John Pierrez, General Manager de Nextep : « La vraie transition énergétique commence à la maison »

Maurice traverse actuellement une phase de vulnérabilité énergétique, avec le risque que le Central Electricity Board ne puisse plus répondre à la demande d’ici la fin de l’année si aucune mesure n’est prise. Selon les autorités, le pays s’expose à un risque de black-out, aux  conséquences potentiellement lourdes pour les foyers et, surtout, pour les entreprises, avance John Pierrez, General Manager de Nextep Home Solution.

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Pour faire face à ce déficit de capacité, les autorités ont choisi de recourir à des centrales flottantes. Bien que cette solution ne soit pas idéale, elle demeure la plus rapide et la plus pragmatique à mettre en œuvre afin d’éviter le délestage et de maintenir le bon fonctionnement de l’économie mauricienne, dit-il. Les foyers ont un rôle essentiel à jouer dans la transition énergétique.

Cela passe d’abord par l’adoption d’habitudes de consommation plus responsables, visant à réduire la demande en électricité. La sensibilisation à l’utilisation d’appareils économes en énergie, ainsi qu’au recours à des systèmes intelligents permettant de mieux gérer la consommation et d’éviter la surcharge du réseau, est primordiale, dit-il. Pour lui, la vraie transition énergétique commence à la maison.

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Pouvez-vous définir les activités de Nextep ainsi que son palmarès ?
Fondée en 2012, Nextep Home Solution s’est imposée comme un acteur incontournable dans les  solutions résidentielles et l’aménagement intérieur à Maurice. Nous accompagnons nos clients de la conception à la réalisation de leurs projets en leur offrant des solutions sur mesure et de qualité grâce à des partenariats solides avec des marques prestigieuses et des professionnels  reconnus – promoteurs immobiliers, architectes, designers et constructeurs.

Avec la création de Nextep Eco Solution, nous avons franchi une nouvelle étape en intégrant des solutions durables et éco-responsables, afin de répondre aux attentes modernes tout en contribuant à un avenir plus respectueux de l’environnement.

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Produire de l’électricité verte chez soi n’est pas encore à la portée de tout le monde.  Que recommandez-vous ?

L’installation de panneaux solaires pour les particuliers requiert en effet des investissements  importants. Cela dit, il faut savoir que plusieurs dispositifs existent pour en faciliter l’accès. Il y a notamment le Home Solar Project (HSP) du Central Electricity Board (CEB), financé en partie par Abu Dhabi Fund for Development (ADFD) et l’International Renewable Energy Agency (IRENA).

Grâce à ce programme, 2 000 ménages, principalement ceux vivant dans des logements sociaux, bénéficient de panneaux solaires installés gratuitement sur leur toit. Résultat : leur facture a été réduite de moitié, générant des économies annuelles estimées à USD 400 000.
Outre l’appui des autorités publiques, les institutions financières locales, en particulier les banques, proposent des prêts verts attractifs. Ces financements incluent des taux préférentiels,  un remboursement échelonnable sur 3 à 10 ans, et une couverture allant jusqu’à 100 % du coût  d’installation.

À cela s’ajoutent des incitations fiscales qui encouragent les ménages à investir dans les technologies d’énergies renouvelables. Selon nos analyses et les retours des clients, le retour sur investissement se fait sur une période de 4 à 7 ans, en fonction du système choisi. Et si l’installation a été bien dimensionnée, elle peut couvrir 85% à 95% de la consommation électrique d’un foyer.

Quels sont les avantages et les désavantages d’une barge flottante pour fournir de  l’électricité ?
Les barges électriques flottantes peuvent constituer une solution d’urgence, mais elles ne représentent pas une option viable sur le long terme. Dans le même esprit, on pourrait envisager le déploiement de panneaux photovoltaïques flottants en mer.
Cette approche présente plusieurs avantages : elle n’empiète pas sur les terrains, particulièrement limités dans un petit territoire insulaire comme Maurice, et les panneaux bénéficient d’un refroidissement naturel par l’eau, ce qui améliore leur rendement. Avec un système de suivi solaire, leur efficacité peut même être accrue de 15 % à 25 %. De plus, ces installations contribuent à réduire l’évaporation et peuvent limiter la prolifération d’algues.

Toutefois, de tels projets nécessitent des études approfondies afin de s’assurer de leur bonne intégration dans le milieu marin pour ne pas impacter les écosystèmes. Les aspects techniques  liés à l’installation et à la maintenance doivent également être soigneusement pris en compte pour garantir leur durabilité.

Que faut-il faire pour éviter un black-out d’ici décembre ?
S’il existe des solutions à mettre en place à court terme, la situation actuelle doit surtout nous inciter à envisager des alternatives durables. L’une des priorités consiste à accélérer le déploiement de systèmes de stockage, à l’image de la batterie de 20 MW inaugurée en mai 2024, qui a porté la capacité totale à 38 MW.

Parallèlement, il est essentiel de mettre en œuvre des mesures permettant de mieux réguler l’équilibre entre l’offre et la demande. Le développement de projets hybrides, combinant  production solaire et capacité de stockage, doit également se poursuivre afin d’atteindre une centaine de MW. Ces initiatives pourraient être menées dans le cadre de partenariats public-privé.

Enfin, l’ensemble de ces actions doit impérativement s’accompagner d’une modernisation du réseau électrique, afin de garantir sa capacité à intégrer efficacement les énergies renouvelables, qui restent par nature intermittentes.

Le changement climatique est-il un obstacle pour la transition vers l’énergie verte ?
Je répondrais à la fois oui et non. Le changement climatique représente effectivement un obstacle,  car il entraîne des catastrophes naturelles telles que les cyclones, les inondations ou encore les  sécheresses. Ces phénomènes constituent une menace directe pour les infrastructures  énergétiques et, par conséquent, pour la résilience du système.
Cependant, il peut également être perçu comme un catalyseur. En effet, ces mêmes menaces, qui découlent de l’impact des activités humaines sur le climat, renforcent la volonté politique d’investir massivement dans les énergies renouvelables. C’est dans ce contexte que s’inscrivent des objectifs ambitieux, tels que l’atteinte de la neutralité carbone d’ici 2070 et une part de 60 %  de renouvelables dans le mix énergétique d’ici 2030.

Atteindre 60 % d’énergie renouvelable d’ici 2035 est-il possible d’après vous ?

C’est un objectif ambitieux, mais tout à fait réalisable. En 2023, la part des énergies renouvelables atteignait déjà 28 à 30 %, avec des avancées notables dans le solaire, l’éolien et la biomasse, notamment à travers la valorisation de la bagasse.
La stratégie énergétique vise désormais 60 % de renouvelables d’ici 2030, avec l’arrêt complet du charbon, un déploiement massif du solaire et de l’éolien, le développement de solutions de stockage pouvant atteindre 185 MW, ainsi que la valorisation d’autres sources comme la biomasse, les déchets et l’hydroélectricité.

Les principaux défis à surmonter concerneront le financement des projets, la capacité du réseau électrique à intégrer efficacement les renouvelables, et surtout le respect d’un calendrier particulièrement serré pour la mise en œuvre.

Est-ce que les entreprises sont intéressées à réduire leurs factures d’électricité ?

C’est évidemment un objectif pour elles, car cela permettrait de réduire significativement leurs coûts. Au-delà de l’argument purement économique, s’ajoutent les enjeux climatiques et  environnementaux, qui prennent une importance croissante. Les entreprises sont aujourd’hui de plus en plus sensibilisées à ces questions, tout comme leurs clients, qui attendent d’elles des pratiques responsables et durables.

Doit-on continuer à faire usage du charbon dans la production de l’électricité ?
Je suis d’avis que le charbon doit être progressivement remplacé. D’ailleurs, il n’est déjà plus utilisé qu’en intersaison, afin de compenser l’absence de bagasse. Le gouvernement s’est par ailleurs engagé à son élimination totale d’ici 2030, dans le cadre de sa politique énergétique et de ses engagements climatiques, notamment à travers la Powering Past Coal Alliance.

Quel regard portez-vous sur la situation énergétique actuelle à Maurice, pannes, solutions temporaires)?
Maurice traverse actuellement une phase de vulnérabilité énergétique, avec le risque que le Central Electricity Board ne puisse plus répondre à la demande d’ici la fin de l’année si aucune mesure n’est prise. Selon les autorités, le pays s’expose à un risque de black-out, aux  conséquences potentiellement lourdes pour les foyers et, surtout, pour les entreprises.
Pour faire face à ce déficit de capacité, les autorités ont choisi de recourir à des centrales flottantes. Bien que cette solution ne soit pas idéale, elle demeure la plus rapide et la plus  pragmatique à mettre en œuvre afin d’éviter le délestage et de maintenir le bon fonctionnement de l’économie mauricienne.

Cette situation a permis de mettre au premier plan un enjeu crucial : la souveraineté énergétique du pays. Les débats et échanges qui en découlent mettent en évidence l’urgence de moderniser nos infrastructures existantes tout en accélérant la transition énergétique grâce à des investissements dans les énergies renouvelables.

Selon vous, comment les foyers pourraient-ils contribuer concrètement à stabiliser la demande en électricité dans ce contexte ?
Les foyers ont un rôle essentiel à jouer dans la transition énergétique. Cela passe d’abord par l’adoption d’habitudes de consommation plus responsables, visant à réduire la demande en électricité. La sensibilisation à l’utilisation d’appareils économes en énergie, ainsi qu’au recours à des systèmes intelligents permettant de mieux gérer la consommation et d’éviter la surcharge du réseau est primordiale.

Au-delà de la consommation, les ménages peuvent également devenir producteurs d’énergie, notamment grâce à l’installation de panneaux photovoltaïques sur leurs toits. Pour accélérer cette  dynamique, des mesures incitatives supplémentaires pourraient être mises en place afin d’encourager un plus grand nombre de familles à investir dans ce type de solution durable.

Quelle part de la solution énergétique nationale pourrait venir de l’efficacité énergétique dans le résidentiel ?
La contribution des foyers peut être considérable : jusqu’à 30 à 40 % du problème énergétique  pourrait être résolu si des mesures concrètes étaient mises en place pour améliorer l’efficacité  énergétique des résidences. Cela passe, entre autres, par une meilleure isolation thermique des  habitations et par l’utilisation d’appareils ménagers plus performants.

L’automatisation joue également un rôle clé, en permettant d’optimiser la consommation et de réduire le gaspillage au maximum.
Grâce à ces initiatives, il serait possible de diminuer significativement la demande globale en électricité, tout en facilitant l’intégration des énergies renouvelables, notamment le  photovoltaïque, dans notre bouquet énergétique.

Quelles solutions écoresponsables Nextep recommande-t-il pour réduire la  consommation électrique dans une maison ou un appartement ?
Nous recommandons l’installation de systèmes d’éclairage LED, de capteurs de mouvement et de thermostats intelligents, ainsi que l’intégration de panneaux solaires. La priorité reste toutefois l’amélioration de l’isolation thermique des bâtiments, afin de limiter les déperditions énergétiques.  Une fois cette étape franchie, l’accent peut être mis sur l’installation d’équipements à haute  efficacité.

Pouvez-vous citer des exemples de projets Nextep qui ont intégré des matériaux  durables, une meilleure isolation ou des systèmes utilisant les énergies renouvelables ?
Nous avons mené plusieurs projets intégrant l’utilisation de matériaux locaux et durables, le  renforcement de l’isolation thermique, ainsi que l’installation de panneaux solaires pour la production d’eau chaude ou d’électricité. Ces solutions contribuent non seulement à réduire la  consommation énergétique, mais également à garantir un confort optimal tout en respectant  l’environnement.

Comment la technologie (réalité augmentée, simulations) peut-elle aider vos clients à comprendre l’impact énergétique de leurs choix ?
Les outils de simulation permettent de visualiser concrètement l’impact de chaque décision, qu’il  s’agisse du choix des matériaux de construction ou de l’orientation d’une installation solaire. Ils  favorisent ainsi une meilleure prise de conscience chez les clients et, bien souvent, les incitent à intégrer des solutions durables auxquelles ils n’auraient pas pensé initialement.

Avant toute installation photovoltaïque, nos techniciens réalisent un audit afin d’évaluer précisément les besoins réels. Grâce à ces outils technologiques, nous sommes en mesure de recommander les systèmes les plus adaptés et, surtout, d’aider nos clients à mesurer l’impact de  leurs investissements sur le long terme.

Quelles innovations dans l’aménagement ou la construction pourraient avoir le plus grand impact positif sur la consommation énergétique à Maurice ?
Il existe plusieurs pistes, mais deux méritent d’être mises en avant : les constructions passives et l’utilisation de matériaux à haute performance thermique. Les premières permettent de réduire au minimum les besoins en chauffage et en climatisation, tandis que les seconds pourraient transformer en profondeur notre paysage résidentiel. À cela s’ajoutent la digitalisation et  l’automatisation, qui jouent un rôle clé dans l’optimisation de la consommation énergétique.

Quels sont, selon vous, les principaux freins à l’adoption de solutions durables dans le résidentiel à Maurice (coût, manque d’information, habitudes) ?
Le coût initial demeure un frein, même si l’investissement est généralement amorti en cinq à sept ans. Le manque d’informations précises et la résistance au changement constituent également des obstacles majeurs à l’adoption de ces solutions. Pour les surmonter et accélérer la transition,  il est essentiel de mettre en place des incitations financières supplémentaires et de renforcer les  actions de sensibilisation.

Si vous pouviez faire passer un message aux décideurs et au public sur la transition  énergétique, quel serait-il ?
La transition énergétique commence chez soi. En adoptant des solutions simples mais efficaces,  chacun peut contribuer activement à un avenir plus durable. Les politiques publiques ont, elles aussi, un rôle déterminant à jouer : soutenir cette démarche en rendant ces innovations plus  accessibles et en sensibilisant la population à leur importance pour notre avenir collectif.

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