Les abus sexuels dans l’Église

Père PATRICK FABIEN,

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curé de la paroisse

de St-Patrick, Ste Anne

Le 7 novembre 2018, l’Église de France a demandé à une Commission indépendante de

Père PATRICK FABIEN, curé de la paroisse
de St-Patrick, Ste Anne

mener une enquête approfondie sur les abus sexuels opérés entre 1950 et 2020 par des responsables d’Église. Après deux ans et demi de travail, l’enquête a été rendue publique le 5 octobre 2021.

Quelle stupeur ? Quelle honte pour l’Église catholique supposée être la garante de la morale et de la bonne conduite dans le monde ? Elle a tellement donné des leçons qu’elle a oublié de s’en donner. Elle est contre l’avortement, contre la procréation dans le cadre d’une assistance médicale, contre la pilule. Elle est contre le mariage gay, contre l’homosexualité. Elle prône l’union entre un homme et une femme dans le mariage pour la vie. Toute incartade est péché. On se sent tout le temps jugé. La communion est refusée aux divorcés remariés. La liste est longue. Pendant ce temps, les chrétiens quittent l’Église sur la pointe des pieds à cause de son intolérance. Je ne suis pas là pour discuter de la discipline de l’Église. Mais devant sa dureté, les abus sexuels font perdre à l’Église toute crédibilité. Son intransigeance est une vraie hypocrisie.

Je ne suis pas là non plus pour défendre une institution dont je fais partie et que j’aime et qui me porte chaque jour dans ma vie. Mais je ne peux pas me taire devant tant d’abus, de souffrances faites aux enfants, aujourd’hui adultes entre 40 ans et 75 ans. Les séquelles sont toujours là. Ils pleurent le fait même d’en parler.

On leur demande pourquoi n’avez-vous pas protesté, dénoncé. On ne pouvait pas tant la pression était forte. On ne voulait pas faire mal au bourreau parce qu’on avait du respect pour lui ; on l’admirait en sa qualité de dispensateur du sacré. La victime est muselée. C’est ainsi que l’on atteint le chiffre de plus de 200,000 abus sexuels sur les enfants par des clercs (évêques et prêtres) en 70 ans.

« Et il a commencé à me déshabiller […]. Ça, j’en garde un souvenir épouvantable. Puis, petit à petit, il m’a demandé de venir le voir et voilà comment ça a commencé. Quand j’étais chez lui, j’étais plus, j’étais pas là quoi. J’étais comme une bûche et je voulais… Incapable de parler, de faire un geste et d’un autre côté, il m’emmenait dans les célébrations, les trucs comme ça. Il mettait sa crosse et sa mitre, c’était le dieu de l’assemblée, quoi. Tout le monde l’admirait, il bénissait tout le monde, pour un enfant, c’est impressionnant. Je n’ai jamais osé lui résister. D’abord parce que, forcément tout ce qu’il faisait était bien, et j’étais impressionné quoi. Donc ça a duré presque une dizaine d’années et je n’ai jamais osé dire non, je n’ai jamais osé. » (Rapport CIASE, p. 317)

Les témoignages pleuvent. J’ai envie de vomir. Comment peut-on en arriver là ? Ce n’est pas la simple déviation d’un individu. Il ne s’agit pas d’un cas isolé mais d’un système. Le système est tel qu’il fabrique ce genre de situations. L’institution investit le prêtre d’une autorité sacrée. Dans la théologie de l’Église, il est dit que le prêtre agit au nom du Christ. Le rapport a bien montré comment investi de cette autorité spirituelle, le prêtre-abuseur s’en sert pour exercer une autorité sur les enfants. Il est le représentant du Christ qui s’occupe de leur bien-être. Il se voit bien dans ce rôle protecteur et voit l’abus comme un service rendu à l’enfant. Il fait impasse sur son rôle d’abuseur. C’est pourquoi dans beaucoup de cas, l’abuseur évolue dans le déni. Il ne se voit pas comme responsable du mal qu’il a commis. C’est dans la confrontation et l’écoute des victimes qu’il voit ses méfaits.

Dans l’institution, le prêtre se sent abrité voire encouragé parce que sa victime ne parle pas et toute plainte dans beaucoup de cas aboutit à un changement de paroisse où l’abuseur continue son œuvre d’abus sans être inquiété.

On dit que si le prêtre catholique se marie il y aurait moins d’abus. Il faut reconnaître que la plupart d’abus sexuels se passent dans des familles par les pères, les grands-pères et les tontons. Ils sont tous mariés. L’abus sexuel ne relève pas d’un manque de relations sexuelles, mais évolue dans une institution où l’abuseur détourne l’autorité qui lui a été donnée à ses fins personnelles que ce soit un papa ou un prêtre. C’est avant tout un abus d’autorité. L’abuseur se croit tout-puissant et exerce sa toute-puissance sur l’enfant.

C’est cette même Église hypocrite aux yeux de tous qui est capable de revenir sur ses méfaits dont elle se sent responsable. La commission qui mène l’enquête est indépendante. Par internet, on a accès à toutes les informations. J’aime cette Église parce qu’elle est aussi capable de la vérité quitte à être blessée et à être trainée dans la boue. L’heure est à la vérité et non au silence qui a fait tant de mal.

Quelles retombées pour notre Église ! Au moment où l’Église s’engage dans un nouvel examen de sa vie aura-t-elle le courage de revoir ces questions sensibles ? Il revient à chaque prêtre et laïc de se dire qu’il est responsable de cette Église qu’il voudrait pure et sans péché à l’image de l’épouse que le Christ a voulu se donner.

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