformes institutionnelles en vue de lutter contre le gaspillage des fonds publics et la corruption. Nous bâtirons une fonction publique professionnelle en effectuant des exercices de recrutement basés sur le mérite, réduisant ainsi les occasions de corruption.

La dernière hausse des prix des carburants aurait-elle pu être évitée?
Non, parce que la hausse était due à l’augmentation du prix du baril brut Brent. Mais la dévaluation de notre roupie vis-à-vis du dollar américain, causée par une politique monétaire déstabilisatrice, n’a pas aidé.

Mais on aurait pu retirer ou modifier certaines taxes, comme celle pour l’approvisionnement en vaccins anti-Covid, et revoir le calcul de la TVA, qui équivaut aujourd’hui à taxer des taxes. Idem pour la formule du Petroleum Pricing Committee. Pour moi, tout cela est inacceptable et injuste pour les automobilistes. Je vous donne un exemple flagrant : la dernière augmentation du brut était de Rs 2 le litre sur le marché mondial, et à Maurice, la hausse aura été de Rs 7.

Que propose votre parti pour mettre fin à l’escalade des prix ?
Soyons clairs ! Cette escalade des prix résulte de l’inflation causée par l’incompétence de ceux s’occupant de la gestion de notre économie. Le gouvernement a failli de manière monumentale dans sa politique monétaire, qui est responsable de cette flambée d’augmentations.

L’USM propose ainsi de réduire la TVA sur les produits de base et de rembourser le prix du fret sur les produits de première nécessité. Parmi les autres mesures, nous proposons aussi d’augmenter la production en encadrant les manufacturiers et les PME. L’idée est d’augmenter les exportations et de réduire les importations, avec pour objectif de stabiliser notre balance commerciale, qui a un effet direct sur le taux de change.

Que pensez-vous de la restriction à un maximum de 50 personnes en public ?
Maurice aurait dû emboîter le pas à d’autres régions et pays, comme La Réunion et les Seychelles, qui ont retiré leurs restrictions du fait que leurs populations sont majoritairement vaccinées et que le taux de contamination s’est considérablement réduit.
Cette mesure de 50 personnes maximum est ridicule, sachant notamment que les bus comme le métro effectuent leurs trajets chaque jour avec quelquefois 80 personnes et plus. Cette restriction n’a plus sa raison d’être. Si ce n’est bien sûr pour éviter de tenir les municipales. Personnellement, je pense que le port du masque est suffisant, car le public s’est responsabilisé par rapport aux gestes sanitaires.

Les récentes émeutes étaient-elles nécessaires pour se faire entendre ?
C’était un cri de la faim, pour exprimer la difficulté de subvenir aux besoins alimentaires des familles. Et oui, un cri lancé pour se faire entendre, parce que le peuple souffre du fait de l’incompétence, de l’ignorance et de l’arrogance du pouvoir.
Pour moi, le gouvernement aurait dû venir en aide à ceux au bas de l’échelle, sachant que l’inflation était à 10% ou plus, et que les prix des produits de base augmentaient, creusant ainsi encore plus la perte de pouvoir d’achat. Est-ce qu’il fallait attendre des émeutes pour offrir des subsides ? Non. Gouverner, c’est prévoir. Le peuple n’avait pas d’autre recours. Heureusement que nos citoyens sont responsables, sinon cela aurait pu dégénérer davantage. Aujourd’hui, la souffrance ne vient pas seulement du manque de nourriture, mais aussi d’eau potable, comme les habitants de Bambous-Virieux l’ont exprimé le 25 décembre dernier. Encore une fois, les autorités font la sourde oreille, ce qui incite les gens descendre dans les rues.

Que pensez-vous des actes de brutalités policières, qui font la Une des médias en ce moment ?
Comme toute la population, je trouve cela choquant, inhumain et dégradant. Je constate aussi qu’il s’agit d’une méthode permettant aux enquêteurs d’obtenir facilement des confessions des suspects, et donc sans avoir à initier d’enquête approfondie. Il y a définitivement des brebis galeuses dans la force policière, et la faute en revient au système de recrutements et de promotions. Avec la nomination d’agents politiques.

Selon nous, l’institution policière demande une réforme approfondie à tous les niveaux, en long, en large et en travers. Il est inacceptable de voir des pratiques aussi barbares que celles qui ont été dévoilées, et qui sont d’effrayantes violations des droits humains, ce qui n’a pas sa place dans notre société.

En quelques années, sous le leadership de différents Premiers ministres, on a assisté à l’effondrement de l’autorité policière. Alors qu’elle a le devoir de protéger les citoyens, elle fait le contraire en raison de l’interférence politique. Ce qui est source de perturbations sociales, et aura des conséquences économiques pour le pays par rapport aux investissements étrangers et notre industrie touristique.

On a même un ex-commissaire de police ayant été arrêté pour ingérence procédurale. N’est-ce pas effrayant de voir que celui qui applique la loi va à l’encontre de cette même loi ? On se demande comment fonctionne cette institution. Et dans le cas présent, comment fonctionne l’Independent Police Complaints Commission, à qui une clé USB aurait été remise il y a deux ans sans que l’affaire ne connaisse aucune suite.

Que pensez-vous du fait qu’il faille décliner son appartenance ethnique lors des élections ?
On l’avait déjà fait en 2014, quand le gouvernement d’alors avait apporté une loi à titre temporaire pour permettre au candidat ne déclarant pas son appartenance ethnique de se présenter aux législatives. Pour moi, c’est un manque de consistance de la part de l’État, car la preuve est là : les candidats, en 2014, avec cette loi, avaient pu se porter candidats, l’élection a eu lieu et les best losers avaient été nommés. Comme vous le savez, la cour devra trancher dans une plainte constitutionnelle qui a été logée. J’espère que le bon sens prévaudra.

Personnellement, je suis d’avis qu’il faut laisser le choix aux candidats de déclarer ou non leur appartenance, sachant que le système de best losers en application pourra jouer contre eux. À l’USM, nous préconisons l’abolition du Best Loser System et de le remplacer par une Party List de dix femmes, qui seront choisies par les leaders des partis, prenant en compte la représentation et l’équilibre. Avec notre proposition, nous aurons ainsi dix femmes de plus au Parlement, permettant donc de faire de la parité une réalité, et pas juste d’en parler, comme le font les autres partis élection après élection.

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