Les « princes » dictent l’alliance, les clowns font leur petit cirque

Fixation bête et puérile sur le petit cirque local, éclipse totale de la bouillante réalité globale dans laquelle mijote Maurice, l’opinion publique, médias corporatifs compris, jouent, selon leurs habitudes, à « manz pistas, get sinema », en suivant les aléas d’une alliance putative entre le PTr et le MMM.
Avec une orgie de piques partisanes, petites et grosses, dans les médias privés et sociaux, dans les éditoriaux et commentaires de la « grande presse dominante », et avec la passion du joueur obsédé qui vérifie, au jour le jour, d’heure en heure, s’il a misé sur le bon ou le mauvais cheval.
« Les rédacteurs sont aux ordres des princes ». Plus qu’un aveu, cette petite phrase de sir Victor Glover à un journal sur la mission qui était confiée à son petit comité ad hoc, est en fait le paradigme parfait pour comprendre et analyser l’interminable valse-hésitation de nos politiciens :
« Les politiciens locaux sont aux ordres de l’Oligarchie et de l’Empire », ce corollaire découle naturellement du théorème de l’ancien chef-juge qui, soit dit en passant, ne cache pas qu’il a mis du zèle à rafistoler une loi coloniale inrafistolable et qu’il approuve une alliance PTr-MMM.
Les « princes » de la coalition de 1969
Certains ont évoqué la coalition PTr-PMSD de 1969. Mais en se confinant au strict terrain local, ils omettent de rappeler que le Français Michel Debré et le Britannique Angus Ogilvy étaient venus à Maurice en 1968 et 1969 promouvoir cette coalition en tant que « princes de l’Empire » .
À noter que Debré fut impliqué dans un scandale d’enfants volés à La Réunion et placés dans des familles de la Creuse, et qu’Ogilvy fut de son côté impliqué dans un scandale de violation des sanctions contre la Rhodésie de Ian Smith !
SSR et SGD comprirent très vite « l’ordre des princes » et se mirent aussitôt à l’oeuvre, eux qui, l’année d’avant, s’étaient combattus farouchement et avaient divisé le pays sur la question de l’indépendance – avec des dizaines de morts et disparus dans des émeutes inter-communales !
C’est vrai que, cette fois, aucun « prince » de l’Empire n’a fait le voyage à Maurice pour imposer la coalition PTr-MMM. Nul besoin ; nous disposons de la télécommunication cryptée, instantanée, globalisée – sans oublier les contacts continus et permanents entre milieux d’affaires, et l’activisme de notre oligarchie qui défend ses intérêts depuis trois siècles !
Câbles des ambassades et rôle de Geoffrey Cox
Les câbles de l’ambassade US à Port-Louis révélés par Wikileaks ont mis au jour les pressions du chef de file de l’Empire OTAN/UE/OCDE sur Maurice entre 2006 et 2010. Faudrait-il que les câbles des ambassades des USA, du R-U, de France, de l’Inde et de la Chine sur le présent cirque soient dévoilés pour que l’opinion dans son ensemble lève le nez de son nombril et regarde les choses telles qu’elles sont, en face et avec lucidité ?
Il y a pourtant parmi nous un certain Geoffrey Cox, député conservateur britannique, et conseiller constitutionnel et juridique de Maurice. Son nom émerge parfois, comme un cheveu sur la soupe, mais aucun de nos grands journaux ne s’est penché sur le personnage ni sur son rôle dans le dossier de la mal-nommée « réforme électorale » en cours.
 Dans son interview, sir Victor révèle, en passant, que c’est Geoffrey Cox qui a proposé de « coller une étiquette ethnique au candidat qui n’a pas déclaré sa communauté », ce qui, semble-t-il, a compliqué le travail du comité – l’autre proposition étant de « disqualifier ceux qui n’ont pas déclaré leur communauté pour un siège de best loser ».
Afrique et océan Indien : le retour de l’Empire
Une petite recherche du domaine public sur le Web nous dit pourtant que, pour la session des Communes en 2012, Cox a déclaré des revenus de 417.000 livres pour son travail à Maurice, entre autres. Comme député, il touche 65.000 livres par an. Selon le blog Guido Fawkes, il a déclaré pour la relâche parlementaire de 2012 des revenus de 200.000 livres, entre autres pour un petit « à côté » à Maurice !
L’alliance PTr-MMM est voulue d’abord et avant tout par l’Empire et par l’oligarchie. C’est « l’ordre des princes ». Aux politiciens de trouver des moyens de s’allier celui qui leur est le plus favorable. L’opinion publique, des médias à la classe politique, en passant par les simples citoyennes/citoyens, reste hélas braquée sur le petit jeu de « moyens » et ignore la dimension plus large, décisive et contraignante, des « ordres des princes ».
Les deux dimensions sont organiquement liées, d’autant que l’Empire se déchaîne sur l’Afrique (Africom, main-basse sur les ressources, accaparement des terres), et tient mordicus à l’océan Indien où Maurice contrôle, en plein coeur, une Zone d’exploitation exclusive (ZEE) de 2 millions de Km2, tout en revendiquant les Chagos, où le bail de la base aéronavale US de Diego Garcia expire l’an prochain !
Pour un Maurice nouveau, contre la donne BJP
L’élection du parti extrémiste hindou BJP et l’accession du controversé Narendra Modi au poste de Premier ministre de l’Inde, avec l’appui de l’oligarchie néo-libérale et de gros pans de la Diaspora indiennes, fournissent à l’Empire ce que Washington appelle « a window of opportunity » : pour mieux amarrer Maurice à l’Empire, avec l’aval de l’Inde, aux plans économique et géostratégique.
Il s’agit de frapper le fer pendant qu’il est chaud. Et d’ouvrir une brèche durable au sein du BRICS (Brésil, Russie, Chine, Inde, Afrique du Sud), qui veut substituer un monde multipolaire à l’Ordre unipolaire de l’Empire.  
Les images lancées par Ramgoolam et Bérenger de faire de Maurice un « modèle » et un « phare » sont vides de toute substance, aucun plan ne les soutient. La NASA a évoqué dans un percutant rapport « la fin inéluctable de la civilisation occidentale, capitaliste, accapareuse, surconsumériste, gaspilleuse et inégalitaire ».
Dans ce contexte, le vrai débat mauricien se doit de faire émerger le projet de société solidaire, égalitaire, humaniste, citoyenne, et profondément démocratique, qui fait toujours défaut, 46 ans après l’indépendance. Sans cela, Maurice peut dire adieu à son indépendance. Le cirque de l’alliance putative, et de ses opposants tout aussi creux, est une dangereuse diversion, et alimente de faux débats.

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