L’impossible révolution mauricienne…

IVOR TAN YAN

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Notre actualité a connu ces derniers temps des événements inédits, et de surcroît inattendus. Je pense tout particulièrement à la démission de M. Jean Bruneau Laurette du Linion Pep Morisien (LPM) alors qu’il est à l’origine de sa création. Il est question également de la démission de M. Darren Seedeeal comme travailleur social, une fonction qui n’est en général pas disponible dans les petites annonces. Ce dernier s’est également fait arrêter suite à ses commentaires après l’arrestation de Me Akil Bissessur. Encore une affaire étonnante, un avocat arrêté par une escouade d’élite de la police alors même que cela fait plus de 2 ans qu’une tonne de cocaïne est entrée sur notre territoire en même temps que notre fameux « Metro Express » Mauricio; et dans cette affaire il n’y aurait pas l’ombre d’une piste…

L’arrestation de Me Akil Bissessur a d’ailleurs été largement utilisée lors des réunions organisées à travers l’île par le MSM. Mais ce ne sont ni JBL, ni DS ni l’arrestation de Me Akil Bissessur qui rendent cette révolution mauricienne impossible, mais la mainmise absolue du pouvoir économique et politique sur l’Etat et le territoire mauricien.

D’abord le pouvoir économique, qui est entre les mains de quelques grandes compagnies qui sont la possession d’un cercle de très vieilles familles mauriciennes et d’autres ayant fait carrière en politique.

Ensuite l’Etat, qui est entre les mains de l’une des seules deux familles ayant dirigé le pays depuis ces 54 dernières années, distribue en premier lieu aux proches et serviteurs les plus dévoués les meilleures nominations possibles à la tête d’institutions publique, parapublique ou propriétés de l’État. Finalement, en ce qu’il s’agit du territoire mauricien, il est la propriété de l’État et des particuliers. Les particuliers sont propriétaires de la majeure partie du territoire mauricien, il y a même des îlots attachés à l’île Maurice dont des particuliers se réclament bailleurs. Tromelin, rendue célèbre par le sauvetage des esclaves abandonnés et aujourd’hui encore revendiquée par la France, est considérée par l’État mauricien comme une concession cédée à une compagnie privée. Un statu quo de cogestion existe sur ce morceau de notre territoire. Contrairement à Cuba ou d’autres territoires plus étendus, il n’y a donc aucun espace à Maurice qui ne soit pas sous le contrôle de l’Etat ou du secteur privé où de potentiels révolutionnaires pourraient se constituer en bande pour se préparer à une révolution par la force…

Cette mainmise de l’État et du secteur privé s’étend également à nos richesses. Nous avons une Zone économique exclusive de 2.3 millions de kilomètres carrés, et pourtant ce sont des pays étrangers qui pêchent dans notre zone maritime pour ensuite nous revendre nos poissons. Entre la pêche et nos assiettes, sur le poisson comme pour toute autre denrée, il faut payer la « dîme », dont on ne s’acquitte plus à l’église mais aux maîtres du SEMDEX qui sont dans la production, l’importation et la distribution de tout ce qu’il nous faut pour continuer à avoir l’impression que tout va bien. Au passage, c’est le secteur privé qui prélève la TVA qu’elle reverse à l’Etat, là encore c’est la bonne combine car lorsque les prix augmentent en raison de la dévaluation de la Roupie décidée par l’Etat, plus de TVA sont reversées à l’État. Et l’État n’intervient pas pour réguler les prix sur le marché ou permettre à l’économie locale de se développer de manière à pouvoir concurrencer les grands du secteur privé.

Les lois que décident nos politiciens depuis ces 300 dernières années ont une orientation néolibérale, cela depuis que le Roi Louis XV céda l’Isle de France à la compagnie des Indes orientales. À cette époque, l’esclavagisme n’était rien d’autre qu’un moyen de production. Lorsque ce moyen de production a été aboli, les propriétaires qui disposaient de cette main-d’œuvre corvéable ont été indemnisés, ce qui a nécessité en 1838, trois ans après l’abolition de l’esclavage, la création d’une banque privée qui depuis cette époque fait prospérer les économies des grands et des petits épargnants.

Qui plus est, la mainmise dont il est question se transmet en héritage de génération en génération et son objectif premier est de maintenir la population mauricienne sous contrôle. Cet accord tacite entre le pouvoir économique et politique a été inscrit sous la forme d’une division de la nation mauricienne en rangeant les électeurs, citoyens du territoire mauricien, (car d’après notre Constitution il n’y a pas de Mauriciens mais uniquement des citoyens mauriciens) répartis en quatre catégories différentes.

C’est ce qui permet qu’alors même que les Mauriciens se mobilisent comme un seul peuple pour la première fois en 300 ans d’histoire contrairement aux signaux que renvoie le pouvoir politique institutionnel (surtout l’opposition parlementaire) selon lesquels la révolution mauricienne est impossible.  Les congrès et les grandes réunions politiques des partis institutionnels comme le MMM, PTR, PMSD et MSM ne sont que des mascarades servant la façade démocratique. Sinon, les dirigeants des partis précités auraient respecté l’accord qui leur a permis de rassembler foule le 13 février 2021. Mais c’est la dure réalité qui nous a rattrapés le 15 février 2021, car c’est le réflexe communal qui leur permet de se maintenir au pouvoir et qui assure que chacun reste à sa place. Des esclaves d’élevage cumulent des emplois pendant que des barons ronronnent devant des politiciens, qui jouent aux molosses avec les plus faibles.

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