Mieux comprendre l’importation parallèle de médicaments dans le secteur privé à Maurice

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Djouneid FATEMAMODE

L’importation parallèle de médicaments est une pratique selon laquelle des médicaments sont achetés dans un pays et vendus dans un autre sans l’autorisation du fabricant. Bien que cela puisse sembler une bonne idée pour réduire les coûts, cette pratique présente des problèmes importants. Il faut savoir qu’il existe des accords entre des laboratoires pharmaceutiques et des distributeurs à Maurice. Ces accords permettent aux laboratoires de faire un suivi sur le marché, notamment, les résultats sur les patients, les effets secondaires, les opinions des professionnels de santé ainsi que la pharmacovigilance. L’importation parallèle viendrait donner le feu vert à n’importe qui d’importer des médicaments sans nécessité de suivi.

Il faut comprendre qu’à Maurice, la hausse des prix de médicaments est principalement due à la dépréciation de la roupie. Même avec l’application de la marge dégressive, les prix restent élevés.

La roupie mauricienne a perdu de la valeur ces dernières années. Par exemple, en 2018, $1 valait environ Rs 35. En 2024, $1 vaut environ Rs 47. Cela signifie que les importateurs doivent payer plus de roupies pour acheter la même quantité de dollars. Si un médicament se vendait à $100 en 2018, il coûtait Rs 3500. Maintenant, il coûte Rs 4700. Cette augmentation est due à la dépréciation de la roupie, pas à une hausse du prix du médicament lui-même.

Les importateurs de médicaments à Maurice paient selon deux méthodes principales :

1. CIF (Coût, Assurance, Fret) : Cela signifie que l’importateur paie pour le coût du médicament, l’assurance et le transport jusqu’à Maurice. Par exemple, si un médicament coûte $100, l’importateur doit aussi payer l’assurance et le transport. Si ces coûts supplémentaires sont de $20, le total est de $120.

2. FOB (Franco à Bord) : Cela signifie que l’importateur paie pour le coût du médicament et le transport jusqu’à ce qu’il soit chargé sur le bateau dans le pays exportateur. Si le médicament coûte $100 et le transport jusqu’au bateau coûte $10, le total est de $110. Ensuite, l’importateur doit payer le transport du bateau à Maurice.

Les importations coûtent cher et même si la marge dégressive est appliquée, les coûts, avant l’arrivée des médicaments sur le marché, sont déjà élevés. La marge de profit des importateurs sur les produits s’appliquent après le dédouanement à Maurice, par exemple si un médicament coûte entre Rs 0 et Rs 500, une marge de 32% est appliquée. Entre Rs 500 et Rs 1000, 30%, et au-delà de Rs 2000, 20% de marge de profit.

Le gouvernement mauricien a appliqué une marge régressive pour essayer de contrôler les prix. Cette mesure visait à faire baisser les prix des médicaments. Toutefois, la dépréciation de la roupie étant plus importante que l’effet de la marge dégressive, cela implique que les prix continueront à grimper. La marge dégressive signifie que plus le prix du médicament est élevé, plus la marge de profit des pharmacies est petite. Par exemple :

Pour un médicament coûtant jusqu’à Rs 5, la marge s’élève 25%.

Pour un médicament à plus de Rs 2000, la marge est de 10%.

Prenons un médicament coûtant Rs 2000 à importer. Avec une marge de 10%, le prix final serait de Rs 2200. Même avec cette marge plus faible, le prix reste élevé à cause de la dépréciation de la roupie et des coûts d’importation.

Sur une radio privée récemment, le leader de l’opposition a fait une comparaison entre Maurice et l’Europe, concernant l’importation parallèle. Mais quelles sont les grandes différences? L’importation parallèle de médicaments comporte des risques :

En Europe, l’importation parallèle de médicaments est strictement réglementée. Les agences de réglementation comme l’Agence Européenne des Médicaments (EMA) veillent à ce que tous les médicaments importés répondent aux mêmes normes de qualité et de sécurité que ceux produits localement. Les médicaments importés doivent être approuvés et suivis rigoureusement, ce qui garantit leur sécurité et leur efficacité. À Maurice, le cadre réglementaire n’est pas aussi robuste. Les autorités locales peuvent ne pas avoir les mêmes ressources pour surveiller et contrôler les médicaments importés parallèlement. Cela peut entraîner des risques de qualité et de sécurité, car les médicaments ne peuvent pas passer par les mêmes contrôles stricts que ceux en Europe.

L’Europe bénéficie aussi d’un marché unique avec une population vaste et diversifiée. Les pays européens peuvent tirer parti des économies d’échelle, ce qui permet de réduire les coûts des médicaments. Les grandes quantités commandées permettent de négocier de meilleurs prix avec les fabricants et de répartir les coûts fixes sur un plus grand nombre de produits.

À Maurice, avec une population beaucoup plus petite, on ne peut pas profiter des mêmes économies d’échelle. Les quantités de médicaments importés sont plus faibles, ce qui limite le pouvoir de négociation des importateurs et augmente les coûts par unité. De plus, Maurice ne fait pas partie d’un marché unique comme l’Union européenne, ce qui limite les avantages des importations parallèles.

Ensuite, les pays européens sont géographiquement proches les uns des autres, ce qui réduit les coûts de transport et de logistique. Les médicaments peuvent être transportés rapidement et à moindre coût entre les pays membres de l’UE. Les infrastructures logistiques sont également bien développées, facilitant la distribution efficace des médicaments. À l’inverse, Maurice est une île située loin des grands centres de production pharmaceutique. Les frais de transport maritime ou aérien augmentent considérablement le coût des importations. De plus, les infrastructures logistiques locales peuvent ne pas être aussi développées que celles en Europe, ce qui complique davantage la distribution des médicaments.

Il faut donc comprendre que la hausse des prix des médicaments à Maurice est principalement due à la dépréciation de la roupie. L’importation parallèle va en premier lieu encourager une concurrence déloyale entre les importateurs. Il faut savoir que des laboratoires pharmaceutiques emploient des représentants et autres cadres pour appuyer les recherches des molécules utilisées dans les médicaments originaux et génériques. Cette industrie, on ne peut pas seulement la regarder comme commerce; le monde pharmaceutique sauve des vies, des professionnels de santé prescrivent des médicaments après avoir lu et analysé des rapports émis par des journaux de médecine ; nous ne pouvons pas permettre que la politique s’en mêle et que les décisions sont prises au détriment des gens concernés dans ce domaine.

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