Lettre ouverte non seulement à la mémoire mais à l’intention d’Elizabeth II d’Angleterre

Majesté,

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C’est à votre esprit, dont la couronne est aujourd’hui sertie des grâces de Dieu, que j’ai plaisir à adresser ces quelques lignes, avec l’humilité que cela exige.

Des jours durant, depuis le 8 septembre, date à laquelle vous vous en êtes allée, de très nombreuses personnalités de la planète Terre vous ont rendu hommage. Et ce fut, en quelque sorte, une biographie extrêmement touchante, d’autant plus qu’elle était illustrée par de belles images de vous où le charme, la classe et l’élégance vous prêtaient une allure particulièrement altière. Et, de surcroit, elle rendit encore plus évidente pour nous cette vie exemplaire qui fut la vôtre.

Elle mit en exergue, en effet, cette intelligence, adossée à une culture ancestrale, qui vous permettait de faire face aux épreuves, – Dieu sait que vous en avez affronté de nombreuses tout au long de votre vie – avec un flegme imperturbable. La maîtrise de vous-même dont vous avez fait preuve lors de la Seconde Guerre mondiale, alors que vous étiez encore une toute jeune femme, en fut l’exemple le plus probant.

Cette expérience guerrière vous enseigna, apprend-on, que rien ne pouvait justifier de telles souffrances, et qu’il fallait donc toujours essayer de comprendre et d’accepter le point de vue de l’autre. Ce sens du compromis, à qui venait s’ajouter une discrétion héréditaire, vous rendit très populaire auprès des Chefs d’Etat qui ne partageaient pas toujours les valeurs démocratiques auxquelles, tout en étant Reine, vous étiez très attachée.

Et certaines images nous dévoilèrent que votre courtoisie naturelle, souvent accompagnée d’un sourire si spontané fit que, dans vos déplacements officiels, la chaleur humaine était aussi toujours au rendez-vous.

Et, enfin, nous découvrîmes que toutes ces vertus qui furent les vôtres, étaient issues de la philosophie chrétienne qui vous animait, et au premier plan desquelles se trouvait la générosité de cœur.

Cette élite internationale s’étant exprimée – nous leur en savons gré – vos admirateurs anonymes souhaiteraient sûrement, à leur tour, vous rendre hommage. Permettez-moi donc, habitant d’une de vos anciennes colonies, l’Ile Maurice, de me faire ici leur interprète, en vous disant que nous partageons totalement les louanges que vous ont adressées les grands de ce monde.

Je souhaiterais, toutefois, ajouter les pensées qu’ont suscitées chez moi ces éloges.

Certaines me sont personnelles. Ce qui fait, vous le comprendrez, que mon émotion en vous écrivant est d’autant plus forte.

Mon quadrisaïeul, Léopold Antelme, eut l’honneur et le plaisir d’accueillir, en août 1901, le Duc et La Duchesse de Cornouailles et d’York, les futurs Roi George V et Reine Mary, vos chers grands-parents, à une chasse aux cerfs dans le domaine de chasse familial, situé sur les hauts plateaux de notre Ile, dans la région de la « Mare-Aux-Vacoas ».

Riche propriétaire terrien, personnage haut en couleur, mon ancêtre Léopold brillait par son amour du faste et des belles choses. Aussi, il redoubla ses efforts lorsqu’on lui demanda de recevoir à la chasse ces deux altesses de la prestigieuse Blonde Albion. Il décida donc d’organiser une chasse hors normes, comparée à celles qu’on y trouvait dans les annales cynégétiques, suivie d’un déjeuner pantagruélique, mais non moins gastronomique pour autant, et en fit part à ses principaux collaborateurs.

Concernant la chasse elle-même, une immense « salle verte » fut préparée afin de recevoir le Duc, grand amateur de chasse lui-même. Trois cents chasseurs étaient invités pour participer à cette immense battue, comprenant plus de trois cents chiens, conduits par une armée de cent cinquante rabatteurs. Dix charrettes, accompagnées de deux cents travailleurs, devaient se charger du transport des pièces tuées vers l’abat-vent central.

Pour la réception qui allait suivre, la salle où devait se tenir ce banquet de six cents couverts était déjà construite, et il ne restait plus que de l’habiller de quelques beaux apparats. De chaque côté de cet élégant bâtiment, un pavillon avait été construit, l’un pour servir de vestiaire au duc, et l’autre, aux mêmes fins, pour la duchesse et ses dames d’honneur.

Ce complexe s’élevait sur un point culminant d’où l’on dominait la Mare aux Vacoas, en arrière-plan de laquelle l’on pouvait contempler un superbe panorama.

Le repas lui-même devait être servi sur trois très longues tables formant un T avec, autour d’elles, douze tables en fer à cheval, le tout pouvant accommoder les six cents couverts prévus.

Une réception, en fait, qui aurait dépassé de loin en splendeur tout ce qu’on avait vu jusqu’ici.

Hélas, cette chasse et ce banquet royaux (dans tous les sens du terme), n’eurent pas lieu car, pour des raisons de sécurité – La guerre des Boers en Afrique du Sud entre autres –, le duc demanda, à la place, une chasse « very quiet, with very few guns ».

Mon quadrisaïeul Léopold mourut quelques jours seulement avant cet évènement, ce qui fut sans doute bien pour lui, car encore plus grande aurait été sa déception d’avoir à présider une réception plus modeste que celle, somptueuse, qu’il avait prévue. Et ce fut son fils Léopold, mon trisaïeul, qui le fit à sa place.

La réception, néanmoins, fut de belle qualité, et il se chuchota, après, que le Duc et la Duchesse en avaient été ravis.

C’est ce même fils qui, en 1927, à la demande du Gouvernement Anglais, allait accueillir avec bonheur votre père et votre mère, Duc et Duchesse de Cornouailles et d’York d’alors, les futurs Roi George VI et Reine Consort, Elizabeth Bowes-Lyon. Mais, coïncidence ô combien malheureuse, il mourut quelques jours avant leur arrivée, et c’est mon arrière-grand-oncle George et mon bisaïeul Gustave qui eurent l’honneur et le privilège de les recevoir.

La réception fut du même niveau que celle de 1901, et les convives en gardèrent, paraît-il, un excellent souvenir.

Pour illustrer la partie de chasse de 1927, j’ai plaisir à joindre à cette lettre deux photos prises après cette chasse, où l’on peut voir au premier plan mon arrière-grand-oncle George, debout entre votre père et votre mère, et juste à l’arrière, à gauche, mon bisaïeul Gustave, vêtu d’un costume sombre. Et gisant à leurs pieds quelques-uns des plus beaux trophées de cette chasse.

Les autres pensées qui me vinrent à l’esprit – de loin les plus importantes – et que je tiens à ajouter aux éloges mentionnés en première partie de cette lettre, relèvent de la spiritualité.

Dans ces hommages qui vous ont été rendus, votre vie matérielle occupa une place bien plus importante que la philosophie chrétienne qui vous anima tout au long de votre passage sur cette Terre. Si bien que l’on insista beaucoup sur l’idée que votre souvenir resterait à jamais gravé dans la mémoire des habitants de notre planète. On alla même jusqu’à employer le mot « éternel », alors que l’on sait bien que les hommes et les femmes disparaîtront de cette planète-là dans quelques centaines de millions d’années. C’est un temps assez long, certes, mais très éphémère par rapport à cette éternité qui fait partie de la foi chrétienne que nous partageons vous et moi.

En revanche, on parla peu de cette vie éternelle, la vraie, dans laquelle votre esprit a fait ses « premiers pas », voilà une quinzaine de jours. Cette vie où vous ne faites qu’un avec la multitude des autres esprits, dont celui de votre époux, qui vous avaient précédé dans l’azur, et avec Dieu, qui en est l’épicentre. Cette vie, enfin, où l’Amour est infini et la Beauté absolue.

Aussi, j’essaye d’imaginer comment vous percevez maintenant la vie que vous avez vécue sur Terre, les nombreux cérémonials grandioses de vos funérailles, les abondantes manifestations de sympathie à travers la planète, et les commentaires on ne peut plus élogieux des personnalités et des anonymes du monde entier.

Et j’arrive à la conclusion que vous ramenez sûrement toutes ces choses à leur juste valeur, à savoir qu’elles sont dérisoires par rapport à ce qui nous attend dans cette vie après la vie qui nous est promise. Et que vous avez aussi, maintenant, la certitude que nous, les hommes, devrions accorder beaucoup plus de place dans nos vies à l’amour de notre prochain, notre prochain le plus proche en particulier, et bien moins aux choses matérielles. Car c’est comme cela que nous pourrions nous rapprocher, autant que faire se peut, de cet amour total qui règne dans l’au-delà, et éprouver ainsi, dès ici-bas, ne serait-ce qu’une parcelle de cette joie céleste que les biens matériels de la Terre ne sauraient nous apporter.

Je crois, enfin, que les esprits, en unité avec Dieu, et dont vous faites partie aujourd’hui, peuvent intervenir afin de nous mettre sur cette voie-là, même si je ne sais pas comment ils pourraient le faire.

Aussi, avant de prendre congé de vous, je me permets de vous demander d’éclairer notre lanterne, car notre nature humaine, trop souvent, nous conduit vers des forêts si sombres que même la petite fille espérance pourrait bien s’y perdre.

Maintenant que vous savez ce qu’est l’éternité, et que moi, j’ai aujourd’hui la quasi-certitude de son existence, après avoir lu « La Preuve du Paradis », récit fait par le Dr. Eben Alexander (Un des plus grands neurochirurgiens des temps modernes, chercheur et Professeur à l’Université de Harvard de surcroit) sur son « Expérience de mort imminente », et suite à laquelle l’athée convaincu qu’il était est devenu un croyant dont la foi est aujourd’hui inébranlable, j’ai la joie de vous dire : « Au revoir, Majesté ».

GEORGES-ANDRÉ KOENIG

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