Judiciaire : Être juré : un devoir de citoyen

Être juré à Maurice, c’est faire partie d’un panel de neuf citoyens devant se prononcer sur la culpabilité ou l’innocence d’une personne accusée d’avoir commis un acte criminel. Chaque année, sur 6 000 candidats, 75 sont retenus. Mais le rôle des jurés suscite l’interrogation, non seulement des gens de justice mais de tout citoyen.

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À Maurice, le système de jury est régi par la Jury Act, qui a été amendée en 1990 pour toucher également les femmes. Les procès avec jurés se déroulent devant les As- sises. L’appel à candidatures pour ceux qui souhaitent faire partie de ce panel a été lancé par le Master and Registrar de la Cour suprême. Sur 6 000 candidats, 75 sont retenus chaque année.

Ceux qui souhaitent s’ins- crire sur la liste des jurés ont jusqu’au 30 juin de chaque année pour le faire auprès de la Cour suprême. La liste pour 2018 a été finalisée alors que l’inscription est en cours pour celle de 2019. Ceux qui font acte de candidature doivent être âgés de 21 à 65 ans et avoir vécu à Maurice pendant au moins un an. Les critères sont que tout candidat doit avoir un casier judiciaire vierge, doit maîtriser l’anglais et le français, et ne doit souffrir d’aucun trouble mental ou d’incapacité physique. La liste officielle est ainsi publiée dans la Government Gazette.

À la fin de l’année, cette liste, avec 6 000 noms au total, est placée chacun “challenge” sept jurés sans avoir à fournir d’explications. Cela voudrait dire qu’il ne souhaite pas que cette personne serve comme juré. Une fois le panel constitué, le juge donne alors des directives concernant les responsabilités et les neuf membres prêtent serment. Une fois cette étape franchie, les membres du jury se retirent pour désigner un porte-parole, aussi connu comme le “foreman”. Toute communication avec le juge se fera par le truchement de cette personne et aucun autre membre du jury n’est autorisé à parler ou à communiquer avec le juge ou autre. Dans les cas où les jurés sont isolés, ils sont autorisés à partir chez eux pour prendre leurs effets personnels car ils ne seront pas autorisés à rentrer tout au long du procès. Au cas contraire, le procès se poursuit avec “l’Ope- ning Speech” de la poursuite.

Judges of Facts

Être juré est une lourde responsabilité car ce dernier est en fait un “judge of facts” non un “judge of law”. Le juré doit être impartial et ne pas manifester son opinion. Le verdict appartient aux jurés et leurs délibérations sont donc cruciales. Les convaincre reste la mission des deux parties. Le système des jurés suscite des réactions de plusieurs hom- mes de loi. Est-ce un système dépassé ou est-il juridique- ment impossible ?

Me Sanjeev Teeluckdharry, qui a travaillé sur plusieurs procès avec des jurés, le plus connu étant l’affaire Michaela Harte, estime qu’il s’agit d’un système ayant fait ses preuves et qui est « primordial pour le bon déroulement » de la justice. L’homme de loi fait toutefois ressortir que la Criminal Pro- cedure Act date de 1853 et qu’il faut revoir la façon de procéder. « Il faut une meilleure représen- tation des sections de la population. Les jurés ne peuvent être que des “civil servants” qui ont été formés à réfléchir d’une telle façon. Il faut étendre la liste pour que d’autres personnes, telles des chauffeurs de taxi ou même des marchands, puissent être jurés. Ce sont des personnes qui ont une différente façon de voir les choses », dira Me Teeluckdharry.

Il est aussi d’avis que le nombre de jurés devrait être étendu à 12, comme dans les autres pays, car cela implique la possibilité pour davantage de personnes de discuter entre elles et de mesurer le bien- fondé de leurs arguments. Et l’homme de loi de poursuivre : « Dans le passé, des procès ont été interrompus quand l’un des membres du jury a dû quitter le procès. Il a fallu recommencer à zéro. C’est une perte de temps et d’argent pour le judiciaire. Avec 12 personnes, si l’un se désiste, on peut toujours con- tinuer. » Ce dernier évoque aussi la possibilité d’avoir un procès par jurés dans d’autres cas graves comme la drogue. Les procès devant jury conservent, à son avis, toute leur pertinence et leur utilité. Il faudrait juste revoir la pratique pour s’assurer de la bonne marche du processus judiciaire et du respect de la loi.

Un jeune avocat partage, lui, une autre opinion. Bien que le système ait fait ses preuves, il est d’avis qu’il devrait être aboli car le juré, par défini- tion, n’a pas cette formation et cette culture juridique. On ne lui demande pas une position de juriste mais une attitude d’homme pour juger un autre homme. « Après plusieurs an- nées d’études en droit, il y a toujours des difficultés à com- prendre les notions de “murder et manslaughter”. Comment peut-on demander à une per- sonne de le comprendre en quelques heures et de décider du sort d’une autre personne à partir de cela ? » se demande- t-il. Ce jeune homme, qui a eu l’occasion d’être avec des séniors du barreau dans des procès aux Assises, est d’avis que le jury « n’a pas les com- pétences pour comprendre ou analyser les preuves », même les plus complexes, et que les différences émergent surtout dans la manière de les interpréter. Or, si les jurys ont des impacts sur plusieurs procès importants, ils peuvent dans d’autres cas susciter aussi des doutes et des incer- titudes quant à l’efficacité du système.

Il est à noter qu’un comité avait été institué au sein de la Law Reform Commission sous la supervision du Master and Registrar de la Cour Suprême pour se pencher sur les facteurs pouvant représenter un obstacle au bon déroulement de notre système judiciaire. Les procès devant un panel de jurés figurent à l’agenda de ce comité.

 

 

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