LIVRES : L’Institut Margéot ouvre une bibliothèque spécialisée

L’Institut Cardinal Jean Margéot (ICJM) a ouvert la semaine dernière un nouvel espace de savoir et de lecture à Rose-Hill, baptisé Bibliothèque Père Raymond Zimmermann. Dotée d’une grande salle de lecture et de quelque 8 000 références, ce lieu aménagé dans une dépendance de la Maison Carné propose au public de vastes nourritures intellectuelles sur les religions chrétiennes et la théologie bien sûr et plus généralement, sur la spiritualité, l’histoire des religions, avec aussi des ouvrages consacrés à des thèmes purement laïcs tels que l’histoire et la géographie mauriciennes, la travail social, l’éducation ou la littérature que le centre de formation et de recherche a aussi reçu en don. Le père Véder, qui dirige l’ICJM, se fait insistant sur un point : cette bibliothèque spécialisée est ouverte à tous… chrétiens et aussi non chrétiens tout autant bien sûr qu’aux futurs religieux ou religieux.
Découvrir les écrits d’Origène sur le libre arbitre, savoir ce que Didyme L’Aveugle a écrit sur la Genèse, ou encore découvrir les principes d’éducation et conseils qu’au IXe siècle, la duchesse Dheoda a destiné au fils dont elle avait été séparée, à travers un livre… Ces lectures sont désormais possibles à la Bibliothèque Raymond Zimmermann, ces ouvrages faisant partie d’une des plus précieuses collections que l’institut catholique a reçue en don dans le passé. La maîtresse des lieux, la bibliothécaire Catherine Khoart, nous annonce avec aplomb que cette série intitulée Sources chrétiennes est ici représentée par 475 titres consacrés aux oeuvres des premiers penseurs de la chrétienté. Et le père Jean-Claude Véder, directeur de l’ICJM, se réjouit qu’il soit désormais possible d’en acquérir les titres manquants sans attendre une providentielle donation.
« La création de cette bibliothèque devenait une urgence, nous explique-t-il. L’ICJM dispose actuellement de six départements. Nous en aurons bientôt un septième et un institut catholique digne de ce nom ne peut pas fonctionner sans sa bibliothèque… » Les 8 000 ouvrages et revues répartis dorénavant dans une nomenclature normalisée faisaient partie de la bibliothèque du Thabor ou étaient répartis dans différents services avant l’installation de l’ICJM à la Maison Carné en 2009. Ils seraient encore dans des containers sans la bibliothèque Raymond Zimmermann, désormais ouverte au public. Essentiellement constituée de livres sur papier, elle se dotera petit à petit d’ouvrages en ligne et d’un référencement numérique. Catherine Khoart espère aussi proposer un service de photocopie à l’avenir pour les ouvrages qui ne peuvent sortir de l’enceinte mais sont assez solides pour supporter ce type de manipulation. Ici on rêve aussi de voir apparaître un jour sur les rayonnages les ouvrages proposés par la future maison d’édition de l’ICJM, ou encore synchroniser le service de prêt entre cette entité rose-hillienne, la bibliothèque du diocèse située à Port-Louis et celle que le père Zimmermann a créée à Pont-Praslin…
Bois et pierre de taille
Situé à l’arrière de la Maison Carné, ce lieu peut à première vue être considéré comme un bel exemple de réhabilitation d’une longère en pierre de taille. L’architecte a su exploiter la longue structure du bâtiment pour disposer les mètres linéaires de rayonnage et aussi, permettre aux visiteurs de lire à la lumière du jour… On a préféré ici la ventilation naturelle à la climatisation bruyante, et le bâtiment comportera aussi une salle consacrée aux périodiques. Au rez-de-chaussée, les visiteurs peuvent directement accéder à un certain nombre de rayonnages où sont rangés bien droits les nombreux livres fraîchement référencés et accessibles au prêt. Bien sûr, les livres de référence situés dans la salle de lecture doivent être exclusivement consultés sur place. En revanche, seul le personnel de la bibliothèque est habilité à se rendre à la mezzanine, toute cette section étant réservée aux ouvrages les plus rares tels que la collection Sources chrétiennes. Au détour d’un couloir, on devine aussi des réserves où se trouvent des livres à relier, et quelques étagères vides qui accueilleront de futures livraisons.
Diplômée de l’Université de Maurice, Catherine Khoart a connu différentes bibliothèques du secteur éducatif avant d’arriver ici. Depuis le mois de mars, elle travaille sur le classement, l’enregistrement et la nomenclature qui seuls permettent un ordonnancement intelligible et pérenne. Bien sûr, parmi les nombreux livres qui se sont accumulés au fil des ans, un tri s’est effectué en collaboration avec les différents chefs de département et le directeur de l’ICJM. Catherine Khoart fait remarquer au passage que ces livres ont pour la plupart été donnés à l’institut, à l’instar de ceux qui appartenaient par exemple au père Roger Cerveaux, aux nombreuses personnes qui un jour ont apporté ici les livres, ou aux écrivains proches de l’église tels que Dev Virahsawmy pour ne prendre que cet exemple. Les frais d’inscription et l’abonnement demandés aux visiteurs ainsi que le budget alloué à l’acquisition de livres financent le fonctionnement du service.
Ici, le multilinguisme déborde un peu de l’ordinaire mauricien puisqu’il existe quelques ouvrages en latin ou en grec. Mais plus généralement, le français, l’anglais et le kreol se côtoient sur les étagères aussi naturellement que l’on parle ces langues sous le ciel mauricien. L’essentiel du fonds est évidemment lié à la théologie, à l’histoire du catholicisme et des religions chrétiennes, à la philosophie, la méditation et la spiritualité, aux religions du monde ainsi aussi qu’à l’île Maurice et à des domaines dans lesquels l’église catholique marque sa présence comme le secteur éducatif, le travail social, le dialogue interculturel et interreligieux, etc.
Les thèses et mémoires publiés qui peuvent être utiles à ces domaines d’intervention y sont présents, et ceux qui ne seront pas publiés mais réalisés par les étudiants de l’Institut par exemple le seront dans une collection multimédia en projet. Il est possible ici de consulter les études qui ont été réalisées dans le passé par des prêtres, tels que les enquêtes du père Zimmermann sur les pratiques religieuses à Maurice, ou encore des études sur Maurice menée par des universités catholiques étrangères ou ici à l’Institut, comme celle de Jimmy Harmon et Marjorie Desvaux sur la résilience des jeunes. Dans la collection mauricienne, l’abonné peut évidemment trouver les ouvrages d’Amédée Nagapen, Maurice Labour et les autres bonnes plumes catholiques du pays. Toutes les lettres pastorales publiées depuis le cardinal Jean Margéot, des ouvrages et autres fascicules liés à l’histoire, la géographie, la population et les religions dans le pays aussi.
Spécialisée et ouverte…
Pour Jean-Claude Véder, le nom de Raymond Zimmermann s’est imposé de lui-même ici : « Le père Zimmermann a considérablement oeuvré pour la formation à Maurice pendant les trente années qu’il a passées ici. Il a aussi beaucoup milité pour une bibliothèque destinée à la formation des laïcs. Son nom nous est venu automatiquement, presque naturellement pour baptiser cette bibliothèque… Il était un homme d’église, un intellectuel de haut niveau qui savait en même temps rester en contact avec la base. » Il faut dire aussi que ce prêtre d’origine alsacienne, bien connu pour le centre de dialogue interreligieux qu’il a créé à Pont-Praslin dans les années 80, a aussi été un des principaux architectes de l’École de théologie et sciences humaines qui verra le jour dans les années 2000, avant de devenir l’Institut catholique de l’île Maurice (ICIM) sise au Thabor, qu’il a présidée pendant plusieurs années.
Et jusqu’où la bibliothèque de l’ICJM poussera l’esprit d’ouverture propre au père Zimmermann, dans l’accueil d’ouvrages qui pourraient être contraires aux idées de l’église catholique ? A ce sujet Jean-Claude Véder nous fait une réponse… ouverte : « Le catholicisme est en lui-même universel. Ce serait dommage de se fermer et si notre bibliothèque l’était, elle ne serait pas digne de porter le nom de Raymond Zimmermann. Nous souhaitons que ce centre de ressource puisse satisfaire de nombreux visiteurs. Nous avons bien sûr les textes sacrés d’autres religions, tels que le Coran ou la Baghavad Gita… Nous avons aussi des livres de penseurs tels que Nietsche ou Freud qui n’ont vraiment pas été tendres avec l’église. Nous avons des ouvrages sur l’homophobie, sur la sexualité, etc. Et nous avons même dans la section littéraire le Da Vinci Code, malgré les nombreuses approximations historiques que cette fiction recouvre ! »

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