Le Dr Ruben Sandapen : un acharné du savoir et de la transmission

Il y a un peu plus de vingt ans, un jeune homme brillant, tout juste récipiendaire d’une bourse d’études de trois ans de l’Université de Manchester quittait le pays pour aller travailler sur sa thèse de doctorat en Angleterre. Par manque d’opportunités professionnelles, malgré son amour profond pour son pays d’origine et malgré son désir de contribuer à l’avancement du pays, il ne reviendra pas travailler dans l’île. Ce jeune homme, le Dr Ruben Sandapen, désormais un spécialiste mondialement reconnu dans son domaine de spécialisation, la physique des particules, est en ce moment de passage dans l’île et, pour ne pas déroger à sa vocation première, il est déterminé, le temps de quelques rencontres et conférences, de tenter de transmettre son savoir et le fruit de ses recherches à un maximum de gens, spécialistes ou pas. Son objectif : démocratiser l’accès à un savoir pointu et, pourquoi pas, susciter des ambitions et des vocations.

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Parcours et domaines de spécialisation

Le Dr. Ruben Sandapen est aujourd’hui professeur titulaire de physique à l’université Acadia en Nouvelle-Ecosse au Canada. Il est aussi membre du Atlantic Canada Theory Group qui réunit des chercheurs d’autres universités des provinces atlantiques du Canada. Sa recherche, financée par le Conseil de Recherche en Sciences Naturelles et Génie du Canada (CRSNG), porte sur la physique théorique des particules. Le professeur Sandapen s’intéresse en particulier à l’interaction forte qui confine les quarks à l’intérieur des hadrons. Les quarks interagissent d’une façon très particulière : lorsqu’ils sont proches les uns des autres, ils interagissent faiblement. Cependant, lorsqu’ils s’éloignent les uns des autres, ils interagissent fortement de sorte qu’il soit impossible de les isoler. Ce phénomène de confinement des quarks est encore peu compris. Le Professeur Sandapen tente donc de trouver des réponses au pourquoi de ces interactions particulières.

Ruben Sandapen est présentement en année sabbatique consacrée principalement à la recherche. En octobre dernier, il effectua un séjour scientifique à l’université Claude Bernard Lyon I. Il détient un Harrison McCain Award de l’université Acadia pour effectuer un séjour scientifique au Centre Européen pour la Recherche Nucléaire (CERN) à la frontière franco-suisse. Il détient aussi, avec le Dr. Nitin Rughoonauth, un Carnegie African Diaspora Fellowship, pour développer la recherche en physique théorique à l’université de Maurice. 

Après des études au collège Royal de Curepipe, Ruben Sandapen obtint un BSc (avec First Class Honours) en Physique, ainsi que la médaille d’or Abdus Salam en Physique de l’université de Maurice. Par la suite, il décroche plusieurs bourses de l’université de Manchester, en Grande-Bretagne, pour entreprendre un doctorat en physique théorique des particules. Après son doctorat, Ruben Sandapen poursuivit un stage postdoctoral à l’université Laval au Québec, avant de commencer sa carrière de professeur d’université dans les provinces atlantiques du Canada. 

Démocratisation du savoir et transmission 

Le professeur Sandapen profite de son séjour à l’ile Maurice pour promouvoir la science. À l’ile Maurice, comme partout dans le monde, la technologie fait partie de la vie de tous les jours, mais peu de personnes sont conscientes des concepts scientifiques qui ont permis la mise au point de ces technologies. Par exemple, on utilise tous les jours un GPS sans savoir que la précision du GPS a été rendue possible grâce à la théorie de la relativité d’Einstein. 

Pour le professeur Sandapen, les équations de la physique sont à la fois puissantes et belles. Rien que l’esthétique des équations mérite d’être exposée au grand public. Parler des équations de la physique au public est un peu comme faire un concert de musique. Cela doit faire partie du paysage culturel de notre ile. Et, à son avis, tout comme le public n’a pas besoin de maitriser un instrument de musique pour assister à un concert, il n’a pas besoin d’être à l’aise en mathématiques, pour assister à une présentation scientifique non-technique. Du moment que la bonne démarche pédagogique soit adoptée.

Science et démarche philosophique 

La science est une entreprise humaine pour dévoiler les lois de la nature en approximations successives. Les théories scientifiques sont donc toujours en évolution : elles deviennent plus prédictives et puissantes, parfois au prix de révolutions conceptuelles radicales. La méthode scientifique est donc consubstantielle à la pensée critique.  Pour le Professeur Sandapen, la science n’est donc pas seulement un corpus de concepts et de connaissances, mais aussi une façon de penser, une philosophie de vie. À son avis, sensibiliser le grand public aux méthodes scientifiques pourrait permettre ainsi à nos concitoyens de repenser leur rapport au monde, de comprendre les sujets d’actualités tels que le réchauffement climatique, les vaccins, les pesticides, et aussi de prendre des décisions médicales informées afin de protéger leur santé.

Responsabilités de l’élite scientifique 

Aujourd’hui, tout le monde a entendu parler du Big Bang, des trous noirs, ou du boson de Higgs dans les médias, même si une compréhension plus profonde de ces sujets fait défaut. Souvent le grand public n’a ni le temps, ni la motivation de creuser ces sujets. Il existe aussi des barrières psychologiques telles que la peur des mathématiques et l’idée que la science est réservée pour une élite intellectuelle. S’il est vrai que c’est bien une élite très spécialisée qui crée de nouvelles connaissances scientifiques, cette élite ne doit pas demeurer un cercle fermé et hermétique. Elle doit être responsable de transmettre les grandes idées de la science au public, de faire comprendre la pensée scientifique dans ces grandes lignes, et inspirer les plus jeunes à poursuivre la formation pour la rejoindre. 

Certes, il existe bien sur internet, des chaines YouTube, avec des experts notables qui font un excellent travail de vulgarisation. Mais il faut savoir qu’on trouve de tout sur le web, y compris des vidéos pseudo-scientifiques qui véhiculent de fausses informations. Ces vidéos touchent souvent une grande audience à travers les réseaux sociaux. Quoi qu’il en soit, on n’en trouve pas dans notre langue maternelle, le Kreol Morisien. 

La science en Kreol Morisien : une conférence publique à l’ICJM 

Pour ces raisons, le professeur Sandapen organisera le 9 février à l’Institut Cardinal Jean Margéot (ICJM) à Rose-Hill, une conférence qui réunira des experts scientifiques mauriciens et le grand public. Les présentations scientifiques et les discussions se feront en kreol morisien. Le but est de surmonter toute barrière linguistique qui entrave le contact du public mauricien avec la science. Le professeur Sandapen veut éviter d’utiliser le français ou l’anglais, car, dû à notre passé colonial, ces dernières ont une connotation de langues d’élite, qui risquent d’intimider bon nombre de nos concitoyens. Il veut éviter le « sa pa pou mwa sa ! » chez nos concitoyens. Le professeur Sandapen précise qu’il ne s’agit pas tout à fait de promouvoir le kreol morisien comme langue scientifique, mais bien de transmettre la science à nos concitoyens sans la barrière linguistique. Ce sera aussi l’occasion pour le public et pour les jeunes en particulier de rencontrer et de s’inspirer de scientifiques mauriciens ainsi que de leurs parcours qui n’ont pas été sans obstacles. 

D’autre part, le professeur Sandapen compte aussi animer durant son séjour dans l’ile des ateliers dans les écoles, surtout les moins performantes, afin de stimuler l’intérêt des élèves pour la science. 

Le professeur Sandapen peut-être contacté à l’adresse courriel suivante :

ruben.sandapen@acadiau.ca ou rsandapen@yahoo.com

 

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