Mo tizil plore, Personn pa souy so lizie…

« Maurice, c’est fini… Je ne crois pas que j’y retournerais un jour ! » La réflexion est celle d’un ancien enseignant qui, comme des milliers d’autres fils et filles du sol, a quitté son île natale il y a des décennies pour se faire une place au soleil, parce qu’au bercail, les opportunités étaient, à l’époque, très maigres. Comme tant de Mauriciens faisant partie de la diaspora, un peu partout autour du globe, cet homme est cependant resté très proche de ses racines. Lisant ainsi régulièrement les médias locaux et constatant, avec effroi, et le cœur de plus en plus lourd, que « Mo tizil plore… personn pa souy so lizie » (Kaya, Zistwar Revoltan, 1996). Parodiant un tube phare d’Hervé Villard, Capri, c’est fini, l’homme voile avec peine son amertume, voire son dégoût, et ses regrets de tout ce qui faisait, jusqu’ici, la beauté et la grandeur de son île. De notre pays.
Ils sont légion, ici comme ailleurs, ces Mauriciens qui ressentent, jour après jour, coup sur coup, que leur Tizil s’enfonce, s’enlise inéluctablement dans une gadoue qui ne fait pas du tout honneur à notre petit coin de paradis. Combien préparent ainsi leurs enfants à ne plus rentrer au pays ? Combien veulent, eux-mêmes, partir, de guerre lasse ?
Les dérives multiples, ainsi que les abus répétitifs de pouvoir et d’autorité, poussent quelques audacieux dans les rues. Tantôt les syndicats contre la cherté de la vie et la répression. Mais aussi des avocats, des associations de consommateurs… Et il y a eu ces citoyens qui ont dit clairement « Assez ! » il y a quelques semaines. Les uns et les autres bravent des obstacles pour que la voix du peuple ne se taise à jamais. L’heure n’est pas à l’inaction ni à la frousse.
Notre pays n’est pas en pleine déroute. Des développements sont effectivement réalisés. Avec l’objectif de propulser le pays parmi ces nations qui s’en sortent le mieux et qui sont modernes, qui marchent avec leur temps. Soit. Mais entre-temps, avec la pandémie de Covid-19, qui nous a doublement frappés, avec ces sans scrupule proches du pouvoir, qui n’ont pas hésité à plumer le peuple royalement, le naufrage du Wakashio, plusieurs scandales liés à la santé et aux finances, et avec l’actuel spectre d’une guerre mondiale via le conflit russo-ukrainien, nous avons… « sap dan pwalon, tom dan dife ».
Et qu’est-ce que le gouvernement de Pravind Jugnauth propose comme riposte adéquate à la pauvreté galopante ? L’extension de ses projets prestigieux qui ne rapportent pas de sous ? Le musellement de ceux qui osent dénoncer les injustices, comme de placer en détention des avocats ou pousser à la démission les empêcheurs de tourner en rond ? L’arrêt des procédures légales, comme dans l’affaire du Slovaque expulsé ? Matters are getting worse, day after day…
Et puisqu’à l’échelle internationale, les choses s’aggravent également, n’est-ce pas une bonne raison de se ressaisir ? D’identifier les vraies priorités et de rectifier le tir ? Plutôt que de s’entêter dans une voie qui semble bien sans issue, pourquoi ne pas faire table rase et prendre le taureau par les cornes, faire preuve d’un peu de grandeur d’âme, d’ouverture d’esprit, de solidarité et de cœur ?
Il serait (trop) facile d’appeler à la désobéissance civile et à descendre dans les rues, de créer la pagaille, de mettre le pays sens dessus dessous. Les crises actuelles se doivent d’être désamorcées en amenant ceux qui nous gouvernent à accepter qu’ils ont « fote », et magistralement d’ailleurs ! Une action a démarré avec la motion de blâme au Parlement cette semaine. Pour ne pas que notre pays continue de dégringoler dans les indices statistiques internationaux. Pour que notre Tizil retrouve ses couleurs…
Nous ne le devons pas à Kaya, ni à Jacqueline, Raj, Darshinee, Ah-kwet, Sheila ou Ahmad. Nous le devons à nous-mêmes, à chacun d’entre nous, des humains dotés d’un tant soit peu de cœur, d’un cerveau et de bon sens. Et surtout, nous le devons à nos enfants, à qui nous léguons ce pays. Ce qu’ils en feront demain dépend de ce que nous en faisons maintenant. Alors traçons leur un parcours dont ils seront fiers et forts, et qui fera d’eux des humains sensibles, respectueux et valeureux. Pas des chatwa ni des esclaves ou des dictateurs !

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