Licensed to kill (II)

AVINASH RAMESSUR

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Quiconque éduque un enfant le sait : les mauvaises manières sont difficiles à perdre, il vaut mieux donc s’assurer de lui apprendre les bonnes manières dès son plus jeune âge.

En bien, il en va de même pour l’apprentissage de nos chauffeurs. Je postule que si Mr X est un mauvais chauffeur, la cause principale se trouve dans la mauvaise formation qu’il a reçue et la responsabilité en incombe aux autorités et aux forces de l’ordre.

Qui dit mauvaise formation dit mauvais formateurs et en y regardant de plus près, les règles pour devenir moniteur d’auto-école sont un vrai gag ! Les règles principales datent de 1966 (avec des modifications cosmétiques en 1994, 2005 et 2017). Il convient de s’appesantir sur le paragraphe  5 de ladite régulation, où il est exigé que, pour devenir moniteur, la personne en question ait 1.) 5 ans d’expérience en conduite de véhicule, 2.) une bonne connaissance théorique des règles et 3.) qu’elle ait un bon caractère. C’est tout !

Le bon sens suffit pour comprendre l’iniquité de ce système pour la formation des chauffeurs. Il est à la source et perpétue (je pèse mes mots) le problème des comportements à risques. Si la sélection des moniteurs se fait avec un tel filtre passe-tout, il ne faut donc pas s’étonner que le produit final soit de mauvaise qualité.

Mais cela n’est qu’une partie du problème. L’autre partie, c’est le test de conduite en lui-même qui ne correspond pas aux réalités quotidiennes auxquelles les chauffeurs sont confrontés. Le bon sens me guide encore pour affirmer que ce n’est pas en conduisant à 20 km/h en passant 1ère, 2nde et 3ème sous l’œil d’un policier, parfois plus préoccupé à se curer les dents, qu’on devient apte à avoir un permis de conduire. Je caricature à peine.

Et ce ne sont pas les changements cosmétiques des lois cette année qui changeront cela. Voyons quelques points qui posent problème parmi tant d’autres :

 

L’apprentissage de la vitesse

Loin de moi l’idée de faire l’apologie de la vitesse et sans contredire mes propos plus haut, la vitesse est un fait du quotidien et au lieu de faire comme les religions et renier l’évidence pour s’enfermer dans des dogmes, il convient d’accepter cette réalité et de s’assurer qu’on y est préparé. C’est une question de bon sens.

Il faut arrêter avec les discours simplistes répandus ad nauseam qu’il suffit de conduire moins vite pour résoudre le problème des accidents et ensuite venir s’étonner que personne n’écoute. Du moment que quelqu’un conduit à une vitesse réglementaire en respectant les codes de la route, il est légalement du bon côté et la seule question qui se pose est de savoir s’il a été bien préparé.

Il est, à mon avis, inconcevable qu’on délivre des permis de conduire sans s’être assuré d’abord que le récipiendaire est capable de conduire de façon correcte et responsable aux vitesses légalement autorisées dans des circonstances variées. Je n’invente rien en cela, c’est ce qui se pratique dans bon nombre de pays.

C’est une bêtise monumentale de faire l’impasse dessus et il ne faut donc pas s’étonner des accidents spectaculaires avec en outre des situations d’encombrement qui augmentent de façon significative les risques de collision. Il faut pointer du doigt l’aveuglement et les réponses simplistes, dogmatiques et inefficaces des autorités en cette matière. Tout ne peut pas se réprimer, il faut donc s’assurer d’éduquer et de sélectionner convenablement dès le départ

 La vitesse tue mais la lenteur aussi

Quiconque a étudié un tant soit peu la dynamique de flux vous le dira : 1.) la fluidité d’un flux est en fonction de la vitesse homogène des éléments dans le flux et 2.) une vitesse non-homogène avec de grands écarts entre éléments individuels entraine une situation chaotique.

Cela s’applique aussi à la circulation routière, qui d’un point de vue macroscopique, est un flux d’éléments s’écoulant d’un point à un autre. Il faut en déduire que le comportement des uns a une influence sur l’ensemble du trafic et sur les autres éléments.

À ce titre, la présence de ce que je qualifierai de « constipés du volant » est un risque majeur pour les autres usagers. On les reconnaît à leurs crispations, arc-boutés et tremblotants sur leurs volants, incapables de conduire de façon souple et régulière, ignorant tout des autres automobilistes et capables de freiner brusquement pour un rien, se concentrant uniquement sur ce qui est devant eux, circulant souvent à faible allure sur la voie rapide de l’autoroute obligeant les autres automobilistes soit à faire des zigzags dangereux soit à freiner des quatre fers.

Il est inacceptable que ce profil ait reçu un permis de conduire. Ce sont des automobilistes aussi dangereux que les fous du volant car ils mettent en danger de mort autrui. Le point 1 ci-dessus doit y apporter une solution

Les moteurs

Contrairement aux idées reçues, un moteur plus puissant ne sert pas à aller plus vite, il sert à accélérer dans un laps de temps plus court.  En quoi est-ce utile?

Dans un pays vallonné (nous sommes une île montagneuse) et encombré au niveau du trafic, accélérer plus rapidement sert à dépasser en sécurité quand la situation l’exige. Par exemple, sur des routes bidirectionnelles, il est important de pouvoir dépasser que ce soit un camion chargé de cannes ou un bus circulant lentement tout en étant capable de se rabattre sur la voie de gauche le plus rapidement possible en raison du trafic opposé.

Or à Maurice, la politique douanière et d’enregistrement des véhicules du gouvernement favorise les grosses ou moyennes berlines avec petit moteur avec pour conséquence un temps de dépassement souvent long (trop long!) Ajoutez-y les mauvaises formations de chauffeurs et vous avez le cocktail pour mettre en grave danger de collision frontale celui qui dépasse et celui qui vient dans le sens opposé.

En 2016, selon les statistiques officielles, le type de collision le plus fréquent lors des accidents est la collision frontale, soit 30% du nombre total. Le deuxième type est la collision avec les piétons avec 19%. Celle-ci est souvent une conséquence du premier car, par réflexe pour éviter une collision avec un autre véhicule, le chauffeur aura tendance à donner des coups de volant.

On peut donc en conclure que la politique douanière et d’enregistrement des véhicules du gouvernement est une politique meurtrière.

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