MINISTÈRE : L’intégration sociale n’est pas une sinécure

GAËTAN JACQUETTE 

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Une analyse dans l’hebdomadaire Week-End du 10 mars avance qu’une des formes que pourrait prendre la politique de rupture de Navin Ramgoolam est la désignation d’au moins sept Shadow Ministers des rangs de nouveaux visages « pour des portefeuilles stratégiques, comme le TIC, l’Ocean Economy, l’Intégration sociale, et les Services financiers ».

Nous nous intéresserons, comme le leader de l’Opposition, Xavier-Luc Duval, pour sa PNQ de la rentrée parlementaire du 2 avril, à l’Intégration sociale et l’autonomisation économique. Il serait grand temps que Navin Ramgoolam – s’il retourne au pouvoir, bien entendu – accorde de l’importance à ce ministère qu’il a lui-même créé. Tous ceux qui se sont succédé à ce portefeuille l’ont considéré comme une sinécure, et ne se sont probablement jamais intéressés à comprendre la philosophie de l’Intégration sociale.

Je l’ai déjà dit et écrit, mais malheureusement il faudra le répéter. Lorsque j’avais proposé la création de ce ministère, j’avais insisté sur deux conditions essentielles : (i) l’élaboration d’un plan Marshall pour l’intégration sociale et qui sera piloté par le futur ministre, et (ii) la collaboration effective de plusieurs ministres avec leur futur collègue de l’Intégration sociale. Si quelqu’un, un père de famille, qui est au chômage depuis des lustres, a reçu une formation professionnelle après intervention du ministre auprès de son collègue responsable de la formation, cela ne suffit pas pour autant pour qu’il sorte de l’exclusion. Ce n’est qu’un début. Il faudra l’accompagner, intervenir auprès du ministre de l’Emploi pour qu’il obtienne un travail maintenant qu’il est formé; lui procurer un toit, avec la collaboration du ministre du Logement, pour loger convenablement sa famille, maintenant qu’il peut s’acquitter d’un loyer vu qu’il a un salaire. Ce n’est qu’ainsi qu’il pourra intégrer le mainstream afin d’amorcer son développement économique, avec même la possibilité de gravir l’échelle sociale si tout se passe bien. Rien que dans cet exemple, il aura fallu la collaboration de trois autres ministres.

Malheureusement, chaque ministre ayant occupé ce fauteuil de l’Intégration sociale, a cru qu’il pouvait à lui seul dans son petit coin exécuter les douze travaux d’Hercule. Certains ont choisi la facilité en donnant un peu d’argent aux exclus sans les accompagner comme il le fallait. Cela s’appelle de l’assistanat, et n’a rien à voir avec l’intégration sociale. Un autre a pris deux longues années pour pondre, avec l’aide du PNUD, un plan Marshall pour combattre la pauvreté. Mais ce n’est pas le ministère de la pauvreté ! Il l’a peut-être compris, même un peu tard, puisqu’il a émigré vers de plus calmes pâturages, le ministère de la Culture. Il n’y a presque jamais de PNQ pour le ministre de la Culture. Il a donc choisi le meilleur moyen de vivre son ‘A-B-C’ jusqu’à la fin de son mandat.

Revenons à la PNQ posée par celui qui a été le premier ministre de l’Intégration sociale à celui qui est le dernier en date à occuper ce fauteuil. La très (trop) longue réponse lue par le ministre nous a donné (très) largement le temps de nous rendre compte qu’il ne comprend pas trop bien son rôle. Même la Speaker a dû intervenir plus d’une fois pour lui expliquer qu’il doit répondre sans faire de déclarations. Mais lui continuait de plus belle à lire sa longue réponse. Mais ne l’accablons pas outre mesure. Tous ses prédécesseurs, à commencer par le premier d’entre eux, n’ont pas fait mieux. Ils étaient soit incompétents ou alors carrément indifférents.

Le premier justement, Xavier-Luc Duval : pendant un an et demi il s’est assis en boudant à côté de ce fauteuil. D’ailleurs, à la faveur d’un remaniement ministériel, il a couru se jeter dans le fauteuil du ministre des Finances : il voulait un ministère prestigieux. Quant à ces malheureux qui ont été poussés et maintenus dans l’exclusion de génération en génération, leur sort le laissait totalement indifférent.

Voilà presque dix ans que ce ministère existe pour rien. Il est grand temps que l’on se ressaisisse, que l’on ne se contente plus de marquer des points contre l’adversaire sur le dos des exclus. La rhétorique n’intéresse pas les exclus. Ils attendent sans trop d’espoir que quelqu’un songe enfin à améliorer leur sort.

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