JMG Leclézio : « Le goût de la lecture se développe dans l’enfance »

À la suite de la lecture de Lire, une Anthologie internationale, le prix Nobel de littérature 2008, Jean-Marie Leclézio, affirme que « le goût de la lecture se développe dans l’enfance et sur la durée ». Il intervenait mercredi soir à l’occasion du lancement de l’ouvrage à l’hôtel Hennessy Park, à Ébène. Cette anthologie internationale est une initiative du linguiste et écrivain Issa Asgarally, et réunit les textes de 18 auteurs, provenant des quatre coins du monde, et des illustrations de 16 artistes.
Lire, une Anthologie internationale est un projet dont l’objectif est de défendre « un art en déclin, l’art littéraire, qui est un art naturel, et la vertu de la lecture », et ce, en l’incitant auprès des jeunes. « J’ai trouvé, en lisant les textes écrits par ces autres collaborateurs, que c’est dans la durée et dans l’enfance que se développe la lecture », observe Jean-Marie Leclézio.

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Ainsi, poursuit-il, « cela confirme l’importance du livre dans l’éducation de l’enfant et la formation des jeunes ». La lecture amène à « la réflexion » et « à la méditation », et les livres développent l’esprit des enfants, ajoute-t-il. De fait, selon lui, « il est important de réfléchir sur les mots et le langage ».

Jean-Marie Leclézio se dit heureux de participer à ce lancement à Maurice, qu’il considère comme un lieu propice pour le faire, car le pays a une longue tradition littéraire liée à « l’éducation créole ». Il poursuit : « Il s’agit d’une éducation qui privilégie l’imagination, la distance et l’affirmation de soi. On n’est pas dans un échange immédiat. » Le Nobel 2008 de Littérature dit garder un souvenir indélébile de la bibliothèque Carnegie, à Curepipe, où, dit-il, il a vu « une sorte d’appétit chez les jeunes à lire et à essayer de lire les livres qui sont à leurs dispositions ».

Jean Marie Leclézio ouvre l’anthologie avec un témoignage poignant. « Je te connais sans te connaître », écrit-il en guise d’accroche. Ayant eu l’occasion de rencontrer les enfants des villages côtiers et des quartiers populaires (Beau-Bassin, Quatre-Bornes, Triolet), pour qui « le prix d’un livre représente de quoi vivre pendant plusieurs jours », il dresse un parallèle entre sa propre enfance et celle de ceux qu’il rencontre.

« Nous, enfants de la guerre, nous n’avions pas de livres, pas d’images, pas d’école, pas de cinéma. Nous avons vécu enfermés dans nos logis, entre les femmes et les vieux, parce que tous les hommes étaient des prisonniers, ou empêché de venir. Voilà pourquoi je me sens proche de toi, parce que vivre dans un pays en guerre, c’est assez comparable à ce que ressentent ceux qui vivent dans une île », écrit-il.

Et d’exprimer son souhait à tous les enfants : « Ouvre les pages, lis les mots qui y sont écrits, et tu découvriras le monde ». Une parole qui rejoint celle que la mère « analphabète » de l’écrivain et journaliste Mohammed Aïssaoui lui répétait enfant : « Savoir lire et écrire, c’est être libre, mon fils ! »

La lecture de l’anthologie nous fait découvrir les expériences singulières de chaque participant, et ce, même s’ils ont tous développé la lecture durant l’enfance.

Le romancier Karim Kattan, prix des Cinq continents de la Francophonie 2021, témoigne : « Nous avons appris à lire en même temps que nous avons appris à jouer : les premières structures narratives complexes auxquelles j’ai eu accès et qui n’étaient pas des livres d’enfants, c’étaient les jeux vidéo. ( …) Eux qui ont ancré en moi le besoin impérieux de lire… »

Quand au romancier japonais Yoshikazu Nakaji, il raconte : « En août 1959, à l’âge de six ans, j’ai passé mes après-midi, jour après jour, à écrire ces 17 caractères un à un dans les grandes cases de mon cahier d’exercices » Un peu plus loin, développant sur l’écriture, il dit : « Ces exercices de copies ont développé chez moi une sensibilité à l’aspect poétique du mot, à son épaisseur et à son pouvoir évocateur. » Pour le poète et écrivain Sedley Assonne, ses premiers souvenirs du livre sont les romans-photos que lisait sa mère, sans doute pour « chercher du réconfort dans ces pages illustrées ».

L’anthologie nous amène aussi à la rencontre de Tahar Ben Jelloun, Michèle Gazier, Louis-Jean Calvet, Sudhir Hazareesingh, Jean-François Samlong, Xu Jun, Keith Moser, Davina Ittoo, Amarnath Hosany, Priya Hein, Ananda Devi, Chinmoy Guha et Issa Asgarally lui-même. Elle nous plonge dans l’île Maurice des années 50’. « Chez Tico, caverne renfermant tant de choses délicieuses, surtout des sucres d’orge, je faisais une autre expérience de la lecture. Il emballait toujours le poisson salé dans un morceau de papier journal (…) et en rentrant à la maison, je tentais de lire ce qu’on y avait écrit. » Une anecdote drôle qu’il a pris plaisir à raconter le soir du lancement, et qui a éveillé son goût pour la lecture.

Lire, une Anthologie internationale est disponible en librairie.

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