MEURTRE DE KAYA KISTNEN : Le dénommé Ravi fait surface au tribunal de Moka

Les relevés téléphoniques de Yogida Sawmynaden indiquent que Ravichand Leelah, de son nom complet, avait eu quatre échanges au téléphone avec lui le 16 octobre 2020

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Les données de localisation obtenues des antennes-relais démontrent que l’ex-ministre Sawmynaden était à Quatre-Bornes, Belle-Rose, Rose-Hill et Ebène le jour de la disparition de l’agent du No 8

L’enquête judiciaire pour faire la lumière sur le décès de l’agent MSM à Quartier-Militaire/Moka (No 8), Soopramanien Kistnen, a connu un tournant hier, avec comme point d’orgue l’audition du dénommé Ravi, Ravichand Leelah. Un nom, qui est revenu avec insistance depuis le début de l’enquête judiciaire mais dont l’identité demeurait jusqu’ici inconnue. C’est après avoir épluché les relevés téléphoniques de Yogida Sawmynaden que le nom de Ravichand Leelah a fait surface. Ce dernier, un prêtre hindou, a évoqué au tribunal de Moka sa proximité avec l’ex-ministre, qu’il considère comme un « petit frère » et a reconnu avoir eu des échanges téléphoniques avec lui à quatre reprises le 16 octobre 2020. Par ailleurs, Yogida Sawmynaden a été confronté à des emails échangés avec Kistnen, dont un Draft avec des corrections pour faciliter la tâche à Kistnen pour faire enregistrer sa compagnie de nettoyage afin qu’il puisse se lancer à la recherche de contrats dans des institutions gouvernementales.
L’identité du dénommé Ravi a été révélée en début de l’audition de Yogida Sawmynaden par Me Roshi Bhadain. Ce dernier, ayant pu analyser les numéros mentionnés dans les relevés téléphoniques de l’ex-ministre, a atterri sur un dénommé Ravichand Leelah. Au départ, Yogida Sawmynaden, qui expliquait qu’il ne connaissait aucun Ravi dans son entourage, devait soutenir qu’il connaissait cette personne sous le nom de Soobash.
Me Bhadain lui a expliqué alors qu’en se basant sur ses relevés téléphoniques, il avait appelé Ravichand Leelah vers 14h18 le vendredi 16 octobre 2020, jour où Kistnen avait disparu et dont le dernier signal au téléphone fut relevé à 14h53 à La Louise. Me Bhadain devait informer l’ex-ministre alors qu’il avait appelé Ravichand Leelah juste avant de se rendre à Belle-Rose ce 16 octobre.
Et à Yogida Sawmynaden de soutenir qu’il avait l’habitude d’appeler Ravichand, un prêtre hindou chez qui il va souvent prier à Quatre-Bornes. Me Bhadain a alors indiqué à Yogida Sawmynaden que Ravichand a déjà été arrêté par la police pour une affaire de meurtre. Une affaire concernant la disparition de la mère du PPS Prakash Ramchurun, dont le corps fut retrouvé six jours après sa disparition, dans un champ de cannes à Morcellement St André.
Après ces révélations, Ravichand Leelah finit par se retrouver à la barre des témoins au tribunal de Moka à la reprise des travaux dans l’après-midi. Interrogé par le Senior Assistant DPP, Me Azam Neerooa, Ravichand Leelah fait état de ses relations avec Yogida Sawmynaden et explique son itinéraire entre les 14 et 17 octobre de l’année dernière.
Azam Neerooa (AN) : Vous connaissez Yogida Sawmynaden ?
Ravichand Leelah (RL) : Oui.
AN : Comment est-ce que vous le connaissez ?
RL : Quand je travaillais comme contracteur. Cela fait 6-7 ans. Je le considère comme un petit frère.
AN : Vous connaissez donc Soopramanien Kistnen ou Kaya ?
RL : Non, je ne le connais pas.
AN : Où étiez-vous le 14 octobre 2020 ?
RL : Sans doute chez moi à Quatre-Bornes à faire mes prières. J’ai un mandhir et je m’occupe aussi d’un Kalimaye à Palma.
AN :  Le 15 octobre ?
RL : Je priais toujours chez moi. Je ne travaille pas.
AN : Le 16 octobre ?
RL : Comme je vous ai dit toujours chez moi. J’ai un problème avec ma colonne vertébrale, j’ai des documents médicaux pour le prouver. Je ne travaille plus je reste à la maison.
AN : Vous êtes souvent en contact avec Yogida Sawmynaden ?
RL : Oui quand il a besoin de me parler il m’appelle.
AN : Vous conduisez ?
RL : Cela fait 3 ou 4 mois que je ne conduis plus à cause de mon état de santé. Environ quatre mois que je ne travaille plus.
AN : Donc vous ne pouvez pas venir me dire qu’en octobre 2020 vous restiez chez vous parce que vous ne pouviez plus travailler si cela ne fait que quatre mois que vous ne travaillez plus.
RL : Depuis 2017 je suis malade et là récemment on m’a recommandé d’arrêter de travailler.
AN : Avez-vous des antécédents avec la police ?
RL : Oui, une fois où j’ai fait face à une charge pour agression d’un policier à Flic-en-Flac. Une autre fois la police m’avait arrêté avec mon frère alors qu’on aidait dans la recherche de la mère d’un neveu, dont le corps fut retrouvé par la suite dans un champ de cannes à Morcellement St-André .
AN : Il est possible que vous ayez rencontré Yogida Sawmynaden le 16 octobre ?
RL : Je ne vous dirais pas non.
AN : D’après les relevés téléphoniques, entre le 2 et 19 octobre il y a eu 16 appels entre vous et Yogida Sawmynaden, c’est vrai ?
RL : Si vous me le dites en regardant les documents qui le prouvent, c’est vrai.
Azam Neerooa lui explique alors qu’il a eu des échanges au téléphone à quatre reprises avec Yogida Sawmynaden le 16 octobre 2020, soit à 7h, 10h, 14h18 et 20h50.
Et à Ravichand de répondre
« possible sûrement concernant ma compagne qui tient un snack dans un bâtiment à Port-Louis dont Yogida en est le propriétaire ». Me Neerooa rappelle à Ravichand que ce snack était opérationnel début janvier 2021 et que sa question a trait à octobre 2020, pour finir par s’exclamer «  ou pe maye la misie ».
Ravichand devait alors soutenir qu’il ne se souvient pas de la teneur des appels téléphoniques. Répondant aux questions de Me Bhadain, il a soutenu qu’il s’occupe d’un terrain obtenu à bail par Yogida Sawmynaden à l’arrière du cimetière St-Jean.
Par ailleurs, Yogida Sawmynaden a été confronté au fait que son téléphone a été localisé par le biais des antennes-relais au Hennessy Park à Ebene à 14h35, à la Cybercite d’Ebène, à Belle-Rose puis à Rose-Hill vers 15h17 puis retour à la Cybercité d’Ebène à 15h28.
Me Bhadain lui a demandé la raison pour laquelle il n’avait pas divulgué ces informations aux enquêteurs lors de son interrogatoire. L’ex-ministre a répondu que ce trajet est courant pour qu’il se rende à son bureau à Ebène et aussi qu’il a l’habitude d’acheter des objets pour ses prières près du marché de Rose-Hill et dans un magasin à Belle-Rose.

Les dénonciations de Kistnen

Me Bhadain devait par ailleurs rappeler à Yogida Sawmynaden que selon les témoignages lors de l’enquête judiciaire, Kistnen allait le dénoncer à l’Independent Commission Against Corruption (ICAC) pour des magouilles et avait même demandé un rendez-vous au Premier ministre, Pravind Jugnauth, le 1er octobre 2020 pour le dénoncer.
Me Bhadain a aussi fait état d’un appel probable du PM à Kistnen le 16 octobre vers 10h52. Yogida Sawmynaden a répondu que « ce numéro est celui du bureau à St-Pierre et c’est sans doute la secrétaire qui l’a appelé pour faire part des évènements à venir aux agents ».
Me Bhadain a annoncé que Kistnen avait rencontré l’ex-PM, Navin Ramgoolam, le 4 août 2020 pour lui révéler certaines mauvaises pratiques dont les contrats qu’il a obtenus après que l’ex-ministre a « touché un mot » mais qu’il devait lui payer la moitié du montant des contrats à chaque fois.
Yogida Sawmynaden affirmera qu’il n’était pas au courant de tout cela mais que cela s’apparente à un complot politique à son encontre.

Ces courriels qui dérangent

Yogida Sawmynaden a fait face à un feu roulant de questions de Me Bhadain sur les contrats obtenus par Kaya Kistnen. Il devait comptabiliser des contrats d’un montant total avoisinant les Rs 20 millions, que la compagnie Rainbow Construction avait obtenu du conseil de district de Moka ou encore la compagnie privée Metex Trading Ltd.
Me Bhadain a ajouté que Kistnen utilisait l’adresse où se situe le bâtiment dont l’ex-ministre est le propriétaire à Port-Louis dans ces emails et reçus. Yogida Sawmynaden devait s’appesantir sur le fait que Rainbow Construction n’a jamais opéré dans son bâtiment à Port-Louis.
Des emails échangés concernant le contrat pour la construction de barrages pour le projet hôtelier à Pomponette ou encore pour des Rapid Test Kits pendant le confinement sanitaire de l’année dernière ont aussi été évoqués. Yogida Sawmynaden maintient qu’il n’avait jamais interféré dans ces affaires mais que pour les Test Kits « en tant que ministre j’ai mis au courant le ministère de la santé de ces propositions ».
Toutefois, il devait concéder avoir aidé Kistnen en « corrigeant » une Draft Letter de Kistnen afin qu’il puisse envoyer une lettre en bonne et due forme au Senior Chief Executive de l’IVTB House, afin que sa compagnie de nettoyage, Final Cleaning Ltd, soit enregistrée pour pouvoir se lancer à la conquête de contrats publics.
Me Bhadain a indiqué à Yogida Sawmynaden que la compagnie de nettoyage de Kistnen était aussi enregistrée auprès du District Council de Moka et du ministère de l’Éducation, pour l’obtention de contrats sous l’Emergency Procurement, rappelant que sa colistière au No 8, Leela Devi-Dookhun-Luchoomun, est la vice-Première ministre et ministre de l’Éducation.

Critiques de la magistrate de Moka

L’assistant surintendant de police (ASP) Vikash Seebaruth, qui supervise l’enquête de la Major Crime Investigation Team sur le meurtre de Soopramanien Kistnen, a essuyé des critiques de la magistrate Vidya Mungroo-Jugurnath sur la manière de procéder de la police concernant cette affaire.
Déjà, avec l’apparition du dénommé Ravi dans l’enquête judiciaire, que la police n’avait pas encore identifié et interrogé jusqu’à présent, il a concédé que la police a fait sa demande pour obtenir les relevés téléphoniques de Yogida Sawmynaden « un peu tard » en raison du Work Load.
La magistrate n’a pas manqué de faire part de « manquements déplorables » et de se demander si de la manière dont l’enquête policière suit son cours « nous serons toujours là l’année prochaine à tenter d’obtenir des informations additionnelles ».
L’ASP Seebaruth a aussi été confronté au fait que Yogida Sawmynaden a indiqué dans son audition qu’il avait signé une lettre d’autorisation depuis avril dernier pour que la police puisse obtenir ses relevés téléphoniques « mais que ce n’est que la semaine dernière que la requête a été faite en Cour par la police ».
Le haut gradé de la police a déclaré que les enquêteurs se penchaient sur d’autres aspects de l’enquête avant de le faire. Si Me Neerooa a indiqué à l’ASP que Yogida Sawmynaden avait déjà ses relevés téléphoniques en sa possession lors de son interrogatoire à la MCIT en avril dernier, il a répondu « non ce ne sont pas ses relevés téléphoniques, juste un exercice effectué par lui-même afin de pouvoir répondre aux questions des enquêteurs ».
Me Neerooa de souligner alors “it’s either you or Yogida Sawmynaden who is lying then”.
L’ASP Seebaruth devait aussi faire mention d’un rapport de l’IT Unit sur les messages obtenus du téléphone de Yogida Sawmynaden dont il n’a pas encore pris connaissance. Concernant un quelconque rapport de l’IT Unit concernant l’ordinateur de Kistnen, l’ASP de répondre « je vais devoir vérifier ».
Face à une question de Me Valayden sur l’Ipad de Yogida Sawmynaden qui contiendrait des messages et emails échangés avec Kistnen, l’ASP a répondu que l’Ipad n’a pas été examiné.
À la suite de son audition, la magistrate a ordonné que la MCIT interroge immédiatement Ravichand Leelah et de faire une requête pour obtenir ses relevés téléphoniques.

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