La route du chaos

Plus de 100 morts dans des inondations et glissements de terrain au Brésil; cinq autres vies emportées par les eaux en furie au centre de la Turquie. Plus près de chez nous, les secouristes de Durban continuent de rechercher des dizaines de disparus deux mois après les pires inondations qu’ait jamais connu la troisième ville d’Afrique du Sud, faisant plus de 400 morts.

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Et pendant que le parc national américain de Yellowstone aura été exceptionnellement fermé pour les mêmes raisons, l’Europe, elle, essuie des chutes de grêlons destructeurs et de violents orages, le tout là encore accompagné d’inondations, notamment en France et dans la région de Liège, en Belgique. Et ce, alors que la France et des pays limitrophes font face à la canicule la plus précoce jamais observée dans cette région du globe.

Année après année, les catastrophes se multiplient à travers le monde. Et bien entendu, celles-ci n’ont vraiment plus rien de naturel. C’est que si le changement climatique apparaissait aux yeux de certains comme une menace à peine perceptible il y a une petite quinzaine d’années seulement, aujourd’hui, il en est tout autrement, tant il est clair que les phénomènes extrêmes s’accélèrent. Et ce, sans que de notre côté, nous ne décélérions. Car oui, faut-il le rappeler, toutes ces calamités ont une origine anthropique. Ce qui ne nous empêche pas de chercher coûte que coûte, enlisés dans deux crises successives (la Covid et la guerre en Ukraine), à renouer au plus vite avec la croissance perdue. Celle-là même pourtant à l’origine de tous nos maux.

Le problème, en vérité, c’est que nous ne voulons en aucune façon toucher à notre sacro-saint modèle économique, et dont le moteur repose sur la production industrielle, avec pour principal leitmotiv de générer de la richesse. Oubliant que ces mêmes richesses proviennent de la planète, fournisseur attitré de nos ressources naturelles. Ce qui explique en grande partie nos actions timorées en matière de lutte contre le changement climatique. D’autant qu’en l’état, un changement radical de paradigme sociétal n’est pas une option dont nous voulons entendre parler.

Ainsi s’installe donc une forme de déni politique. Pourtant, nous ne manquons pas d’informations en la matière. Des alertes sont en effet lancées quasiment chaque jour depuis maintenant plus de 10 ans. À l’instar de la récente étude issue du service météo national anglais, et dont les résultats ne laissent aucun doute sur les origines de la sécheresse en Méditerranée et des pluies diluviennes dans le nord de l’Europe. Lesquelles, selon les chercheurs, sont directement liées à nos émissions de gaz à effet de serre. Une tendance, qui plus est, qui devrait même continuer de s’aggraver.

Cette étude met en relief, et pour la première fois, l’influence de l’activité humaine sur les phénomènes extrêmes observés en Europe. Pour ce faire, les scientifiques ont comparé différents scénarios climatiques, certains faisant intervenir l’influence humaine, et d’autres non, et ce, en remontant jusqu’en… 1850. Certes, le Giec avait déjà mis le doigt sur les sources du problème, mais uniquement d’un point de vue global. Les Anglais, eux, ont préféré s’occuper exclusivement du cas européen, et donc analysé des données plus localisées.

Il faut dire qu’à chaque degré de réchauffement supplémentaire, le processus d’évaporation de l’eau gagne en puissance, provoquant une hausse des précipitations de l’ordre de 7%. Mais ce n’est bien sûr qu’un constat global, car le phénomène n’est pas uniforme aux quatre coins de la planète. C’est ainsi que les zones déjà naturellement humides (comme le nord de l’Europe) sont sujettes à des épisodes de précipitations forcément plus intenses, multipliant du coup les risques d’inondations. À travers leurs simulations, les chercheurs britanniques ont ainsi démontré que les émissions de gaz à effet de serre provoquaient des saisons plus sèches en Méditerranée et plus humides sur le reste du continent européen, avec des contrastes plus marqués en saison hivernale.

Cette étude n’en est pourtant qu’une parmi tant d’autres. Et d’autres suivront encore, alimentant à chaque fois en nouvelles données le dossier climatique. Avec le risque de le banaliser dans les sphères décisionnelles. Et en filigrane, une question, la plus importante probablement : combien d’études nous faudra-t-il encore avant que nous ne nous décidions à agir ? Car pendant que nos chercheurs « cherchent », le climat, lui, continue imperturbablement son chemin sur la route du chaos.

Michel Jourdan

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