Money, mon œil !

Vous pouvez prendre au hasard n’importe quel fléau moderne – pillage de nos ressources naturelles, extermination des espèces, changement climatique, trafic de drogue et humain, cas de fraudes, affaires d’escroquerie, faits de corruption, trafic d’influence… –, tous ont comme dénominateur commun l’appât du gain. L’argent, cette « chose » totalement artificielle créée dans l’unique but de nous permettre de nous développer et d’améliorer notre quotidien sans avoir à nous entendre, si ce n’est sur sa notion même, aura en effet façonné le monde et notre manière d’en concevoir le fonctionnement depuis son apparition, il y a un peu moins de trois millénaires déjà, quitte à sacrifier principes et valeurs sur son autel.

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Le problème, c’est que l’argent aura institutionnalisé nos échanges à un point tel qu’il paraît impossible de nos jours d’imaginer un monde qui en serait dépourvu. D’autant que s’il a permis le développement exponentiel de connaissances et de techniques, il aura, surtout, réussi dans le même temps à creuser au fil des siècles, et toujours plus profond, le fossé séparant une minorité d’élus (les riches) et la grande majorité que constituent les démunis. C’est un fait, aujourd’hui, les rois du monde ne portent plus de couronne et ne s’asseyent plus sur des trônes blindés d’or : ils jouent à la Bourse, maximisent leurs profits aux dépens des travailleurs, côtoient les célébrités à la très huppée station de ski de Zermatt et parlent politique et polo « entre gens du monde » dans des clubs branchés réservés aux seules élites.

Dès lors, l’on ne s’étonnera pas que l’argent ait vite supplanté toute autre considération un tant soit peu humaniste. Ainsi les commerces fructueux du tabac et des armes, pour ne citer qu’eux, sont-ils toujours non seulement tolérés, mais plus encore encouragés. Tout comme celui du trafic de stupéfiants qui, bien que fonctionnant sur le marché parallèle, continue, lui aussi, d’alimenter les comptes en banque de nombre de nantis. Sans aller jusque-là, ce même esprit se constate aussi dans nos transactions courantes, quand bien même ces dernières hypothéqueraient la survie de l’humanité.

À ce titre, nous pourrions évoquer la question du dérèglement climatique, dont nous avons connaissance depuis plusieurs décennies déjà, et qui, pourtant, ne suscite que des réactions épisodiques et dérisoires au regard des conséquences de ce qui constitue aujourd’hui le défi du siècle. À ceux qui en douteraient encore, deux exemples récents viennent une fois de plus prouver que le climat ne pèse rien face aux enjeux financiers. Le premier est celui du CAC 40. Comme vient en effet de le faire ressortir l’Ong Oxfam, les entreprises du principal indice boursier de la Bourse de Paris ont choisi de verser quatre fois plus de dividendes à leurs actionnaires qu’elles n’auront investi dans la transition écologique. Preuve s’il en est que le profit reste, au sein du monde des affaires, la plus grande des sources de motivation, et donc bien plus que ne l’est évidemment le climat.

L’autre exemple, lui, nous aura été offert sur un plateau « d’argent » par le secteur énergétique. Et plus particulièrement par TotalEnergies et Petrobras, qui viennent contre toute attente – et malgré les discours mielleux tenus çà et là tentant de nous faire croire à leur bonne volonté –, de faire part de leur intention de lancer l’extension de deux champs pétroliers au Brésil. Preuve ici que les projets d’extractions d’énergies fossiles à grande échelle se poursuivent contre vents et marées, malgré l’engagement des nations à lutter contre le changement climatique.

Rien qu’à elles deux, ces récentes nouvelles nous forcent à nous poser plusieurs questions cruciales dans la conjoncture : Quelle est la responsabilité réelle des entreprises dans le domaine climatique ? Comment les contraindre à atteindre les objectifs environnementaux ? Doit-on multiplier les procès et, si oui, ne sont-ils pas perdus d’avance ? Quel est le poids des politiques d’Etat face à de tels déploiements financiers ? En quoi le citoyen lambda peut-il intervenir et, s’il peut agir, quelle est sa portée d’action ? Autant de questions qui ne trouveront de réponse tant que l’humanité n’aura pas réalisé à quel point tout cela n’aura servi à rien lorsque le climat aura mis son veto à la proposition du maintien de la vie sur Terre !

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