Le blues et les bleus du médecin 

« La force qui est en chacun de nous est notre plus grand médecin. » [Hippocrate]

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VEENA MATABUDUL-PULTON

Endosser la blouse blanche d’un médecin, cette pensée vous a-t-elle déjà effleuré?  Il va sans dire que nous avons presque tous, une tendance malencontreuse à imaginer que dans un cabinet médical, les consultations tournent toujours autour de ces sempiternels sujets de conversation tels que la maladie, le stress et la tristesse.

Mais détrompons-nous! Des liens se tissent, l’amitié fleurit, naissent des confidences qui, au fil des visites médicales, aboutissent à une relation humaine franche et authentique. Et des anecdotes, ce n’est pas ça qui manque! Or, si vous étiez à la place de mon époux, le docteur A. Pulton, Gynécologue-Obstétricien, comment réagiriez-vous face à cet incident plutôt cocasse? Après avoir effectué l’échographie de la Maman, vous annoncez à son fils de cinq ans qu’il aura une petite sœur. Vous vous attendiez bien sûr à un éclat de joie. À votre grande surprise, le petit garçon éclate en sanglots et pique une terrible crise de colère. Le petit garçon : « Nooon!!! Non!! Je ne veux pas une petite sœur.

J’ai commandé un petit frère!!! » Que répondriez-vous à l’époux d’une patiente, qui, ne cessant de vous dévisager, se vante de ses beaux tatouages, et finit par vous donner des conseils quant aux tendances du moment? Il semble qu’à ses yeux ou à son goût, votre allure, un peu trop chic ou trop classique, doit être revue et corrigée? Monsieur Tatouage : Dokter, ou bizin tatoue ou lebra…ou bizin change ou look!! Quelle serait votre attitude lorsque votre patience est mise à rude épreuve? Une de vos patientes qui vous fait une confiance absolue, doit se faire opérer en urgence. Vous vous êtes démené pour elle et le jour fatidique, l’intervention s’est révélée très longue et très délicate. Même si, en salle d’opération, vous en avez peut-être vu de toutes les couleurs, il faut surtout, ne rien laisser transparaître!  Docteur Pulton : Madam, operasion finn bien pase. La patiente : Ayo dokter. Bondie gran. Linn sap mo lavi. Docteur Pulton : Ah bon, se Bondie ki finn oper ou? La patiente : Bondie mem ki finn gid ou lame dokter!

En revanche, est-il vrai que le quotidien des médecins en milieu hospitalier, qui évoluent dans un univers exigeant rigueur et retenue, est souvent astreignant et contraignant? Est-il vrai que la dichotomie entre vie professionnelle et vie privée est quasi inexistante? Est-il vrai que surmenés et surchargés, des praticiens ont souvent, trop peu de temps à se consacrer à eux-mêmes?  Si ces questions vous interpellent, la (re)lecture de l’autobiographie d’Adam Kay, « This is Going to Hurt » nous livrera non des secrets médicaux mais comme dans un florilège, une floraison d’expériences vécues qui ont marqué l’auteur.

De docteur en herbe à Consultant en Gynécologie, l’écrivain, mettant en lumière son parcours initiatique, lève le voile sur le monde clos de l’atmosphère aseptisée dans lequel exercent les blouses blanches. Regard vacillant sur l’univers hospitalier, humour noir, ton sarcastique, incidents délirants voire hilarants, scènes rigolotes et émouvantes…tous les ingrédients sont réunis, pour le grand plaisir du lecteur averti. Et pendant votre lecture, le choix vous revient. Infusion de plantes médicinales qui détend ou cocktail flambé qui fait pétiller les papilles! Adam Kay, dans son recueil, fait-il un clin d’œil aux étudiants en médecine et aux praticiens hospitaliers? 15 ans!

Trop immature pour voter de même que pour prendre le volant. Quant au mariage, surtout, ne pas souffler mot ! Mais, paradoxalement, au niveau académique, c’est l’âge où l’option des matières s’impose, car la carrière et l’avenir professionnels de l’adolescent en dépendent.  Ayant complété leur cycle secondaire, après moult tergiversations ou après mûre réflexion, nombreux sont ceux et celles qui préfèrent la filière scientifique, en l’occurrence les études de médecine. Certains seront médecins car c’est inscrit dans les gènes de la famille, d’autres, pour diverses raisons. Titre prestigieux de Docteur, blouse blanche immaculée, attirail indispensable tels que le stéthoscope, la tensiomètre illustrent indubitablement le statut ou la stature du médecin. Par ailleurs, qui ose maintenir que le praticien se démarque par son écriture, souvent difficile à déchiffrer ou à décrypter? Qui ose clamer que le jargon médical ou le langage scientifique du médecin est tout aussi incompréhensible et imperméable? Le futur médecin est-il prêt à relever des défis titanesques, pour ne pas dire herculéens? Pointilleux, minutieux, méticuleux, le toubib, en particulier l’Obstétricien, n’a pas droit à l’erreur puisque la vie humaine est entièrement entre ses mains.

Prendre des décisions sous forte pression, les assumer sous haute tension, et ne pas dévier de sa trajectoire pendant une intervention, est-ce réaliste et réalisable? Adopter un ton neutre, afficher un air stoïque, garder un calme olympien, tout en annonçant la terrible nouvelle à la famille, anéantie par la douleur et dévastée par le chagrin, est-ce possible et plausible? Selon Adam Kay, «…a great Doctor must have huge ears and a distended aorta through which pumps a vast lake of compassion and human kindness…»  Quel est l’état d’âme du jeune médecin qui se retrouve seul, maître à bord, «…sailing a ship alone – that no one has reallly taught…how to sail ?» Quel est l’état d’esprit de ce même jeune médecin, de garde pendant 24 heures «…with emergency after emergency…all night long…it’s sink or swim…learn how to swim because otherwise a ton of patients sink with him…?»  Pas marrant! Étudiant en médecine en 2021, considérez you are blessed!  Sur votre table de bureau, figurent parmi vos outils de travail, ordinateur et imprimante, qui vous sont certes, indispensables.

Étudiant en médecine des années 1980, you had to seek a blessing! Chapeau à votre intelligence! Comment avez-vous fait sans smartphone, laptop, Wi-Fi et Web? Votre planche de salut…les volumineuses encyclopédies! Quelle galère quand il fallait puiser des heures de votre temps si précieux pour effectuer des photocopies des volumineux livres de médecine. Exit le concert de Jean-Jacques Goldman, la Fièvre du samedi soir avec John Travolta ou encore le spectacle éclectique de Ravi Prasad à l’Olympia. Chiche! Pensez-vous qu’un Gynécologue, lors d’une fête, peut siroter sa boisson ou déguster son plat préféré en toute quiétude, alors qu’en face de lui, une très belle et charmante demoiselle, obnubilée par la fertilité, la contraception ou la grossesse, le bombarde de questions? Pas une mince affaire! Mettre son bébé au monde …on an auspicious date… c’est sans aucun doute le vœu de nombreux couples.

Mais devant l’insistance des futurs parents, comment convaincre que rien n’est moins sûr? C’est une autre paire de manches! Comment toucher la corde sensible d’un médecin qui a le cœur sur la main?  Lorsque nous recouvrons la santé, une carte de remerciement, un sourire, ou tout simplement un Merci…font incontestablement toute la différence, et le médecin appréciera. Sûr et certain! « This is going to hurt » n’est certes pas un titre inspirant, mais rassurez-vous, ni votre sensibilité ne sera blessée ni votre susceptibilité froissée. Au contraire, l’œuvre d’Adam Kay vous fera…voguer sur de nouvelles vagues,  immiscer dans la brume médicale, et…chavirer le cœur!

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