Les femmes, la transmission et la mission de la cohésion nationale

ALAIN JEANNOT

L’île Maurice est petite de taille, mais grande par sa richesse historique et son importance stratégique. Elle a été, pendant des siècles, l’escale incontournable de presque toutes les embarcations qui contournaient le Cap pour se rendre en Orient. Détrônée par l’ouverture du canal de Suez en 1869, elle a tout de même pris sa revanche en assurant la descendance de celui-là même qui avait concrétisé ce projet.

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L’ouverture du canal de Suez allait rendre la vie dure à la position quasi stratégique de notre pays en offrant un accès facile, rapide et moins onéreux aux embarcations circulant entre l’Europe et l’Orient. Cependant, l’ironie du sort a voulu que Ferdinand de Lesseps, son concepteur et promoteur, épouse une Mauricienne, à savoir Louise-Hélène Autard de Bragard, une semaine après l’événement fatidique.

Notre compatriote, qui était de 44 ans la cadette de De Lesseps, avait réussi l’exploit de lui donner une grande lignée de 12 enfants ! Rien de très détonnant à cette autre fleur des tropiques, une De Bragard de surcroît, qui inspira le roi des poètes, Charles Baudelaire, au point de lui extraire un des plus beaux des sonnets dédiés aux femmes : A une Dame Créole !

Au cœur de l’immondice, qui essaime la terre, le parfum des femmes persiste à jamais et notre petite île Maurice est là pour nous le rappeler. Tenez, Jeanne Baret, la première femme à avoir fait le tour du monde, qui avait dû se soumettre au supplice de se travestir en homme pour accompagner son homme lors de la toute première circumnavigation française en 1766, n’avait-elle pas été démasquée en Tahiti en 1768 et accueillie à bras ouverts dans notre pays quelques mois plus tard ? N’y avait-elle pas accouché d’un bébé qu’elle donna en adoption par la suite ? N’y avait-elle pas versé toutes les larmes de son corps en y perdant son mentor et amant, Philibert Commerson, son complice dans ce projet de voyage scientifique où plus de 2 000 plants furent classifiés ? N’y avait-elle pas ouvert un cabaret à Port-Louis en 1774 ? N’y épousa-t-elle pas le soldat Dubernat la même année avant de se rendre en France, en 1775, bouclant ainsi le tour de la planète, clandestinement, avec bravoure et par amour de la science et d’un grand médecin naturaliste ?

Que notre île Maurice soit intimement associée à cette aventure mérite une couverture. Car c’est lorsque les temps sont durs que la culture élève l’âme et favorise la cohésion nationale. Sans les femmes, garantes de la transmission et sources d’inspiration, cette mission risque la déroute.

Merci à toutes les femmes mauriciennes.

Avec vous, nous surmonterons !

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