MONDE DES AFFAIRES — Mieux se préparer à la crise : Des professionnels se regroupent au sein de la Risk Management Association

Frédéric Papocchia : « Le monde de l’entreprise est de plus en plus ponctué de situations de crise »

- Publicité -

L’ancien amiral Olivier Lajous prévient les entreprises mauriciennes contre trois gros risques : les pandémies, les cyberattaques et le dérèglement climatique

Personne n’était préparé à l’arrêt brutal des activités et à l’impact conséquent de la pandémie sur les entreprises. La COVID-19 a tout bouleversé et imposé une nouvelle normalité dans la manière de conduire les affaires. Il faut désormais mieux se préparer aux risques de manière générale et décider de la manière et des moyens d’y réagir – mais surtout s’y préparer. Dix groupes/entreprises du secteur privé ont réfléchi sur la question et ont décidé de mettre leurs efforts en commun pour lancer la toute nouvelle Risk Management Association (RMA). Parmi les fondateurs, les groupes MCB, Ciel, MUA, Currimjee, Innodis, Cim Finance, UBP, Rose-Hill Transport, ABC et LEAL.

La Risk Management Association vise à contribuer à la création d’une communauté d’individus et d’entreprises “risk aware” à Maurice. Dans le concret, elle se positionne comme une plate-forme où les professionnels de la gestion des risques (risk management professionals), ainsi que les particuliers et les entreprises, pourront se connecter et échanger des points de vue sur les risques et les sujets liés à la gestion des risques par le biais d’événements et de webinaires. L’association couvrira à la fois des sujets liés aux risques financiers et non-financiers.

Frédéric Papocchia, Chief Risk Officer au sein du groupe MCB et président de la RMA, explique la genèse de l’association : « Le monde de l’entreprise est de plus en plus ponctué de situations de crise majeures avec des risques qui sont en constante évolution, qui se multiplient et qui ne se matérialisent pas toujours là où on les attend ! » Il cite le cas de la COVID-19, disant que personne ne pensait que cela pouvait arriver et allait mettre le monde à l’arrêt. « On a tous pensé que ce n’est pas possible et que ça ne va jamais arriver mais la pandémie est arrivée. Nous nous sommes réunis et nous avons créé l’association très récemment. Nous avons dix entreprises fondatrices qui viennent de secteurs variés. Notre objectif est de contribuer à développer à Maurice une communauté de professionnels et aussi de non-professionnels autour des problématiques du risque. Ce, afin de créer et faire grandir la culture du risque, que ce soit au niveau des entreprises ou des individus. »
Commentant la situation au sein des entreprises, Frédéric Papocchia dit que lorsqu’on pose la question aux entreprises de savoir comment elles gèrent leurs risques, souvent c’est une réponse « trop simpliste » qui est donnée. Or, la gestion de risque est très complexe et « tous les risques ne peuvent être transférés à l’assureur ». Frédéric Papocchia poursuit que le bon exemple, c’est « ce qui se passe depuis 18 mois » avec la pandémie. « Nous pensons tous que nous avons les meilleurs plans de gestion de risques, mais ce qu’on a vécu montre qu’aucun plan de protection n’est infaillible. On a toujours besoin d’une capacité d’adaptation, de réaction et d’agilité. »

Pour y parvenir, la RMA vise justement à faciliter l’accès et l’échange sur diverses ressources d’apprentissage et fournir des informations spécialisées dans le domaine de la gestion des risques à travers des cours de formation et des “white papers”. Elle souhaite vulgariser et renforcer la connaissance de base des concepts et des mécanismes de gestion des risques qui permettront aux membres d’identifier, de gérer et de planifier les risques futurs dans leurs propres unités et entreprises. Grâce à ses liens avec un club international de gestion des risques et d’autres associations européennes, la RMA entend apporter à Maurice les dernières réflexions et pratiques en matière de gestion des risques en Europe et au-delà. Elle contribuera également à offrir des possibilités de mentorat aux jeunes et aux étudiants dans le but de susciter l’intérêt dans le domaine de la gestion des risques pour les générations futures.

Le président de l’association, Frédéric Papocchia (MCB), est soutenu par le vice-président Bertrand Casteres (MUA) et le secrétaire, Alvin Joyekurun (MUA). Jean-Pierre Lim King (Innodis) est trésorier et il est assisté de Jean Philippe Chowree (MUA). Les membres de la RMA sont Veenaye Busgeet (Ciel), Kwon Li Pak Man (Cim Financial services), Brian Ah Chuen (ABC Banking) et Ismaël Soodeen (Currimjee).

« Un ennemi s’est infiltré »
Lors d’un webinaire qui a servi de plateforme de lancement pour la toute nouvelle association, Olivier Lajous, ancien amiral de la marine française, a parlé de son expérience dans des environnements caractérisés par l’incertitude. Il a été engagé dans des opérations maritimes et militaires. Il a récupéré des migrants (boat people) en haute mer en 1975. Il a arrêté des pirates au large de la Somalie. Olivier Lajous dit avoir été en permanence confronté à la crise.

Il faut se préparer à la crise et ne pas attendre qu’elle soit là pour y faire face, explique-t-il. « Les humains ont toujours du mal à accepter l’incertitude. On a fait croire à tout le monde que grâce à la technologie et autres, on peut tout contrôler ! Mais il faut en permanence se préparer à l’incertitude. Quand Emmanuel Macron a dit nous sommes en guerre, cela a choqué beaucoup de monde, mais tous les ingrédients du temps de guerre sont là. La COVID a déferlé sur le monde entier et fait plus de trois millions de morts. Un ennemi s’est infiltré et on ne sait pas comment le combattre. Il est partout et dangereux », explique l’ancien amiral. La deuxième caractéristique de la crise, c’est le dérèglement, dit-il, car nos vies et nos économies « ont été déréglées ».

Son message aux entreprises : n’attendez pas d’être confrontées à une situation de crise mais prévenez-la en permanence. « Dites à vos équipes de se poser régulièrement des questions sur tous les problèmes qui peuvent surgir et comment s’y préparer. Donnez-vous une demi-journée par trimestre pour tester un scénario et préparer les gens. C’est important de tester des scénarios désagréables. Chaque crise a sa propre dynamique mais on n’est plus à l’aide quand on s’y est préparé. » Olivier Lajous ajoute que souvent l’entreprise est fragile parce qu’elle ne s’est pas posé des questions sur sa propre fragilité, et pour lui le pire serait de sortir de la crise sans avoir rien appris.

—————————————
« Il y a des gens qui vont attaquer »

L’ancien amiral Olivier Lajous identifie les trois plus grands risques qui vont affecter les entreprises dans le futur : les pandémies, les cyberattaques et le dérèglement climatique. Pour lui, les pandémies vont continuer de nous toucher. « À mon avis, il y en aura d’autres. » Le deuxième risque majeur, c’est notre grande dépendance du numérique. « Que se passera-t-il si demain les câbles sous-marins sont l’objet d’attaques terroristes parce que des gens ont intérêt à vous couper du monde ? Certains ont des capacités et travaillent à détruire des satellites… Aujourd’hui nous ne savons plus vivre sans les réseaux du numérique. C’est un gros risque. Il y a encore énormément de travail à faire en matière de cyberdéfense et on est clairement trop fragiles à ce niveau. Il y a des gens qui attaquent et qui vont attaquer, aussi bien des États, des hôpitaux que des entreprises qui sont dépendantes du numérique, que ce soit pour leur système de paie, leur “supply chain” etc. »

Le troisième grand risque, c’est celui de l’environnement, du réchauffement de la planète, et des dérèglements climatiques à commencer par la fonte de glaciers. « Des défis énormes sont devant nous. Les 30 années à venir seront cruelles, des phénomènes climatiques violents vont se répéter et il faut s’y préparer. »

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -