La non-classification communale et rien d’autre…

STEFAN GUA

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Manb Rezistans ek Alternativ

Rezistans ek Alternativ l’a dit, ses candidats ne se classifieront pas pour les élections générales de 2019, comme cela fut le cas pour 2005, 2010 et 2014. Oui, le combat contre le communalisme institutionnalisé est de longue haleine, mais il ne peut se compromettre face à l’irresponsabilité et l’ambivalence de Pravind Jugnauth même s’il y a un désir exprimé par beaucoup de voir le parti papillon briguer les suffrages quelle qu’en soit l’issue de l’affaire portée en cour. Certes, si l’obligation de se classifier est maintenue, cela signifierait le rejet des candidats de ReA et aussi de ceux et celles qui souhaiteront être candidat.e.s comme Mauricien.ne.s.

Mais penser faire le jeu du système en acceptant de se classifier (de quelconque façon) pour changer le système de l’intérieur est utopique. D’une part parce que toute classification, quelle qu’en soit sa nature, ne remet pas en question le système. Tout au contraire, elle le stabilise. La nécessité de se classifier de façon communale n’a qu’un objectif : l’attribution des sièges parlementaires sous le système best-loser. Cela est mathématiquement calculé. Choisir de se classifier dans une des quatre catégories, même de façon aléatoire, ne peut aboutir qu’à deux résultats dans cet état clinique des choses :

1) Une contestation par une tierce personne de la communauté indiquée comme étant une fausse déclaration comme ce fut le cas en 2000 ;

2) Faire partie de la statistique communale pour les besoins d’attribution des sièges sous le système best-loser.

Choisir de se classifier, même si c’est pour exposer l’absurdité du système de classification, et ultimement du best-loser, n’empêchera pas la bêtise de perdurer. Toute personne qui comprend comment fonctionne ce système conclura qu’il est ridicule pour plusieurs raisons. La mathématique sur laquelle repose l’attribution des sièges du best-loser est fondée sur deux axes. Le premier est la classification communale de la population mauricienne soit, « Hindu », « Muslim », « Sino-Mauritian » et « General Population ». Or, cette classification est basée sur des données de 1972, les derniers recensements communaux de la population mauricienne. Le deuxième se rapporte à l’obligation pour les candidats de se classifier dans l’une des quatre catégories susmentionnées.

Tout bon sens dira que la démographie est dynamique; de ce fait, prendre en compte les analyses d’un recensement vieux de 47 ans n’a absolument aucune cohérence. D’autant plus que ces quatre catégories ne sont qu’une coïncidence historique et, de surcroît, pas des catégories équivalentes. En 1962, le recensement classifiait la population mauricienne en trois catégories à savoir : « Hindu-Mauritian », « Sino-Mauritian » et « General (White & Coloured) ». Si nous prenons les autres recensements antérieurs à 1962, nous y verrons d’autres catégories de classification. C’est dire la difficulté du pouvoir colonial à classifier la population mauricienne. Si nous ajoutons à cela la non-compatibilité des catégories, nous avons là le summum de l’absurde dans tout cet imbroglio que sont en fait l’obligation faite aux candidat.e.s de se classifier et le système best-loser. Donc, venir dire que se classifier de façon aléatoire ridiculisera le système est un non-sens ; le système est en soi ridicule mais ne s’arrête pas pour autant.

Ce qu’il faut c’est clairement confronter ce système de classification et dire STOP. D’affirmer que nous connaissons ce qu’est le mauricianisme ; ce ‘way of life’ qui fait que nous savourons un biryani à la plage avec un verre de jus de tamarin pendant que Jean-Claude Gaspard nous berce avec un ‘Dhobi de classe’. Ce ‘way of life’ qui fait que nous nous retrouvons tous dans ‘lotel dite’ à 23h quand nous sommes en route le soir pour ‘enn dite ek dipin diber gato pima’. Ce ‘way of life’ qui fait que pour Divali nous allumons tous une lumière et recevons avec beaucoup d’allégresse les gâteaux généreusement offerts par nos voisins. Ce ‘way of life’ qui nous fait pousser des ailes et toucher les étoiles lors des Jeux des îles et nous surpasser de façon magistrale. Les exemples pour démontrer que la nation mauricienne existe bel et bien et de fort belle manière sont multiples tout comme l’est notre identité qui est certes, multiple, mais indivisible. La classification communale ne sert qu’à nous diviser, à nous rappeler que nous sommes les produits, non-affranchis, de la colonisation.

En réalité, la classification communale ne sert qu’à nier les vraies inégalités qui fragilisent notre vivre ensemble et nous fait croire que toutes personnes de la supposée même catégorie communale sont égales. Ne soyons pas surpris que souvent les défenseurs de la compartimentalisation de notre peuple soient de droite ou adeptes de politique libérale. La politique de classification communale est une négation des réelles catégories sociales qui existent. La lutte de classe, chère à la mouvance de gauche des années 70, s’est diluée au profit du communalisme scientifique. La classe ouvrière, celle qui vend sa capacité productrice, et la classe bourgeoise, qui possède les moyens de production et qui monnaye cette capacité productrice de la classe ouvrière, est réelle. Cela ne souffre d’aucune ambiguïté et demeure la base des inégalités et privilèges sociaux. L’élite politique et économique le sait et tire un intérêt de la cacophonie que sont la classification communale et le système best-loser. Les avancées sociales majeures se sont opérées quand la classe ouvrière a pris conscience de sa force de frappe en tant que classe. C’est ce qui a chamboulé le statu quo dans le passé, que cela soit dans les années 30 autour de la création du parti Travailliste ou encore dans les années 70 autour de la création du MMM.

S’il n’y avait pas eu trahison de la part de ces deux partis-là nous n’aurions peut-être pas été là en 2019 en train de débattre de la question du mauricianisme… Mais tout ceci pour mettre en exergue que le long combat de Rezistans ek Alternativ est ancré dans les valeurs qu’ont défendues les Pandit Sahadeo, Emmanuel Anquetil, Maurice Curé et la génération des années 70 pour ne citer qu’eux. Ce combat n’est guère facile, sinon l’aile conservatrice de l’État, avec maintenant la complicité de Pravind Jugnauth, n’aurait pas usé d’autant de ruse et de cynisme pour maintenir ce système archaïque et désuet que sont l’obligation de la classification communale et le système best-loser.

Nombreux sont les opportunistes qui tireront avantage des éventuelles retombées positives de la Cour suprême en faveur de Rezistans ek Alternativ. Il est même fort à parier que l’actuel Premier ministre et quelques usurpateurs qui se sont embarqués dans cette creuse et hypocrite ‘Alliance Morisien’ brigueront les suffrages comme ‘Mauricien’ dans ce cas-là. C’est là que l’électeur devra discerner le vrai du faux. Le combat de Rezistans ek Alternativ contre la classification communale est un combat historique résolument orienté vers l’avenir ; la classification et son système best-loser appartiennent à une époque et à une classe politique révolue qu’il faut absolument combattre.

14.10.19

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