— Noemi Alphonse et Brandy Perrine en lice aujourd’hui en séries du 100 m T54
Le para-athlète mauricien Yovani Philippe a offert, hier sur le spurtan bleu du Stade de France, la toute première médaille paralympique au pays, en prenant la troisième place de la finale du 400m T20. Il a été devancé par le Colombien Jhon Obando et l’Espagnol David Jose Pineda Mejia, mais termine sur un podium historique pour la République de Maurice.
À l’issue de ce tour de piste, qui entre à coup sûr dans la légende, le Mauricien signe un chrono de 48″30. Soit, sa meilleure performance de la saison. Devant lui, le Colombien, champion paralympique, boucle l’épreuve en 48 » 09, alors que Pineda Mejia finit avec 48″24, six centièmes de seconde de mieux que le médaillé de bronze. Parti du neuvième couloir, il a effectué une belle course, pour effectuer une remontée spectaculaire dans les derniers mètres pour accrocher le bronze.
« Je suis fier ! C’est la médaille de toute l’île Maurice », réagit-il à chaud, une fois descendu du podium. « Je suis très heureux d’avoir pu ramener cette médaille des Jeux Paralympiques. Allez Maurice », ajoute-t-il. De son côté, Jean-Marie Bhugeerathee, son coach, se dit lui aussi fier d’avoir pu être témoin de l’exploit de Yovani Philippe. « C’est un gars qui a bossé dur ! J’avais prédit que s’il entrait dans la ligne droite en retrait, il serait sur le podium. » Des prédictions qui se sont avérées finalement.
Cette médaille, dit-il, est le fruit d’un travail qui a été entamé il y a longtemps. « Cette médaille appartient à toute l’île Maurice. Mais cela fait un moment que nous nous préparons à vivre ce moment. Je reste confiant que nous allons récolter d’autres médailles », ajoute-t-il.
« Yo la fusée »
Lorsque le coup de feu a retenti, Yovanni, dans le couloir 9, semblait partir avec un désavantage. À 100 mètres de l’arrivée, il était encore dernier, et l’espoir d’une médaille paraissait s’évanouir. Mais c’est pendant douze secondes d’efforts que « Yo la fusée » a puisé dans ses réserves pour déployer une accélération fulgurante qui a laissé les spectateurs bouche bée.
« C’était comme si le temps s’était arrêté », raconte Hewlett Nelson, secrétaire de la Mauritius Paralympic Committee, présente dans les tribunes en compagnie des supporteurs, athlètes et accompagnateurs mauriciens. Miley, une Française et agissant comme guide pour le compte du comité d’organisation, raconte : « Nous avons vu Yovanni remonter un à un ses adversaires. C’était irréel, magique ! »
Connu pour son finish à couper le souffle, Yovanni a franchi la ligne d’arrivée en 48″30, à seulement 6 centièmes du médaillé d’argent espagnol et 21 centièmes de l’or. Derrière lui, des noms prestigieux comme le champion paralympique en titre Charles-Antoine Kouakou et les redoutables Brésiliens Samuel Oliveira et Daniel Tavare.
Le chemin qui a mené Yovanni à ce podium n’a pas été sans obstacles. Né dans un quartier modeste de Port-Louis, il a dû surmonter non seulement son handicap, mais aussi le manque de moyens avant de bénéficier du dynamisme de groupe et l’encadrement mis en place par les dirigeants du MPC.
Le président du MPC, Jean Marie Malepa, était aux anges dans les tribunes du stade de France. « Quand nous avons découvert Yovanni, nous savions tous, avec l’entraîneur national Jean Marie Bhugeerathee, qu’il avait un potentiel énorme malgré la déficience dont il souffre », se souvient-il. « Nous avons vu en lui une détermination hors du commun. Il ne lâchait jamais rien », ajoute Hervé Runga, Chef de mission de la délégation mauricienne et trésorier du MPC, avant que Hurry Hookoom, assistant secrétaire, n’ajoute : « Je me rappelle du bien que tout le monde disait de lui. Aujourd’hui, j’ai eu la confirmation en direct de la capacité et du talent de Yovanni. »
Cette ténacité a payé en 2022, lorsque Yovanni a explosé sur la scène internationale en pulvérisant le record des championnats du monde en France. Ce fut le début d’une ascension fulgurante, faite de sacrifices quotidiens et d’un travail acharné au sein du groupe où figurent les valeurs sûres comme Noemi Alphone, Roberto Michel, Anaïs Angeline entre autres. Lorsque Yovanni a franchi la ligne d’arrivée, c’est toute l’île Maurice qui a exulté.
« C’est plus qu’une médaille », partage Hewlett Nelson, les larmes aux yeux. « C’est la preuve que nos jeunes peuvent atteindre les sommets mondiaux », estime celle qui a milité pendant plus de trois décennies pour que le handisport se développe et obtienne la reconnaissance qui lui est due. Jean Marie Bhugeerathee, qui a suivi ses traces, n’a pas les mots pour exprimer qu’il a ressenti lorsqu’il a vu Yovanni franchir la ligne d’arrivée. « Je n’ai pas de mots, je n’ai pas de mots pour exprimer ce que je ressens. Je dois attendre demain pour comprendre et imaginer ce qui nous arrive, sachant que nous avons d’autres athlètes aussi talentueux qui sont toujours en compétition ».
Cette médaille de bronze place en effet Yovanni au panthéon des plus grands sportifs mauriciens, aux côtés de Bruno Julie, l’unique médaillé olympique du pays. Elle rappelle aussi les exploits de la para athlète Noemi Alphonse à Kobe, Sephan Buckland et autres Eric Milazar, qui avaient fait vibrer la nation mauricienne à travers leurs exploits sur les pistes d’athlétisme lors des mondiaux et des Jeux olympiques.
4 autres chances de médailles
Alors que la cérémonie de remise des médailles s’achève, Yovanni Philippe se retrouve nez-à-nez avec nous dans les couloirs souterrains du stade de France. Le jeune athlète contemple sa médaille de bronze, la fait tourner entre ses doigts avec un mélange d’incrédulité et de fierté. L’accolade est automatique. Et il lâche : « Mo mari fier mo finn resi fer li ! » Comme s’il avait besoin de se le confirmer. Dans ce moment de calme sous les regards des officiels de la compétitions, Yovanni, avec l’humour qui est le sien, ajoute « mo ler pou koze la… », sans réellement prendre la mesure de l’exploit qu’il venait d’accomplir, mais plus pour exprimer la fierté qu’il ressent au plus profond de son âme.
Pour « Yo la fusée » cette médaille est avant tout l’aboutissement de ses efforts personnels, d’enchaînement des heures d’entraînement des sacrifices consentis depuis qu’il a rejoint la Para Team Moris. Il pense à sa famille, à ses entraîneurs, à tous ceux qui ont cru en lui. Mais l’ampleur de son impact sur toute une nation lui échappe encore. Il ignore – peut-être — que, pendant qu’il récupère de ses efforts, son exploit fait déjà le tour de l’île Maurice et enflamme les réseaux sociaux comme on n’en a jamais vu dans l’histoire du sport mauricien.
Maintenant, il reste au camp mauricien quatre autres chances de médailles à ces Jeux de Paris. Le retour en piste de Noemi Alphonse coïncidera avec l’entrée en lice de Brandy Perrine aujourd’hui, en séries du 100 m T54. Perrine a été tirée dans la première série, et Alphonse sera alignée dans la deuxième. Les deux seront en action vers le milieu de l’après-midi.
Demain, Alphonse sera encore en action, cette fois au 400m T54. Vendredi, ce sera au tour de Roberto Michel, au 800 m T34. Vendredi, place à Eddy Capdor, à la longueur T20. Ce dernier est par ailleurs déjà qualifié pour la finale de l’épreuve. Noemi Alphonse clôturera le bal avec une éventuelle participation au marathon, dimanche.
« Nous avons encore des chances, et je suis confiant que nous aurons encore d’autres médailles. Je tiens à remercier toutes ces personnes qui nous soutiennent, les coaches qui sont avec nous, le ministère des Sports », a conclu Jean-Marie Bhugeerathee.