LE MODÈLE WESTMINSTÉRIEN ET LA RÉALITÉ MAURICIENNE : La dévalorisation du poste de leader de l’Opposition…

DR PARVEZ DOOKHY

- Publicité -

Constitutionnaliste

Cofondateur du Ralliement Citoyen pour la Patrie

DR PARVÈZ DOOKHY
Cofondateur du Ralliement Citoyen pour la Patrie

1968 : Nous héritons d’un système parlementaire d’inspiration westminstérienne. Face au Gouvernement, à la majorité, l’Opposition, au sein du Parlement, est dirigée par un Leader, désigné par la Cheffe de l’État, la Reine Élisabeth. Comme son homologue britannique, il a le statut de « Her Majesty’s Leader of the Opposition ».

Dans l’esprit westminstérien, le Chef de l’Opposition est avant tout le Premier ministre alternatif, celui que le Peuple pourrait, par le jeu électoral, choisir pour conduire à sa destinée. À ce titre, il jouit des privilèges : notamment celui d’adresser des questions directes et de débattre dans la foulée avec le Premier ministre. Ce dernier, lui, dans un système parlementaire est responsable devant le Parlement. C’est le Parlement qui peut le renverser, conduisant ainsi à sa démission ou révocation.

Chez nous, hélas, comme beaucoup de nos institutions, la fonction de Leader de l’Opposition a vite été dévalorisée. Les raisons en sont multiples et se conjuguent.

1991-92 : En abolissant la monarchie, le Leader de l’Opposition a perdu, de facto, son titre de « Her Majesty’s Leader of the Opposition ». Il ne pouvait pas être The President’s Leader of the Opposition. C’est juste incongru. Le cordon ombilical avec le Chef de l’État magistère moral est coupé.

2014 : Si Paul Bérenger, celui qui probablement a été le plus longtemps titulaire du poste de Chef de l’Opposition, a incarné une opposition souvent farouche, acerbe, il a été celui qui a le plus trahi tant l’essence que les missions du poste en négociant, ouvertement, un accord électoral avec le Premier ministre d’alors et en acceptant des suspensions injustifiées et prolongées du parlement.

Souvent, comme tel est malheureusement le cas actuellement, le Leader de l’Opposition, par l’effacement du bipartisme au profit du pluripartisme et l’absence de toute démocratie interne aux partis représentés au Parlement, n’incarne plus le Premier ministre fantôme (Shadow Prime Minister). Le Chef du parti majoritaire au sein du groupe de l’opposition n’étant pas élu, le poste de Leader de l’Opposition est assumé par un simple élu du parti. L’actuel Leader de l’Opposition, Arvin Boolell, comme d’autres de ses prédécesseurs, semble avoir renoncé à se présenter comme le Premier ministre alternatif, n’ayant pas la mainmise sur l’appareil de son propre parti. Ce qui enlève à sa fonction une part importante de son prestige et autorité.

2020 : Les expulsions et suspensions actuelles à répétition du Leader de l’Opposition, sans que l’intéressé ne réagisse à la hauteur de l’enjeu, démontrent à quel point cette fonction est banalisée.

Le fonctionnement du Leadership de l’Opposition parlementaire est perverti. L’Opposition étant elle-même éclatée, du fait qu’une part non négligeable est extraparlementaire, il y a peut-être lieu d’instituer des présidents de groupes au sein de l’opposition dès lors qu’un parti peut revendiquer 5, 7 ou 10 élus au sein même de l’opposition. Concrètement, il n’y a plus un leader de l’Opposition mais chaque groupe au sein de l’opposition peut avoir un président de groupe qui hériterait et partagerait le droit d’adresser des questions directes au Premier ministre.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour