Je ne suis pas raciste, mais…

PAUL F. DE SOUZA

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Le racisme, ou « communalisme », est haïssable. Quelles que soient les facultés d’oubli, les volontés d’indifférence, les capacités de reniement de l’opinion publique, il ne s’est pas encore trouvé d’esprits assez indécents pour revendiquer hautement leurs spécificités de RACISTES (sauf les esprits déments et pervers d’une certaine extrême droite.)

PAUL F. DE SOUZA

Et pourtant!

On conteste l’ampleur des génocides perpétrés par les nazis, on refoule les immigrants qu’on avait fait venir par besoin de main-d’œuvre, on comprend et on explique les réflexes anti-maghrébins, les blocages anti-minorités, les allergies anti-faciès, mais…! On n’est pas raciste, mais on acquitte des meurtriers de Canaques sauvagement massacrés…

Je m’attriste quand j’entends dire (mais je souhaite avoir mal compris) que seule une catégorie peut prétendre accéder au poste de Premier ministre. Je me révolte quand j’apprends que telle ou telle firme ou boîte, n’embauche facilement que tel ou tel Mauricien de telle ou telle communauté ! Je m’offusque quand je constate que dans une île Maurice assez bien développée, on s’exprime en termes de castes! J’ai honte pour mon pays quand des politiciens s’adonnent à « sak zako protez so montagn »! Je me pose des questions quand je constate qu’à Maurice, les George Floyd pourraient s’appeler Kaya ou Caël Permes, pour ne citer qu’eux.

On « n’est pas raciste, mais… », et cette nouvelle particularité tend à devenir d’autant plus largement partagée qu’elle est inconsciente et qu’elle ne heurte pas la bonne conscience générale.

La traditionnelle objection – « Accepterais-tu que ta fille épouse un Noir? » – est non seulement révélatrice d’un racisme évident, mais également d’un masochisme inconscient (pourquoi ne dit-on pas spontanément « que ton fils épouse une Noire? », est-ce une perspective moins insupportable dans la « logique » raciste?)
L’île Maurice, de par sa spécificité, se doit d’avoir une éthique que je serai tenté de qualifier de laïque, une éthique pouvant et devant démontrer la malfaisance et l’inanité de telles actions.

— Et la tolérance ? me direz-vous. La tolérance exige lucidité et courage, car elle a ses limites. Nous nous devons d’avoir une éthique délimitant les frontières qui sont précisément, celles de l’intolérance : « Si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser, tu m’enrichis. » (Antoine de St-Exupéry).

Nous devons tous souscrire à l’idée générale exprimée par cette pensée…assez imprécise ; encore faut-il avoir lucidement conscience des limites de cette ouverture d’esprit.
Un fasciste, un fanatique (religieux ou autre), un raciste ou un « communaliste » sont différents de nous. Nous enrichissent-ils et devons-nous les « tolérer « ? La réponse négative est évidente ; la tolérance n’est pas le laxisme, pas plus qu’elle n’est la résignation à l’altérité. La tolérance ne peut tolérer l’intolérance.

Quelle que soit l’éthique pratiquée par les Mauriciens, elle doit rappeler tout ce que la moindre velléité de racisme ou de ségrégation culturelle ou d’isolement ethnique ou « communal » a de pervers et de dangereux. Les réactions inconscientes et les refus déguisés portent en germe les pires dévoiements. Dominer ses instincts, refuser les facilités de pensée, rechercher la lucidité d’esprit et échapper aux idées dominantes, c’est justement ce que cette éthique devrait proposer, et ce à quoi elle inciterait l’individu et la collectivité.

Cette éthique devrait être une arme contre le racisme ou autre « communalisme » conscient ou inconscient.

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