LE LOCKDOWN SAISON 2

Nous regardions le monde avec un œil détaché, lorgnant cette pandémie furibonde qui chaque jour l’entachait. Nous avions cessé de compter, de craindre et de trembler, oubliant que ces peurs nous avaient rassemblés. Le virus était désormais l’apanage des autres, cantonné à d’autres rivages que les nôtres. Mais cette insouciance qui semble dater d’hier, ne vit plus aujourd’hui que dans nos prières.

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Il est bien là, il est de retour dans nos rues, nos écoles et nos foyers, jetant cette hantise âpre et crue sur l’envie de nous côtoyer. Malgré un verrouillage sanitaire cité en exemple par les nations, il a franchi la frontière qui nous gardait de la contagion. Mais là où certains trouveront à redire sur leurs efficacités, les procédures mises en place méritent d’être plébiscitées. Elles nous ont permis de vivre libres et protégés, pendant que la planète entière vivait assiégée. Si aucun système humain n’est parfait, accordons-lui le mérite de s’y être efforcé.

Le lockdown « Saison 2 » est décrété tel un mal nécessaire, pour éviter que ce démon nous happe et prolifère. Il est ce choix cornélien et débattable à l’infini, privilégiant la santé des citoyens sur celle de l’économie. Avec un parfum de déjà vu et un soupçon de lassitude, dos rond, patience et discipline redeviennent nos habitudes. Nous nous en parons pour un temps inconnu, en attendant que les affres du fléau soient contenues. D’ores et déjà, des circuits, des réseaux se sont organisés, pour épargner aux plus faibles d’être déshumanisés. Chacun active ses leviers pour lui, pour les siens, ses voisins ou ses amis. Le maître-mot de cette insularité sociale doit être une solidarité nationale.

Cette nouvelle expérience est à l’image de la vie. Si tout le monde s’estime isolé ou enfermé, privé de ses mouvements et libertés, chacun le sera à sa manière, dans son espace et avec les mêmes inégalités que dans la réalité. Cette épreuve ne sera pas traversée avec autant de légèreté ou d’aisance, selon que nous vivions entre les quatre murs d’un studio, ou au milieu d’un jardin avec la nature en jouissance. Dès lors, les heures, les journées, les semaines et le temps sont soumis au phénomène de la distorsion. Les rituels, la parole et les occupations doivent prendre le pas sur l’ennui, sur la lassitude et sur l’usure d’une attente qui semble infinie.

Peu à peu, nous allons reprendre ce pli déjà vécu et clamer à l’unisson que nous en sortirons raffermis et invaincus. À la lumière de cette période d’inquiétudes et de privations, nous replaçons les priorités à leurs justes positions. Le superflu nous saute au visage tant tout est relatif dans ce que nous jugeons indispensable. Par la force de ces choses, un rien devient un tout, lorsqu’un tout, un essentiel, un incontournable s’avère n’être rien du tout. À ce petit jeu, on s’émerveille du premier légume issu d’un maigre carreau, oubliant l’abondance qui prévalait dans une vie sans barreaux. La clôture devient le lieu de tous les échanges, tant humains que matériels ou alimentaires. Une brique de lait vaut une chopine avec le voisin de gauche, quand celui de droite est prêt à tout troquer pour quelques tomates. Chacun de son côté a posé un siège de fortune, pour conserver un lieu social et faire fi de l’infortune. C’est ainsi que d’un jardin à l’autre, nous pouvons trinquer de manière imaginaire, « refaire le monde » à défaut d’y contribuer et surtout, oui surtout, nous sentir un peu plus proches de nos congénères.

Il y a un an, après quelques réglages de forme, le peuple mauricien s’est montré exemplaire, dans la manière dont il a su faire front pour terrasser la bête immonde. Dans le remake de ce rude combat que nous entamons, je sais qu’il saura être à la hauteur des efforts à consentir pour s’en affranchir. Car, si sages et réfléchis que soient les choix d’un gouvernement en temps de guerre sanitaire, leur succès ne pourra être garanti que par une compréhension et une adhésion populaires.

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