L’apprentissage de la citoyenneté et du danger

THÉODORE ALBERT, 14 ans.
Curepipe

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Avec des milliers de jeunes, moi, Théodore, 14 ans, j’ai pris part aux examens du National Certificate of Education, première cuvée. À l’annonce du confinement, je me suis dit un petit “lockdown” pour me reposer avant les examens, pas mal du tout. Mais j’ai vite été désenchanté, car le confinement se prolongeait, les cas augmentaient alors que les examens approchaient. À ce stade, bien sûr, ma maman espérait que les autorités repousseraient les examens. Mais pas de bol !! Les autres élèves qui se la coulaient douce, jubilant de passer en classe supérieure sans examens alors que nous, pris dans les mailles du filet du NCE, nous nous retrouvions à réviser au milieu de la colère, de l’incertitude et de l’angoisse. Ce n’était pas la joie ! Je ne vous parle pas du projet de dessin à préparer seul. Bref, j’avais le seum !!

Donc le jour J, j’y suis allé, déterminé à bosser, à rester en vie, et surtout ne pas contaminer mes proches. En jeunes responsables, mes amis et moi avons respecté les consignes. Beaucoup d’entre nous ont fait l’apprentissage de la citoyenneté et du danger. Du danger car d’habitude, on nous protège. Prenez l’exemple des examens du School Certificate renvoyés le mercredi 27 avril 2021 pour cause de pluie torrentielle. Cette “special consideration” (j’ai vu cela sur les réseaux sociaux) n’est pas passée inaperçue, un peu comme quand ta maman te refuse un truc mais dit oui à ton grand frère. Mais bon, je suis réellement heureux qu’il n’y ait pas eu de cas parmi les candidats de la Grade 9.

Petit hic : ma maman m’a mis la honte, à la fin des épreuves, en interpellant un coordinateur le premier jour, car il n’y avait pas de distanciation sociale. Sacrée maman ! mais j’ai compris à travers ses actions, ses mots qu’elle tenait à ce que les choses se passent selon les recommandations des autorités, et qu’elle cherchait à protéger son fils. Et ce, tout en me laissant libre : car ces examens j’aurais pu ne pas y aller, mais je ne voulais pas redoubler, et comme mes camarades, j’en avais marre d’être en Grade 9, comme bloqué dans une boucle temporelle, coincé contre ma volonté, 17 mois dans la même classe sans activités sportives, ni de vraies vacances. Vous vous rendez compte, nous sommes l’unique génération à avoir vécu cela : le masque sur le nez, les mains hyper désinfectées, attaquer son “balance sheet” tel un chirurgien, se changer tout de suite après les examens et hop à la douche comme un pestiféré, nettoyer son matériel tel un hypocondriaque. J’ai dit en plaisantant, à moitié, le troisième jour au retour : tu sais, maman, après les examens, je brûlerai tous mes livres de Grade 9!! (Ne vous inquiétez pas, ils sont toujours là ! Je respecte ces livres, qui ont toute une histoire maintenant).

Toutefois, j’aurais préféré que tous les élèves y participent dans les meilleures conditions. Même si j’avais durement étudié, et je désirais rendre mes parents fiers, y aller ainsi sape sérieusement le moral. Mais, GG* les gars ! Nous avons bossé, nous y sommes allés, nous avons géré, (mais on ne dira pas que nous avons géré comme des grands ! Pas le bon exemple en ce moment). Nous avons bien mérité de nous relaxer maintenant, jusqu’à la fin de mai (résultats). À nous la liberté !

 

En parlant de liberté, gros bémol pour nous, les “digital natives” : j’entends parler de L’ICTA et d’une possibilité d’amendement. Je me renseigne, je lis, je ne suis pas d’accord. Ça nous concerne aussi ! Vous imaginez votre daronne, lisant tous vos messages avant que vous les envoyiez à votre meuf ou ami ? Apparemment pas tous nos messages selon des dernières informations, mais l’intention de filtrer, de surveiller nos connexions, est là ! Est-ce qu’il nous faudra ruser pour échapper à ce comité de censure, tyrannique genre Harpagon méfiant, qui se tape l’incruste, dans nos mails, dans nos messages, dans nos posts, dans nos vies ? C’est dommage qu’on ne nous fasse pas assez confiance pour gérer nos communications alors qu’on a dû faire face à la COVID-19. Si cette loi passe, c’est mort pour nous, mort pour notre liberté !!

Mais on peut nous apprendre le respect sur les réseaux sociaux, à développer le sens éthique, à choisir entre le bon et le mauvais et non pas devenir des victimes de lois qui ne font pas grandir sainement comme dit ma mère. Nous avons des devoirs et des droits. Faites de nous de futurs citoyens épanouis, responsables et libres, d’une belle démocratie. (oui, démocratie, on a révisé dur pour Social Studies!).

GG* Good Game / bien joué

Avril 2021,
Zone rouge

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