Mots pour maux

Les festivités pour nos 50 ans d’indépendance sont derrière nous. La fête a certes été quelque peu gâchée par l’imbroglio politique entourant le départ, hier, dans les conditions que l’on sait, d’Ameenah Gurib-Fakim, de la State House. Première femme à accéder à cette position, elle a aussi fait l’histoire en étant la première Mauricienne à accéder à ce poste tout en ne revendiquant aucune appartenance politique. Pour cela, tout le pays l’avait applaudi et encouragé. En quittant son fauteuil dans les circonstances que l’on connaît et avec l’ampleur que prend toute cette affaire qui éclabousse l’image de Maurice, dans la région et ailleurs, c’est tout, sauf reluisant et encourageant pour notre jeune nation.

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Et nos maux ne s’arrêtent pas là. En 82 jours, l’on enregistre 40 morts sur nos routes. Déjà. L’hécatombe se poursuit de plus belle. L’on sait évidemment que ce n’est pas parce que Pravind Jugnauth a lancé une campagne de sensibilisation sur la sécurité routière que la donne allait changer du jour au lendemain. Et ce n’est pas non plus parce que le discret Nando Bodha, affecté aux Infrastructures publiques et transport intérieur, multiplie les inaugurations des moto-écoles que les conducteurs de deux roues n’en sont plus les victimes principales. Il n’y a aucune solution miracle pour stopper en un temps record le carnage des chauffards : soit. Et tout porte à croire que 2018 sera encore plus meurtrière que 2017 avec ses 157 morts, contre 144 en 2016, 135 en 2015 et 137 en 2014.

Malgré toute la bonne volonté des autorités ainsi que certaines instances oeuvrant sur ce plan, un élément manquant important, à notre sens, à ce jour reste la répression. L’on ne comprend pas pourquoi l’État peine à durcir le ton envers ceux trouvés coupables de conduite dangereuse entraînant la mort. Il nous semble, cependant, qu’une telle initiative contribuerait à faire réfléchir les fous du volant ! Le sociologue Ibrahim Koodoruth l’avait bien expliqué, il y a quelques mois : « Faire des cas d’école agira sur la psychologie de ceux qui sont peu disciplinés sur nos routes et qui entraînent des morts, de par leur comportement à risques.» Dans le même esprit, le principe de base du permis à points est un “deterrent” psychologique important, qui devrait aider, à notre humble avis, à refroidir les ardeurs de ceux qui se prennent pour les “mari du koltar”, et mettent les vies d’autrui en jeu ! Mais l’on sait que parce que le permis à points était un projet de l’ancien régime, immédiatement donc, il est disqualifié et relégué aux oubliettes. Que l’on vienne alors avec une alternative concrète ! Et parallèlement aux campagnes de prévention, un programme d’éducation complet, incorporé dans le cursus scolaire, mais également vulgarisé via les centres communautaires, par exemple, serait tout aussi la bienvenue… Car prendre un volant, ou actionner une deux-roues, cela n’implique pas la seule personne qui se trouve en position de conducteur. Il y va de la sécurité de tous ceux qui vont se trouver sur sa route sur le parcours emprunté.

Autre secteur, autres maux. L’ancien juge Paul Lam Shang Leen, président de la Commission d’enquête sur la drogue, a seriné à maintes reprises, et non sans une forte dose d’ironie, lors des travaux : « zot tou zougader kan zot vinn isi !» Cela, à l’intention de nombre de ceux qui étaient convoqués et qui devaient s’expliquer sur des gains importants, retrouvés en dépôts liquides sur leurs comptes bancaires. Et Sam Lauthan, assesseur de cette instance, ancien ministre de la Sécurité Sociale, et travailleur social toujours très engagé dans la lutte contre la toxicomanie et le trafic de la drogue, ajoutait un pendant éloquent : «il n’y a qu’à Maurice que les casinos encaissent des pertes.» Ce secteur connaît depuis de nombreuses années, en effet, des secousses qui poussent les employés à être toujours en position de démarrer des grèves et déplorer leurs conditions de travail. Mais au-delà de ces dysfonctionnements, le mal qui gangrène ce secteur, c’est qu’il est fortement prisé pour le blanchiment d’argent provenant du trafi c de la drogue, dans le pays.

Un des axes phares de la Commission d’enquête, et aussi un élément prioritaire de la déposition-clôture du ASP Hector Tuyau, le 14 mars, c’est le blanchiment d’argent qui mérite que l’Etat s’y intéresse au plus vite. Car, ainsi que le soutiennent les travailleurs sociaux Danny Philippe et Imran Dhanoo, dans nos colonnes, plus loin, le business de la drogue est ultra-lucratif; il engrange des millions au quotidien ! Où passe tout ce fric ?

Autant de maux qui affectent notre jeune nation, toujours fragilisée par les secousses de l’affaire Platinum Card, sans oublier ces autres scandales concernant nos élus, également, qu’il ne faut pas oublier. La reprise, tant attendue, du Parlement, cette semaine, devrait relancer tout cela…

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