Mauritius Leaks : Perceptions, Réalités, Inde et Afrique – une vision différente

MARC HEIN SC, GOSK

Beaucoup a été dit et écrit sur les Mauritius Leaks ces derniers temps. Appelons d’emblée, un chat, un chat. Ces leaks sont des informations piratées qui ont souvent été placées hors contexte pour être servies sur un plateau aux lecteurs confus. Contre-vérités ? Désinformation pure ? Actes criminels ? L’avenir le dira et je ne m’étendrais pas sur les motifs de ceux ayant piraté ces données privées et confidentielles et de ceux qui les publient. Je veux ici ajouter quelques commentaires spécifiques.

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Perceptions et Réalités

Je prends note du fait que Maurice est en ce moment calomnié par certaines personnes pour des raisons plutôt obscures. Notre fameux centre financier international offre au fait une panoplie de services dépassant le cadre financier – je peux citer les services corporatifs, administratifs, légaux, comptables ou fiscaux. Les services couvrent des secteurs différents. Les compagnies du global business qui y sont implémentées ont des missions réelles et des objectifs à accomplir. Ces missions et objectifs couvrent les secteurs du commerce, de la finance, de l’assurance, des télécommunications, de l’informatique, de l’hôtellerie, des infrastructures publiques, des mines, de l’agriculture, de l’éducation, de la recherche ou même de la philanthropie.

Et ce sont des Mauriciens, épaulés par des expatriés qui travaillent dans ce domaine qui est bien réel et concret. Le développement de ce centre financier et corporatif a aidé Maurice à s’ouvrir vers le monde, à bénéficier du transfert des connaissances, du savoir et des technologies du monde extérieur. Le secteur a aidé les Mauriciens à découvrir leurs propres talents et à les améliorer, souvent sans qu’on le réalise.

Nous avons dans le passé été habitués, par exemple, au niveau de l’agriculture à voir, de nos yeux, la canne à sucre pousser, des usines l’écraser, produire du sucre et l’exporter. Nous voyons au niveau du secteur manufacturier des usines de textile; elles transforment du tissu en vêtements qui sont après exportés. Nous voyons au niveau du tourisme des hôtels qui logent et distraient des touristes. Nous voyons dans le secteur de la construction des grues, des camions, du ciment, du bitume pour construire des bâtiments, des routes ou des stades. Bien sûr que tous ces secteurs donnent de l’emploi et contribuent à la richesse de notre nation. Et bien, les activités du centre financier et corporatif emploient aussi des Mauriciens – près de 15,000 personnes. Cela représente environ 12% du PIB mauricien. Ce qui est différent c’est que dans ce monde des services financiers et corporatifs nous avons délaissé le monde du tangible pour le monde de l’intangible. Les Mauriciens ne voient pas de cannes à sucre, d’usines ou d’hôtels ou de grues à construction. Ils ne comprennent pas et se posent des questions : que fait-on donc dans ce secteur ? Souvent cette incompréhension mène à la méfiance, cette méfiance mène au soupçon, ce soupçon peut mener à l’accusation. Mais accuser qui, quand, comment et pourquoi ? Un cocktail explosif existe mais il faut des étincelles et des pyromanes.

Les Mauritius Leaks jouent sur ces incompréhensions, ces méfiances, ces doutes et ces soupçons pour accuser. Accuser les riches et certaines compagnies internationales de mener leurs affaires de façon ténébreuse. Avec un penchant très net pour le voyeurisme, on publie et on accuse. Ce ne sont pas des accusations d’illégalité, de corruption ou de népotisme. L’accusation est d’ordre moral et éthique. Mais situons notre importance internationale, Maurice est une goutte d’eau dans l’océan de ces trillions de dollars qui bougent dans les centres financiers internationaux « offshore » ou « onshore ». Ainsi, il y a 20,000 compagnies global business enregistrées chez nous. Un chiffre énorme, diront certains ! Et bien, aux Seychelles, il y en a 120,000, aux Iles Caïmans 350,000 et aux Iles Vierges Britanniques (BVI) autour de 1,000,000. Quoi dire des États-Unis d’Amérique ! Les États du Delaware et du Nevada accueillent des millions de compagnies qui ont dans leur sillage des comptes bancaires. Malgré toutes les contraintes de l’OCDE et des institutions internationales, il semble que très peu ait changé au Delaware ou au Nevada qui demeurent le Wild West. Et ceci encouragé par l’administration actuelle des USA. Par contre, pour enregistrer une compagnie à Maurice et ouvrir un compte bancaire c’est une tâche très difficile et toutes les références du client doivent être fournies. Je voudrais aujourd’hui de plus, commenter sur deux sujets, notamment nos relations avec l’Inde et l’Afrique, qui ont fait l’objet d’attaques injustes de la part des journalistes accusateurs de l’ICIJ.

L’accord de Non Double Imposition

(Double Taxation Agreement) avec l’Inde

Il est en place depuis 1982 mais a vraiment été utilisé beaucoup plus tard. Il est évidemment signé par les deux parties, l’Inde et Maurice de leur plein gré. Pour l’histoire, notons que l’initiative de cet accord revient à l’Inde afin que ses citoyens travaillant à Maurice ne payent pas d’impôts en Inde et à Maurice, soit doublement les impôts. S’ils payent l’impôt chez nous, ils ne le payeront pas en Inde. Que cela soit donc clair et net pour situer l’origine de cet accord / traité. C’est l’Inde qui le voulait et les deux pays en ont profité.

Durant les dernières 25 années, ce traité a été le conduit d’investissements vers l’Inde. Des investissements qui ont été essentiels et vitaux pour le développement de l’Inde, de son industrialisation, de sa modernisation et de la création de richesse. Des milliards de dollars ont ainsi été investis, depuis 25 ans, quand la fiscalité était lourde et les taux d’imposition très forts en Inde.

Normalement des pays en quête d’investissements auraient offert alors des indications fiscales aux étrangers afin de les inciter à investir. Cela n’était pas politiquement correct ou possible en Inde pour la classe politique dirigeante de réduire la taxe pour les étrangers alors que les Indiens étaient lourdement imposés. Donc, le conduit mauricien était tout trouvé, afin à cette époque, de pouvoir investir en Inde par le biais d’une compagnie mauricienne et payer moins d’impôts. L’utilité du traité de non double imposition encourageait les investissements étrangers, et l’Inde s’en portait très bien. C’était un gagnant-gagnant bien ficelé et qui a bien duré. Singapour et Chypre offraient aussi des avantages du même type vers l’Inde. Certains lobbies ont d’ailleurs essayé de contester le bien-fondé du traité indo-mauricien devant la Cour Suprême indienne mais cette dernière l’a presque toujours soutenu comme étant valide et légal. Il est aussi évident que certains malfrats ont abusé du bien-fondé du traité passé par les mailles du filet. There shall always be black sheep in the flocks. L’offshore a alors fait sa mutation chez nous pour devenir le global business et Maurice était entre-temps bien mieux régulé. Puis l’Inde s’est libéralisée en ouvrant l’économie à l’investissement extérieur et en réduisant les impôts.

Finalement, nous le savons, le traité a été grandement amendé récemment. Je voudrais haut et fort affirmer cette vérité que Maurice a permis à des centaines de millions d’Indiens de sortir de la pauvreté, d’améliorer leur sort et de progresser dans la vie. Les investissements par le biais de Maurice ont largement contribué à cette situation. Nous pouvons en être fiers et l’histoire future nous en saura gré !

L’Aventure africaine

Maurice est membre de l’Union africaine et a établi une stratégie de rapprochement avec l’Afrique continentale dans la dernière décennie. Nous avons donc une vingtaine de traités de non double imposition avec des pays africains et certains, bien que signés, ne sont pas ratifiés et donc pas opérationnels et valides. Prenons note cependant, que plusieurs états africains offrent des incitations fiscales aux investisseurs de l’extérieur – soit sous forme de congé fiscal (tax holiday) ou sous forme de taxe réduite pour des investissements dans certains secteurs stratégiques ou sous forme d’abattement fiscal sur disons, la TVA. Ainsi, l’investisseur bénéficiera soit d’une exonération totale, soit d’une exonération réduite des taxes éventuelles à payer. Mais ô surprise ! Ces investisseurs, même allégés de leur fardeau fiscal en Afrique, veulent toujours enregistrer leur compagnie chez nous et passer par la juridiction mauricienne pour investir en Afrique. Nos accords de non double imposition ne sont alors d’aucune utilité puisque ces investisseurs n’ont pas d’impôts à payer dans les pays choisis pour investir. Donc, l’argument dans ces cas que l’on utilise Maurice pour payer moins d’impôts ne tient plus la route. Les multinationales choisissent Maurice pour son système démocratique, son judiciaire indépendant, son État de droit, la qualité de sa main-d’œuvre et sa bonne réputation.

Rappelons le fait que les multinationales vont toujours utiliser des compagnies intermédiaires (Special Purpose Vehicles) pour investir à l’étranger, surtout pour des raisons de responsabilité civile ou pénale.

En sus des accords de non double imposition, nous avons des accords pour la protection et la promotion des investissements (Investment Protection and Promotion Agreements) avec de nombreux États d’Afrique. Ces accords sont importants et sont parmi les éléments essentiels offerts par la juridiction mauricienne pour protéger les compagnies incorporées à Maurice. Donc, souvent la motivation première d’utiliser la plateforme mauricienne vers l’Afrique n’est pas liée aux fameux accords fiscaux tant décriés.

Quoi conclure ?

Quoi dire pour rapidement conclure ? Nous avons maintenant un centre proprement régulé et qui s’est développé de par la vision de nos opérateurs, de nos professionnels, de nos régulateurs et de nos dirigeants successifs. Nous devons en être heureux et continuons, la tête haute et en toute fierté, sur notre voie.

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