Meurtre de Soopramanien Kistnen : l’overdose de péthidine, l’antidote de la thèse du suicide à Telfair le 16 octobre

  • Le Dr Sunnassee : « Overdose de péthidine administrée à Soopramanien Kistnen »
  • Sujet à l’interrogatoire de Me Azam Neerooa, le Dr Ananda Sunnassee a soutenu, qu’avec une quantité d’au moins 100 mg de ce puissant antidouleur dans le sang et l’urine du défunt, il serait « peu probable » qu’il ait pu s’immoler par le feu
  • Les relevés téléphoniques, autre aspect crucial pour l’enquête judiciaire, avec désormais les noms du Premier ministre, Pravind Jugnauth, et le Special Adviser, Ken Arian, entre autres, établis comme ayant appelé ou reçu des appels de la victime entre le 1er juin et le 19 octobre dernier

Après deux semaines d’audition dans l’enquête judiciaire pour faire la lumière sur le décès suspect de Soopramanien Kistnen, dont le corps en partie calciné avait été retrouvé dans un champ de cannes à Telfair, Moka, le 18 octobre dernier, l’étau se resserre. Avec l’audition du médecin légiste, le Dr Ananda Sunnassee confirmant une forte dose de péthidine, injectée à la victime, la thèse du suicide, retenue par les limiers du CID de Moka, a été balayée d’un revers de la main. Il est venu expliquer que l’activiste du MSM de Quartier-Militaire/Moka (No 8) avait « une forte dose de péthidine dans son sang et dans son urine », ce qui ferait qu’il devait être dans « un état comateux » et « n’aurait pu faire ses déplacements par ses propres moyens » de Quatre-Bornes, où il a été localisé pour la dernière fois, à Telfair, Moka.

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D’autre part, le représentant de Mauritius Telecom est venu confirmer que les noms du Premier ministre, Pravind Jugnauth, et d’autres de ses proches collaborateurs figurent sur la liste des relevés téléphoniques de Soopramanien Kistnen.

Le Dr Sunnassee avait pratiqué l’autopsie du défunt le 19 octobre dernier à l’hôpital Jeetoo. Il devait soumettre son rapport de huit pages sur la cause du décès le 16 novembre. Interrogé par le représentant du Directeur des Poursuites Publiques (DPP), Me Azam Neerooa, il devait dans un premier temps avancer que le corps du défunt était à un début de décomposition, avec des brûlures au troisième degré relevées. Quant à la posture même dans laquelle le corps fut retrouvé, le médecin légiste a soutenu qu’un corps sujet au feu se retrouve dans un tel état « en raison des contractions des muscles, dont ceux des membres comme les bras et les jambes ».

Le médecin légiste a aussi expliqué que l’intestin se trouvait hors du corps en raison du relâchement de gaz après que la victime a été en proie au feu, causant une rupture. Et de préciser aussi qu’à la lumière de ses analyses toxicologiques, le défunt avait 5,2% de monoxyde de carbone dans le corps. Alors qu’il a été interrogé du fait que Soopramanien Kistnen aurait pu être succombé à la suite d’un empoisonnement à l’inhalation de monoxyde de carbone, il a répondu qu’il ne s’était pas rendu sur le lieu, où le corps de la victime avait été retrouvé, mais qu’il s’est basé sur les informations reçues et les photographies mises à sa disposition. L’avocat du DPP d’évoquer ainsi de possibles « manquements » dans son rapport, ce que le docteur a concédé.

Pour revenir à la cause du décès, le Dr Sunnassee a fait état de ses conclusions : un œdème pulmonaire. Il a toutefois affirmé que le défunt n’a pas fait une insuffisance cardiaque, car son cœur était intact. D’avancer alors que, selon les résultats de ses analyses, le défunt avait un excès de péthidine dans son sang et dans son urine. « La péthidine est un puissant antidouleur qui s’apparente à de l’opium qui ne peut être vendu en pharmacie, mais que l’on trouve uniquement dans les hôpitaux publics et en cliniques privées et qu’il est facile de savoir où des doses de péthidine sont portées manquantes, car c’est un analgésique dont l’utilisation est contrôlée », indique-t-il.

Interrogé ainsi sur les raisons de la présence de péthidine dans le corps du défunt, il a commencé par expliquer que l’antidouleur aurait été injecté au défunt au moins six heures avant sa mort. Et d’évoquer une overdose de cet analgésique ou une injection de plusieurs doses dans cet intervalle de temps. Au sujet des effets secondaires de cet antidouleur, le médecin a soutenu que le défunt devait se trouver dans un état comateux. Il laisse entendre par ailleurs qu’avec la présence de péthidine décelée dans l’urine, le défunt avait au moins 100 mg de cet analgésique dans le corps « et il serait impossible pour lui d’être dans une position à se déplacer seul dans un tel état ».

Le trajet de Quatre-Bornes à Moka

Alors que le défunt a été localisé pour la dernière fois dans l’après-midi du vendredi 16 octobre à Quatre-Bornes et que son corps avait été retrouvé deux jours plus tard à Telfair, Moka, le représentant du DPP a recherché des précisions du médecin :
Me Neerooa : Dans un tel état, avec l’administration d’une forte quantité de péthidine au défunt, pouvait-il se déplacer de Quatre-Bornes à Moka ?
Le Dr Sunnassee : Dans un tel état, il serait très difficile vu les effets indésirables.
Me Neerooa : Est-ce que dans cet état il aurait pu s’immoler par le feu ?
Le Dr Sunnassee : Très difficile, mais pas impossible.
Me Neerooa : Est-ce qu’une personne avec autant de péthidine serait capable de s’immoler et contrôler le feu pour qu’il ne se disperse pas ?
Le Dr Sunnassee : Cela ne semble pas possible.

Me Neerooa invoque, d’autant plus, que le défunt était pieds nus, ce qui rendrait la tâche encore plus difficile. Le Dr Sunnassee a aussi précisé que le défunt respirait encore lorsqu’il était pris par le feu, vu qu’il avait inhalé des produits toxiques. Le médecin a de même confirmé que le défunt « n’aurait pu se procurer cet analgésique » et « n’aurait pu savoir comment s’administrer ses doses de péthidine d’une telle quantité ». Des propos qui viennent réfuter la thèse d’un cas de suicide.


Les noms de Pravind Jugnauth
et de Ken Arian sur la liste de MT

Kiran Omi Gokhool, du département informatique à Mauritius Telecom, a été appelé une nouvelle fois à fournir des détails sur les relevés téléphoniques de Soopramanien Kistnen, qui couvre la période du 1er juin au 19 octobre dernier, selon le Judge’s Order. Lors de son interrogatoire, il devait dévoiler deux numéros de téléphone enregistrés au nom de Pravind Jugnauth. Il n’a toutefois pas précisé si c’étaient des appels entrants ou sortants. Continuant son analyse des numéros enregistrés à Mauritius Telecom, qui figurent sur la liste des relevés téléphoniques de Soopramanien Kistnen, le représentant de Mauritius Telecom a dévoilé aussi le nom de Ken Arian, Senior Adviser du Premier ministre, de Bassoodeo Seetaram, proche collaborateur du Premier ministre, d’un numéro de téléphone portable attribué au bureau du Premier ministre et un autre attribué au commissaire des Prisons. Les avocats de la famille du défunt ont alors demandé du temps pour pouvoir analyser en détail ces relevés téléphoniques afin de pouvoir interroger le témoin une nouvelle fois sur les appels effectués et reçus par le défunt.

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