La coupe du monde ou du bonheur d’être débile

Il est clair que la coupe du monde de football rend débile. Ainsi se réveiller aux petites heures du matin pour regarder vingt-deux hommes en short courir, comme des singes affamés, après un ballon est débile. Ou pousser des hurlements simiesques (ce texte tend à démontrer que le singe descend de l’homme) quand votre équipe préférée marque un but est débile. Ou soutenir, pour des raisons abscons et obscures (j’aime Liverpool donc je soutiens l’Angleterre, j’aime Suarez donc je soutiens l’Uruguay etc.), des pays dont on ne sait généralement rien est débile. Ou tenter, par tous les moyens (au mépris, notamment, des règles élémentaires de la politesse à l’égard de la gent féminine), d’accaparer la télécommande, pour qu’on puisse regarder un match est débile. Ou porter le t-shirt de son équipe préférée durant toute la durée de la compétition est débile. Ou se livrer à des analyses d’une précision machiavélique (qui mettraient à mal les plus grands intellectuels) après les matchs est débile. Ou se mettre à insulter copieusement (en créole s’il vous plaît ) un arbitre qui a eu la bonne idée de prendre une mauvaise décision est débile. Ou se rendre au travail avec la tête d’un gorille (vague cousin paraît-il du singe) qui n’a pas assez dormi est débile.  Ou échanger de façon obsessionnelle avec les adeptes d’un même culte des autocollants de joueurs est débile. Ou se mettre à pleurer la défaite d’une équipe qui se soucie de vous comme d’une guigne est débile.
Il y a, cependant, un bonheur à cette débilite. Elle est, à vrai dire, un remède au mal-être mauricien. Ainsi être débile est oublier que notre pays sombre dans les eaux sombres de la médiocrité, oublier que la corruption est notre pain quotidien, oublier que la violence ne cesse de prendre de l’ampleur, oublier que ceux qui sont censés nous diriger ont un comportement indigne, oublier qu’on procède de façon méthodique, avec la complicité d’un peuple toujours admirable et passif, à la destruction d’une île.
Il est temps de reconnaître l’importance de la débilite. On pourrait en faire une philosophie ou tout au moins un nouvel art de vivre. Elle est, après tout, cette pilule magique (à moindre coût ) qui nous permet d’oublier tout ce qui ne va pas. Et la coupe du monde de football nous l’offre à profusion. La débilité règnera durant plus de trente jours dans les boules, les têtes et les âmes.
 Soyons donc débiles ! Assumons enfin notre débilité. Et n’hésitez pas à vous comporter comme un singe (ou comme un gorille) durant les jours à venir, vous vous en porterez mieux.
Soyons festifs ! Vive la coupe du monde. Vive cette coupe du monde qui nous rend débile et… heureux !

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