L’enfer à nos portes

Les résultats de la COP26 auront été diversement commentés. Pour beaucoup, elle aura été un échec, en témoignent les tergiversations entourant la fin de l’utilisation du charbon, et impliquant notamment les deux méga-pollueurs que sont l’Inde et la Chine. D’autres, eux, se sont raccrochés à quelques promesses, comme si ces nouveaux engagements (ceux de la COP21 n’ayant été que très peu suivis) suffisaient à ranimer chez eux la flamme de l’espoir d’atteindre les objectifs fixés, et dont le principal demeure le maintien du réchauffement climatique sous la barre des +1,5 °C. Malheureusement, il n’en sera rien, tant il semble qu’aujourd’hui autant qu’hier, nous ne prenions la mesure réelle des dangers imminents qui nous guettent. Une fois encore, le problème est que notre ennemi, bien plus encore que le virus, est totalement invisible, seuls les chiffres et les données scientifiques trahissant finalement son existence. En d’autres mots, une menace aussi tangible que pourrait l’être une énorme météorite fonçant droit sur nous sans que l’on puisse ne serait-ce qu’en détecter la présence.
Pourtant, l’ennemi est bien là, plus pernicieux et destructeur que le Covid. Un ennemi qui, contrairement à un météore, n’est pas le fruit du hasard. Car comme le soulignent les auteurs du premier volet du 6e rapport du Giec, c’est désormais chose certaine : le réchauffement de l’atmosphère, des océans et des terres ont une origine anthropique, et ne sont donc pas la faute à « pas de chance » ! Sachant cela (et excusez le jeu de mots), la logique voudrait que l’on inverse immédiatement la vapeur. Au lieu de cela, nos structures politiques et économiques continuent de s’enfermer dans un semi-déni, chaque nation y allant de ses échéances sur la route de la décarbonation.
Sauf que, pendant ce temps, la machine industrielle, dont le régime avait légèrement baissé en raison de la pandémie, retourne à plein régime. Les mots « profits » et « relance » n’auront d’ailleurs jamais été aussi présents, car c’est une évidence : après des mois et des mois de disette économique, il nous faut avant tout renouer avec la croissance. Aussi certains n’ont-ils aucun remords à vendre leurs ambitions climatiques pour les décennies à venir tout en paraphant, loin du regard des caméras, des accords résolument destructeurs, comme ce projet de loi dédié à l’exploitation d’énergie fossile si cher à notre Premier ministre.
Cette mesure du danger, nos politiques (pas plus que la plupart d’entre nous d’ailleurs) ne l’ont toujours pas. D’où leur inertie. Pourtant, comme le rappelait encore il y a quelques jours le climatologue Jean Jouzel, qui est également vice-président du Giec, « ne rien faire n’est pas une option ». Ainsi, explique-t-il, les engagements de réductions des émissions de gaz à effet de serre pris dans le cadre de l’accord de Paris auront été « beaucoup trop timides » eu égard de l’objectif visé (max +1,5 °C). De fait, quand bien même nous aurions la volonté nécessaire d’honorer nos promesses – ce qui est pour rappel loin d’être le cas –, cela ne suffira non seulement pas, mais nous pourrions même dépasser les +3 °C d’ici la fin du siècle.
Dès lors, que retenir ? D’abord que se pavaner en affichant nos grandes ambitions climatiques ne sert à rien tant qu’elles ne sont pas assorties d’actions immédiates. Ensuite que les objectifs individuels des nations parties prenantes sont généralement situés entre 2030 et 2050, avec, pour 130 pays signataires, un objectif commun de neutralité carbone en 2050. Ce qui est tard, bien trop tard, si l’on veut éviter la multiplication de conditions climatiques extrêmes et certaines conséquences bilatérales, comme l’exode de populations.
Atteindre nos objectifs est toutefois encore possible. Sauf que, pour cela, il faudrait, toujours selon le vice-président du Giec, multiplier par trois nos engagements pour rester en dessous de la barre des +2 °C, et… par cinq pour arriver à ce fameux +1,5 °C que la COP nous a vendu il y a maintenant six ans. Autant dire que les chances d’y arriver apparaissent bien minces, d’autant plus que nos priorités semblent toujours situées à des encablures de la cause environnementale du fait de la présente crise économico-pandémique. Au risque que la seule croissance qui prévale dans quelques décennies ne sera plus celle du billet vert, mais celle des décès climatiques.

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