Le mandat de tous les records

Donald Trump et ses tweets et décisions incendiaires, Emmanuel Macron et l’affaire Benalla, Angela Merkel, de plus en plus impopulaire dans le sillage de la crise migratoire, Theresa May empêtrée dans l’épineux dossier du Brexit… Les plus grands de ce monde font face à des vagues de critiques sans précédent, tant dans leur pays que sur la scène internationale.

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Aussi notre Premier ministre, Pravind Ju nauth, aurait-il de quoi être fier d’intégrer à son tour ce “club” très fermé des grands de ce monde, du moins s’il ne s’agissait de celui des chefs d’État ayant à gérer scandales et bouleversements secouant régulièrement la vie politique de leur pays. Le moins que l’on puisse dire en effet, c’est que l’actualité politique locale n’a rien à envier aux plus puissantes nations, les tracasseries politiques n’étant visible- ment pas proportionnelles à la taille de notre territoire, ce qui n’est hélas pas pour nous réjouir.

Sir Anerood Jugnauth, faut-il le rappeler élu par le peuple aux élections générales de 2014, aura, c’est un fait, offert un cadeau empoisonné à son fils en lui offrant son siège de Premier ministre. Ces deux ans que Pravind Jugnauth aura passés au pouvoir n’auront en effet pas été de tout repos pour le leader du MSM. À peine installé, il aura ainsi eu à composer avec la magistrale opération de dépoussiérage politique lancée par l’ex-Alliance Lepep, muée depuis en simple coalition gouvernementale, laquelle aura vu l’arrestation ultra-médiatisée de l’ancien principal locataire de l’hôtel du gouvernement, Navin Ramgoolam, puis, surtout, le dé- mantèlement de l’empire de Dawood Rawat, à la tête jusque- là de la toute puissante BAI.

Sans compter que cette action d’assainissement, digne de celle menée par les chasseurs de mauvais esprits dans Poltergeïst, aura vite fait de gagner les rangs de la majorité, les scandales s’enchaînant à une vitesse jamais vue. Démissions et remaniements ministériels se seront ainsi succédé sans laisser de répit à la population, plongeant notre peuple admirable dans une si épuisante telenovela que le commun des mortels aurait encore aujourd’hui du mal à s’en rappeler tous les épisodes.

Roshi Badhain, Xavier-Luc Duval, Raj Dayal et Showkutally Soodhun, pour ne citer que ceux-là, auront ainsi quitté leur poste, que ce soit en raison d’une mésentente idéologique, du fait de leur implication présumée dans des affaires, voire plus simplement par pur calcul politique. Tous auront ainsi déserté, de leur propre chef ou non, les rangs d’une majorité de plus en plus fragilisée. À cela, l’on devra aussi ajouter l’épisode, pour le moins fâcheux, du départ d’Ameenah Gurib-Fakim, scientifique renommée à l’étranger et contrainte elle aussi à quitter ses fonctions, comme prési- dente de la République cette fois, emportée par l’affaire Sobrinho.

Le dernier cas en date est celui de Roubina Jadoo-Jaun- bocus, dont le nom aura été cité dans le rapport de la com- mission sur la drogue, auprès de laquelle l’ancienne ministre avait d’ailleurs comparu. À ce propos, notons que ce rapport, tant attendu il est vrai, aura été rendu public deux jours seulement après qu’il ait été déposé sur le bureau du Premier ministre.

Cette initiative apparaissait bien sûr, du moins d’un prime abord, plus que louable, Pravind Jugnauth ayant en effet décidé de crever le plus rapidement possible l’abcès, honorant ainsi sa parole à la fois d’agir en toute transparence concernant le travail accompli par ladite commission et sa promesse de lutter contre le trafic de stupéfiants. Force est de constater que l’on peut toutefois s’interroger sur la pertinence de l’avoir fait le jour même de la visite du pré- sident chinois, Xi Jinping, annonçant même, quelques heures seulement avant l’arrivée de cette illustre personnalité politique, les démissions de Roubina Jadoo-Jaunbocus ainsi que du Deputy Speaker de l’Assemblée, Sanjeev Teeluckd- harry. Cette initiative, il faut l’avouer, invite d’autant au questionnement que l’on connaît l’intérêt accordé par les au- torités quant à l’image que le pays peut projeter sur la scène internationale.

Nul doute en effet que le président chinois aura rapidement été mis au courant de la situation, de même que l’implication, à tort ou à raison, de deux personnalités politiques de haut niveau dans le rapport de la commission Lam Shang Leen. À moins, bien sûr, que le Premier ministre ait voulu faire passer le message que sous son mandat, la “tolérance zéro” restait de mise quant aux affaires liées à la drogue, quand bien même il devrait se défaire de membres issus de sa majorité. Sur ce point, accordons-lui au moins le bénéfice du doute. En espérant aussi qu’il s’agissait là des derniers chamboulements politiques avant les prochaines élections générales, prévues l’an prochain. Mais l’on peut raisonnablement en douter…

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